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même procès-verbal, soit dans des procès-verbaux séparés.

On conçoit facilement que si le législateur, dans cet article, n'a parlé que des arbitres pour la nomination du tiers, quand ils y sont autorisés, c'est qu'il lui a paru inutile de rappeler que les parties ont le droit de le nommer à l'avance par le compromis, ou de s'en réserver le choix; qu'alors les choses se trouvent dans le même état, quand ce tiers est choisi par elles, que s'il était nommé par les arbitres ou par le président du tribunal.

Ainsi donc, en prenant l'article avec sa rédaction, on doit conclure que si les parties n'avaient point nommé d'avance le tiers, ou ne s'en étaient pas réservé le choix, et si les arbitres eux-mêmes n'avaient pas reçu le pouvoir de le nommer, ces arbitres perdraient leur caractère de juges, aux termes de l'article 1012, et le compromis finirait.

Toutefois, comme l'arbitrage dépend de la volonté unanime des parties, et qu'il n'y aurait, dans ce cas, de péremption légale pour elles que si elles n'étaient pas toutes d'accord, ces parties peuvent faire revivre les pouvoirs des arbitres, soit en nommant elles-mêmes le tiers après le partage connu, soit en autorisant les arbitres à le choisir; elles pourraient aussi, et en même temps, proroger le délai, si cela était nécessaire.

Enfin, en admettant que les arbitres se trouvent autorisés à nommer le tiers, ils sont tenus de le faire par la décision qui prononce le partage; s'ils ne peuvent s'accorder, ils doivent le déclarer dans le pro

cès-verbal, et alors le tiers est nommé par le président du tribunal, qui doit ordonner l'exécution de la sentence arbitrale; mais, pour obtenir cette nomination, il doit être présenté requête à ce magistrat par la partie la plus diligente.

Dans tous les cas, c'est-à-dire soit que le tiers ait été nommé par les parties, soit que les arbitres, autorisés, le choisissent, soit qu'on ait recours au président du tribunal pour le nommer, l'art. 1017 faït toujours une obligation aux arbitres divisés de rédiger leur avis distinct et motivé, dans le même procès-verbal qui prononce le partage, ou dans des procès-verbaux séparés.

D'un autre côté, si les arbitres n'étaient pas autorisés à nommer le tiers-arbitre, et que les parties ne fussent pas convenues d'en nommer elles-mêmes, il suffirait, disent des auteurs, de constater le partage, sans dresser procès-verbal des avis et des motifs de chacun. En effet, on ne voit pas que la loi, dans cette hypothèse, ait fait une obligation aux arbitres de dresser ce procès-verbal des avis de chacun, puisque le partage met fin au compromis (art. 1012 C. Pr.).

Néanmoins, dans cette même hypothèse, nous conseillons aux arbitres, dans l'intérêt des parties et pour accomplir régulièrement leur mission, d'établir le procès-verbal de leur avis distinct et motivé, alors qu'ils constatent le partage; car, quoique les parties ne les ont pas autorisés à nommer le tiers, ou qu'elles ne s'en sont pas réservé la nomination, et qu'elles se trouvent discordantes sur son choix au moment du partage connu, il est possible cependant qu'elles finis

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sent par s'entendre sur le choix du tiers, et dans ce cas, les avis des arbitres partagés étant rédigés en un procès-verbal, il s'ensuit que l'arbitrage reprend son cours naturel, que le tiers peut juger, et que les parties sont dispensées par là de nommer de nouveaux arbitres pour faire décider leur contestation. D'ailleurs, les arbitres n'ont point à s'occuper de ce qui peut advenir après le partage de leurs opinions; ils doivent faire connaître aux parties sur quel fondement ils se trouvent divisés, sauf à elles, si le compromis ne prévoit pas le partage, à prendre le parti qu'elles croiront convenable.

A la suite de ces explications, nous allons rapporter quelques décisions qui ont le plus d'analogie avec cette circonstance de l'arbitrage, et où l'on remarquera, nos 3 et 4, une modification à la disposition de l'art 1017, touchant le partage.

QUESTIONS ET DÉCISIONS.

