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DOCUMENTS SUR LE ROYAUME D'ÉTRURIE

(1801

- 1807)

Le Gouverneur toscan (1),

Au citoyen Belleville, commissaire général des Relations commerciales et chargé des intérêts de la République française en Toscane (2).

Florence, 11 janvier 1801.

Le Gouvernement, Citoyen commissaire, a été insulté de la manière la plus atroce dans la salle même de sa résidence. Le commandant de la place, Gautier, accompagné d'un de ses adjudants et de l'adjoint à l'état-major du général Miollis (le citoyen Lavillette), sont venus ce soir dans la salle du Gouvernement.

Le commandant a demandé le montant de frais de table dus depuis plusieurs jours. Les instructions que le Gouvernement avoit reçues de vous et du général Miollis l'avoient décidé à suspendre ce payement; et, par conséquent, il a été répondu au commandant que le Gouvernement attendoit les ordres du général sur cet objet, et qu'en attendant, il pouvoit présenter sa demande par écrit. Lavillette a dit alors que le général ne devoit pas se mêler de pareilles affaires. Chiarenti, l'un des membres

(1) Aff. Etr., 153 A (no 21).

(2) Belleville répond une lettre d'excuses et de blame pour Gautier.

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du Gouvernement, les a fait prévenir qu'il étoit nécessaire que leur demande fût signifiée au général Miollis et que le commandant pouvoit la faire lui-même s'il le jugeoit convenable. Lavillette a répondu alors que non seulement il ne se chargeoit pas de cette mission, mais qu'au contraire il étoit résolu d'informer le général que le Gouvernement étoit composé de canaille. A de pareilles injures succédèrent les plus fortes menaces. Lavillette porta un coup de sabre à Chiarenti, qui eut le bonheur de l'éviter. La modération du Gouvernement, au lieu de calmer la colère de celui-ci, ne fit que l'irriter davantage, puisqu'il redoubla les insultes et les menaces.

Les membres du Gouvernement, pour éviter un plus grand désordre et ne pas compromettre davantage leur dignité, se retirèrent. Lavillette les suit le sabre à la main, il atteint l'autre membre (Deghores) d'un coup de chandelier sur l'estomac, et blesse Chiarenti d'un coup de sabre dans l'épaule gauche.

Le commandant de la place fut inutilement invité, dans cet instant, de prendre les mesures nécessaires pour éviter de nouveaux inconvénients dont il seroit seul responsable; mais il crut mieux faire de ne prendre aucune part dans cet événement, et il demeura spectateur indifférent, pendant que son adjudant poursuivoit Deghores avec la fureur d'un désespéré.

Un excès aussi énorme n'a point d'exemple, et le Gouvernement, Citoyen commissaire, en a été fortement surpris. Il a demandé au général Miollis une réparation éclatante à sa dignité, et il est convaincu que la sagesse et la justice dudit général contribueront à lui faire obtenir une demande aussi juste.

Le Gouvernement vous fait connoître officiellement tous ces détails afin qu'en concevant toute l'énormité de l'insulte, vous en rendiez compte au général en chef de l'armée d'Italie et aux Consuls de la République française, pour lui faire obtenir la satisfaction que la justice et la dignité de notre caractère exigent également.

Salut et considération.

Signé: CHIARENTI, PONTELLI, DEGHORES.

Pour le Secrétaire d'Etat :

Signé: MAGINI.

Pour traduction conforme :

Belleville, commissaire, etc.,

Au lieutenant général Murat, commandant l'armée
d'observation (1).

Mon cher Général,

Livourne, 5 pluviôse an IX (25 janvier 1801).

L'aviso le Régulus a été pris à 20 milles du port; mais la veille quatre embarcations avoient été à la frégate, et nous avons été indignement trahis. Autant j'avois pris d'empressement et de satisfaction à préparer cette expédition, autant je suis douloureusement affecté de l'avoir perdue par notre propre faute. J'ai trouvé à l'état-major deux officiers anglais qui sont ici depuis deux jours; l'un d'eux a pris l'aviso; je préviens le général Clément, dont la loyauté est surprise, dont l'obligeance est trompée, que je vous prie de donner des ordres pour que ces dangereuses et trop fréquentes communications soient enfin proscrites sans exception. Un ennemi qui nous affame, qui peut nous donner la peste, qui ne vient ici ou ne reçoit des habitants de cette ville à son bord que pour nous nuire, ne me paroît mériter aucune des complaisances qu'on lui prodigue.

