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mais, cette règle fléchit lorsque leurs lumières et leur conscience leur indiquent une voie d'instruction propre à éclaircir des difficultés sur certains points du litige en conséquence, rien ne peut empêcher les arbitres, si ce n'est une clause du compromis, de juger définitivement plusieurs points, et de rendre des jugemens interlocutoires sur les autres, sauf aux parties, si le délai du compromis était expiré, ou expirait pour l'exécution des jugemens interlocutoires, à le proroger et à suivre devant les arbitres l'effet de ces jugemens.

Au surplus, on verra, aux Questions et Décisions, un arrêt qui confirme suffisamment cette dernière partie de l'explication. On peut aussi se reporter à la section XIII de la Procédure devant les arbitres.

7o. Une autre remarque qu'il est essentiel de faire aux arbitres, c'est qu'ils n'ont pas le droit de se taxer des honoraires, à moins qu'ils n'y soient spécialement autorisés par le compromis; les parties sont libres à cet égard, volenti non fit injuria. Les arbitres ont encore moins le droit de garder les pièces pour gage de ces honoraires, quand même ils seraient autorisés à s'en attribuer.

Sous l'ancienne législation de la France, il n'y avait point de règles fixes à cet égard. D'après le Nouveau Répertoire, Vbo Arbitrage, si les arbitres ne pouvaient se taxer ni vacations ni épices, on voit que les avocats, choisis pour arbitres, avaient la faculté de prendre des honoraires; il existait un arrêt du parlement de Paris, du 18 juin 1696, rapporté au Journal des Audiences de cette époque, qui portait

cette autorisation; mais, observe M. Merlin, le Recueil de Besançon, t. Ier, p. 811, offre un autre arrêt du 1er février 1698, qui décide le contraire; il fait défenses à tous arbitres, greffiers, avocats, procureurs, employés, choisis et convenus par les parties pour servir aux arbitrages, de se taxer aucuns salaires, épices et vacations; de faire consigner aux parties aucune somme pour paiement de leur travail, ni de retenir les pièces des parties sous quelque prétexte que ce soit, sauf à elles de payer volontairement à ceux qu'elles auront employés ce qu'elles trouveront convenir. Le motif de cet arrêt, c'est que la peine que les arbitres se donnent est volontaire.

Sous notre droit actuel, on doit conclure également que rien n'oblige les estimables citoyens choisis pour arbitres, d'accepter cette mission, elle est toute volontaire; par conséquent, les peines, les soins, les embarras qu'ils se donnent pour juger la contestation qui leur est soumise, sont également volontaires. C'est aux parties à reconnaître ces peines et ces soins, à offrir ce qu'elles croient convenable, et c'est aux arbitres à le refuser, si tel est leur gré. Dans les départemens où les arbitrages sont aujourd'hui très-fréquens, on voit beaucoup d'exemples de cette générosité respective.

D'un autre côté, si le compromis autorisait les arbitres à se taxer des honoraires, il est certain qu'ils pourraient s'en attribuer; cependant, auraient-ils par là une action contre les parties pour le paiement? ct si les honoraires étaient excessifs, pourraient-ils être réduits par les tribunaux? On doit le croire, puis

que, d'une part, c'est le résultat du consentement volontaire et de la convention des parties; que, d'un autre côté, il ne serait pas juste qu'elles fussent victimes de leur confiance et d'un abus; le juge de la loi pourrait donc apprécier le temps employé, les personnes, les choses, et taxer en conséquence.

A l'égard des magistrats, nous avons démontré ailleurs que les réglemens s'opposent à ce qu'ils puissent accepter des honoraires.

Quant aux avocats, avoués, greffiers, on sait que le Tarif, d'après les dispositions des décrets du 16 février 1807, leur alloue des honoraires dans les cas qui y sont prévus, à cause des actes de leur ministère; mais, en arbitrage, et comme arbitres, ils perdent le caractère de leurs fonctions: ils sont de simples citoyens choisis par la confiance des parties: ils ne peuvent réclamer des honoraires, et ils ne peuvent en obtenir que suivant le bon plaisir des parties. En un mot, si le compromis ne les autorisait à s'en taxer, ou s'il n'y avait convention particulière et écrite qui leur en alloue, ils n'auraient pas voie d'action.

