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Nous pensons donc que l'arrêt de la cour de Nîmes est fondé sur des principes incontestables, et que l'art. 83, no 6, C. Pr., résiste à l'extension qu'on voudrait lui donner,

Mais quid, si le mari avait compromis avec un tiers sur des biens soumis au régime dotal? le compromis n'aurait-il alors d'effet qu'à l'égard des droits du mari comme administrateur de ces biens? Préjudicierait-il aux droits de la femme? En conséquence elle et son mari seraient-ils également recevables à demander la nullité du compromis?

La cour de Riom, arrêt du 8 juin 1809, D., t. Ier, p. 516, en confirmant le jugement de première instance, a déclaré les époux non recevables en droit, quant à présent; attendu que le mari a l'administration et l'usufruit des biens dotaux de sa femme et qu'à raison de ce il peut compromettre avec des tiers, sans nuire aux intérêts de cette dernière, qui, à la dissolution de son mariage, pourra éxercer toutes les actions qu'elle jugera à propos contre les actes qu'aura faits son mari à son préjudice.

Sur cette question, M. Carré, Traité et Quest. n°4474, se borne à énoncer l'arrêt de la cour de Riom ci-dessus, et il ne l'approuve ni ne l'improuve; mais ne peut-on pas dire, avec la cour de Nîmes, suprà, que d'après l'art. 1004, on ne peut compromettre sur aucune contestation sujette à communication au ministère public, et qu'aux termes de l'art. 83, no 6, C. Pr., les causes touchant les biens dotaux de la femme, lorsqu'elle est mariée sous le régime dotal,

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yt ètre communiquées au ministère public? or,

qu'est-ce qu'un compromis? c'est une convention à la suite d'un différend, laquelle a pour but de faire juger cc différend par des juges volontaires. Où eût été porté ce même différend sans le compromis? devant les juges de la loi, près desquels le ministère public eût nécessairement été entendu, puisque le sujet du procès est un bien soumis au régime dotal: en effet, il s'agissait, dans l'espèce, d'un terrain que la femme s'était constitué en dot.

Par ces motifs, ne peut-on pas conclure que le mari ne pouvait compromettre, ainsi que la femme le soutenait ?

10° (FEMME MARIÉE, POUVOIR DE TRANSIGER DONNÉ PAR LE MARI.) La règle que le pouvoir de transiger donné à un mandataire ordinaire n'emporte pas celui de compromettre, s'applique-t-elle, à plus forte raison, à l'autorisation de transiger donnée à la femme par le mari, et ce, encore qu'il soit que la femme pourra transiger même par médiation d'arbitres ?

dit

Jugé par la cour d'Aix, 6 mai 1812, D., t. Ier, p. 617, « que l'autorisation donnée par N... à son épouse, de » transiger, ne l'autorisait pas à compromettre; qu'en >> point de droit commun, d'après les lois romaines, >> reçues comme maxime dans le droit français, et >> converties en loi positive et nationale par l'art. 1989 » C. C., le mandataire ne peut compromettre pour » son mandant s'il n'en a le pouvoir exprès et spécial, >> jusque-là même que le pouvoir de transiger ne ren» ferme pas celui de compromettre; ce que la loi dit » du mandataire en général doit, à plus forte raison,

» s'entendre de l'autorisation que le mari donne à sa » femme; que la circonstance que cette femme était » autorisée à transiger méme par médiation d'arbitres, >> ne change rien à cette conséquence, parce qu'une >> transaction ensuite de la médiation d'arbitres est » toujours une transaction, et non pas un jugement».

En effet, nous dirons comme M. Carré, Lois de Procédure, no 389, note 2, un pouvoir de transiger par médiation d'arbitres, n'en est pas un pour instituer des arbitres à fin de jugement; la médiation ne suppose qu'un avis à donner par un tiers, afin que le mandataire transige.

Nous ajouterons qu'il faut encore que le pouvoir même spécial de compromettre, donné par le mari à sa femme, ne concerne pas des choses sur lesquelles l'art. 1004 C. Pr. défend de compromettre.