1o (CE QUI CONSTITUE LE PARTAGE.) Lorsque, de deux arbitres ayant déclaré d'une manière générale qu'ils sont d'avis différens, l'un émet son avis et l'autre se borne à dire qu'il ne peut en avoir aucun sur l'affaire, y a-t-il la partage qui autorise le tiers-arbitre à juger?

Pour qu'il y ait partage entre deux arbitres, faut-il que chacun ait émis son avis séparé, de manière que le tiers puisse adopter l'un ou l'autre ?

La cour de Poitiers, arrêt du 13 mai 1818, S., XVIII, 11, 201; D., t. Ier, p. 633, a jugé négativement la première question, et affirmativement la șe

conde. Ainsi, comme nous l'avons déjà dit, le partage n'est réel et formé que quand il y a entre les arbitres deux avis positifs, distinc's, diaméiralement opposés, et que l'un et l'autre avis ont été rédigés et motivés dans le même procès-verbal ou dans des procès-verbaux séparés. Aussi cette même cour a-t-elle considéré que l'arbitre qui avait déclaré n'avoir pas d'avis à donner sur le litige n'avait pas jugé, et que. par conséquent il n'y avait pas cu deux jugemens sur le fond de ce litige, pour appeler un tiers qui put et dût choisir celui qui lui paraîtrait plus conforme à l'équité; d'où il suit, porie l'arrêt, que n'y ayant pas eu partage, dans le sens de la loi, entre les arbitres, le tiers a jugé hors des termes du compromis (art. 1028, nos 3 et 4), et qu'il y a nullité de la sen

tence.

1o (PARTAGE, ARBITRES D'UN INTÉRÊT COMMUN.) Lorsque, sur trois parties qui ont nommé chune un arbitre, deux de ces parties ont un intérei commun, s'ensuit-il qu'en cas de pariage enire les deux arbitres de ces deux parties et le troisième arbitre, il doive éire appelé un tiers-arbiire pour vider le pariage? Au contraire, l'avis des deux arbitres con stituc-t-il le jugement, nonobstant le refus de l'autre arbitre de signer?

La première partie de la question a été décidée négativement, et la deuxième affirmativement par la cour de cassation, arrêt du 25 novembre 1814, D., t. Ier, p. 789. Ceiie cour a considéré que « la loi ne distingue point entre le cas où un tribunal arbitral » est composé de plusieurs arbitres nommés par dif» férentes parties ayant un intérêt distinci et séparé,

» lorsqu'elle statue sur la manière dont il doit être » procédé par les membres de ce tribunal, soit en » cas de partage, soit en cas de dissentiment; que, » dans l'espèce, les arbitres nommés par les parties » (dont deux, dès le principe, avaient un intérêt » commun), s'étant trouvés divisés deux contre un, » lors du jugement, ont dû procéder conformément » à la loi, et que, dès-lors, leur sentence a dû sortir » effet, aux termes de l'art. 1016 C. Pr., quoiqu'elle » n'ait été signée que par deux arbitres. >>

Il est certain que du moment que les parties, aú nombre de trois, étaient unanimement convenues, comme dans l'espèce, de nommer chacune un arbitre, bien que deux de ces partics eussent un intérêt commun; que toutcs avaient volontairement procédé et sans nulle réclamation, il est certain, disons-nous, que les arbitres ainsi nommés n'appartiennent plus qu'à la cause, et qu'il ne faut pas supposer que chacun d'eux doit se constituer le défenseur unique et exclusif des intérêts de la partie qui l'a désigné; au contraire, il ne doit se regarder que comme le médiateur entre tous les intérêts que présente la contestation qui lui est soumise.

Quoique l'arrêt rapporté n'exprime pas ce principe, on doit supposer qu'il est entré dans les considérations des magistrats de la cour suprême.

3o (PARTAGE, SIMPLES CONCLUSIONS DES ARBITRES.) Le dissentiment des arbitres est-il suffisamment constaté par la remise au tiers-arbitre des conclusions signées d'eux?

Jugé affirmativement par la cour de Turin, 11 jan

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