L'état de siège de cette place ne me laisse que la voie de la représentation; mais, depuis que je suis ici, j'ai inutilement réclamé contre ces abus. Votre autorité seule peut les arrêter.

Vous devez, mon Général, avoir reçu de la Banque de commerce un mémoire; vous aurez bientôt une députation; on se promet les plus heureux résultats des protections que l'on croit avoir auprès de vous; si vous voulez faire payer les propriétaires des bleds, si vous désirez que les marchandises anglaises soient confisquées, si, enfin, les ordres du premier Consul doivent être exécutés, ce ne peut être que par votre autorité et les mesures que je vous ai soumises.

Ainsi, permettez-moi de vous prier, par l'intérêt de la République et par votre gloire, de repousser tous les rapports particuliers qui vous seront faits. Je vous ai dit la vérité, et je vous

la répéterai le jour que vous serez ici devant tous les négociants de Livourne.

Salut et attachement.

Pour copie conforme :

BELLEVILLE.

Signé: BELLEVille.

Lettre du grand-duc Ferdinand au premier Consul (1).

Citoyen premier Consul,

L'Empereur, mon frère, m'a donné communication de l'article 5 du traité de paix conclu, le 9 février, entre votre plénipotentiaire et le sien, et de l'article secret, et sous la même date, qui y est relatif. La surprise que m'ont causée ces articles et la confiance que j'ai dans les sentiments que vous m'avez témoignés quand j'ai fait votre connaissance en Toscane, me déterminent à vous prier d'agréer que je vous fasse communiquer directement les motifs qui justifient cette surprise.

Si vous vous prêtez à cela, comme je l'espère, ayez la complaisance de m'indiquer où je dois envoyer la personne à qui je donnerai cette commission.

Agréez les assurances de mon estime et de ma considération distinguée.

A Vienne, 20 février 1801.

Signé: FERDINAND.

Affaires Etrangères, au citoyen Belleville, commissaire général des Relations commerciales en Toscane (2).

2 ventôse an IX (21 février 180!).

Le premier Consul, sous les yeux duquel j'ai mis un extrait. de vos dépêches, jusqu'au 12 pluviôse, no 33, m'a chargé, Citoyen, de vous faire connaître qu'il était très satisfait du zèle que vous mettiez dans la mission importante qui vous est confiée; qu'il

(1) Aff. Etr., 153 A (no 81).

appréciait les difficultés que vous rencontriez, mais que vous pouviez être assuré d'être fortement appuyé dans vos mesures.

Le premier Consul vous recommande de faire rentrer le plus d'argent possible dans la caisse de l'armée, en usant envers les Anglais de la plus grande sévérité. Cette sévérité est bien motivée par la conduite indigne du Gouvernement britannique, qui vient de faire courir sur nos pêcheurs.

Vous aurez vu, Citoyen, par le traité de paix avec l'Autriche, dont je vous ai envoyé une copie le 24 pluviose, que les destinées de la Toscane sont fixées. Cette nouvelle aura rendu moins vacillante la marche des autorités du pays et elle aura fait tomber tous les projets tendant à donner aux Toscans une Constitution particulière. Vous savez, à présent, dans quel sens doit avoir lieu la direction qu'il vous reste à donner à l'opinion publique.

Je présume que ce changement de dynastie n'a rien qui doive déplaire aux habitans; il est même plus propre à assurer la neutralité de la Toscane et son indépendance, puisque l'Espagne n'aura jamais aucun intérêt direct à faire la guerre en Italie.

Je n'ai pas besoin de vous faire observer que, la ratification scule du traité du 20 pluviòse pouvant sanctionner les arrangemens relatifs à la Toscane, tout doit y être laissé, jusqu'aux instructions qui pourront vous être transmises, dans son état provisoire.

Le citoyen Moreau Saint-Méry, déjà nommé en nivôse dernier Résident près le duc de Parme, va se rendre à sa destination. Salut et fraternité.

Le Ministre de l'Intérieur,

Au Ministre des Relations extérieures (1).

Paris, le 19 ventôse an IX de la République française une et indivisible (10 mars 1801).

Je vous transmets, mon cher collègue, la note qui m'a été adressée par l'administration du Musée central des arts : elle contient une description sommaire des statues, bustes, basreliefs et autres antiquités de la galerie de Florence, qui seraient

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