Telles sont les observations que nous avons cru devoir ajouter au développement des règles auxquelles doivent se conformer les arbitres pour constituer leur jugement.

Nous aurions pu, à la suite, parler de la dernière disposition de l'art. 1016 C. Pr., concernant l'opposition au jugement par défaut, comme se rattachant à la matière que nous venons de traiter, mais, nous en ferons mention à la section XVIII.

QUESTIONS ET DÉCISIONS.

1° (DATE.) Quelle est la véritable date d'une sentence arbitrale?

La cour suprême, arrêt du 3 juin 1808, S., VIII, 1, 314, déclare que la sentence n'est considérée rendue que le jour où elle a été signée et datée par les arbitres, et que sa véritable date n'est pas celle du procès-verbal des séances dans lequel les arbitres déclarent que l'objet de leur mission est rempli.

2° (DATE, DÉPÔT, ENREGISTREMENT.) Un jugement arbitral dont la date remonte à une époque antérieure à l'expiration du délai du compromis, mais dont le dépôt au greffe et l'enregistrement n'ont eu lieu qu'après cette expiration, est-il valable?

Décidé affirmativement par la cour de cassation, le 15 janvier 1812, S., XII, 1, i ́9. Cette même cour avait décidé, antérieurement à l'arrêt ci-dessus, que lorsque des arbitres, nommés par les parties, ont donné à leur sentence une date, par exemple, celle du 4 floréal, cette date doit être réputée véritable, quoique la sentence de ces arbitres, révoqués le 11 floréal, n'ait été enregistrée que le 13 et déposée le 14. (Arrêt du 15 thermidor an XI, D., t. Ier, p. 756.)

Elle avait aussi décidé, le 31 mai 1809, D., t. Ier, p. 756, que si des arbitres ont donné à leur sentence la date du 17 février, cette date doit encore être réputée véritable, quoique la sentence desdits arbitres, révoqués le 26, n'ait été enregistrée que le 1er mars suivant, et qu'elle n'ait pas été prononcée aux parties.

On observe que les deux sentences dont on vient de parler avaient été rendues sous la loi du 24 août 1790; nous allons voir quelle est la jurisprudence, sous notre Code de procédure civile, relativement à de semblables questions.

3° (DATE, ENREGISTREMENT.) Un jugement arbitral daté, signé et lu aux parties dans les délais du compromis, est-il nul, par cela seul qu'il n'a été enregistré que trois jours après le délai? Est-il également nul parce qu'il n'a pas été déposé au greffe dans les trois jours de sa date?

Résolue négativement par la cour de Paris, le 11 juin 1809, D., t. I, p. 763. Elle a considéré qu'en droit la date apposée par des arbitres à leur décision est certaine, et fait foi par elle-même entre les parties; par conséquent, l'enregistrement ne la constitue pas; que l'art. 1020 C. Pr. n'ordonne le dépôt dont on excipe, qu'à l'effet d'obtenir l'exécution du jugement arbitral; qu'il ne prescrit point ce dépôt à peine de nullité, et que l'art. 1028 ne place point ce cas au nombre de ceux dont les parties peuvent demander la nullité.

C'est d'après le même principe que la cour de cassation à décidé, par son arrêt du 15 janvier 1812, D., t. Ier, p. 763, « qu'un jugement arbitral est ré» puté avoir été rendu dans le délai fixé par le com» promis, lorsqu'il est signé et daté du 4 août, quí » est le dernier jour fixé, quoiqu'il n'ait été enregis» tré et déposé au greffe que le 8 du même mois.

» Que les trois jours, accordés par l'art. 1020 C. Pr.,

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