11o (FEMME MARIÉE, FRÈRES ET SOEURS DE Celle-ci, MARI, NULLITÉ.) Lorsqu'un compromis, passé devant le juge de paix entre plusieurs frères et sœurs, majeurs, a été signé par le mari de l'une des sœurs, sans mandat de cette dernière, le jugement arbitral rendu sur ce compromis peut-il être annulé par le défaut de lien de la part de cette femme, alors qu'elle a été présente à toutes les opérations des arbitres, et que le frère qui demande la nullité de la décision arbitrale n'a réclamé ni lors du compromis ni durant les opérations des arbitres ?

La femme était-elle seule habile, en ce cas, à opposer la nullité ?

La cour de Toulouse, par son arrêt du8 mai 1820,

D., t. Ier, p. 668, dont voici l'analyse, a considéré que le défaut de mandat spécial de la femme à son mari, opposé par le frère appelant, n'était pas de rigueur, puisque, d'après l'art. 1985 C. C., le mandat peut être donné, ou par acte public, ou par écrit sous seing-privé, même par lettre; qu'il peut aussi être donné verbalement; que le pouvoir verbal de compromettre paraissait avoir été donné par la femme à son mari, et que cela devait s'induire surtout de l'adhésion formelle que celle-ci avait donnée à toutes les opérations des arbitres auxquelles elle avait participé; qu'une telle conduite équivaut à une ratification du compromis, et démontre que le mari avait reçu de sa femme le pouvoir de compromettre sur les difficultés nées du partage des biens de la succession du père commun. Qu'en supposant même le compromis fût nul dans l'intérêt de la femme elle seule pouvait s'en prévaloir; que l'appelant, à cet égard, était d'autant moins recevable à argumenter de la prétendue nullité du jugement arbitral, qu'il avait assisté à toutes les opérations des arbitres, et qu'il les avait approuvées par sa présence; en conséquence la cour le déclare non recevable.

que

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12o (FEMME, COMMUNAUTÉ DE BIENS, ACCEPTATION PAR ELLE.) Une femme majeure, commune en biens avec son mari défunt, peut-elle compromettre sur les revenus de la communauté par elle acceptée ? La cour de Paris, par son arrêt du 3 juin 1808, D., t. Ier, p. 613, n'a point hésité à prononcer que la femme qui a accepté la communauté est propriétaire, et qu'à ce titre elle peut disposer de la propriété;

qu'en conséquence elle peut compromettre en qualité de propriétaire, et que le compromis ne peut être attaqué en nullité.

13° (Un interdit ou son curateur peut-il compromettre?)

Il faut appliquer ici les principes du droit et les règles de la jurisprudence que nous avons exposés cidessus touchant le mineur.

14. (HÉRITIER BÉNÉFICIAIRE.) L'héritier bénéficiaire peut-il compromettre valablement sur des comptes que lui doivent les fermiers ou régisseurs de la succession, sans que ni lui ni ses créanciers soient fondés à faire annuler la sentence arbitrale, comme rendue sur compromis passé par un individu qui n'avait pas qualité pour compromettre?

Dans ce cas, soit comme héritier pur et simple, soit comme administrateur, l'héritier bénéficiaire a-t-il pu souscrire un compromis valable?

La cour de Paris, par l'arrêt cité au no 12 ci-dessus, 3 juin 1808, D., t. Ier, p. 613, a également jugé ces deux questions; ses motifs sont trop importans pour ne pas les établir en texte.

« Attendu, à l'égard de N, fils majeur, qu'il est » bien vrai que le Code civil porte que l'héritier bé>> néficiaire est chargé d'administrer les biens de la » succession, à la charge d'en rendre compte aux » créanciers, et qu'il ne peut vendre les biens meu»bles et immeubles qu'avec les formalités qu'il pres» crit; mais qu'il ne faut pas en conclure que l'héri

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