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de tout votre pouvoir. Soyez convaincu que mes compatriotes et moi conserverons toujours une sincère et parfaite reconnaissance de la protection que vous aurez bien voulu nous accorder et que jamais nous n'en perdrons le souvenir.

Salut et respect.

DABROWSKI.

Copie d'une lettre du Ministre des Relations extérieures, au général Clarke, ministre plénipotentiaire de la République en Toscane (1).

Nivôse an X (janvier 1802).

Votre lettre chiffrée du 20 frimaire a été mise, Général, sous les yeux du premier Consul. Il me charge de vous répondre que vous devez rassurer le gouvernement de Toscane sur le compte de M. de Windham, qui ne sera certainement pas envoyé ministre plénipotentiaire du roi d'Angleterre en Toscane. Quant au voyage de cet étranger, à titre privé, dans les Etats du roi de Toscane, ce Prince est bien le maître de lui en refuser l'entrée comme de l'en faire sortir, si, après l'éclat de la conduite odieuse qu'il a tenue précédemment, il ose s'y présenter de nouveau.

Dans le premier cas, le Roi n'a qu'à envoyer des ordres aux frontières pour qu'on empêche M. de Windham de les passer; et, dans le second, il est simple qu'on lui fasse connaître que les écarts qu'il s'est permis sous le gouvernement précédent autorisent la Cour actuelle à lui enjoindre de quitter, dans un délai déterminé, le territoire toscan.

TALLEYRAND.

Au Ministre plénipotentiaire de France (1).

Citoyen Ministre,

4 février 1802.

Les instances que vous m'avez faites de vive voix relativement au désir du premier Consul d'obtenir de S. M. la Vénus de Médicis ont été soumises au Roi mon maître qui m'a chargé de faire connaître ses réflexions et sa réponse à cet égard.

S. M. étant, par sentiment et par reconnaissance, disposée en tous tems à seconder les désirs du premier Consul, voit avec peine les circonstances qui la forcent à n'y pas correspondre, et tel est le cas où elle se trouve aujourd'huy.

Le Roi, ne pouvant disposer de la statue susdite qui est une propriété sacrée de la nation, violerait les droits les plus sacrés en cédant aux demandes du gouvernement français.

Cette statue, acquise à Rome par la famille des Médicis, protectrice des beaux-arts, fut transportée à Florence vers la fin de l'an 1680; cette ville tenait alors le premier rang parmi les villes qui cultivaient les sciences et les arts; elle fut la patrie de MichelAnge, et, dans quelque siècle que ce fut, elle aurait mérité, de préférence à toute autre nation, de posséder un semblable monument, quand il n'aurait pas été sa propriété inaliénable.

François Ier, à qui la Toscane fut cédée en échange (2), respecta la Galerie comme une chose qui ne lui appartenait pas, et l'accrut même par de nouvelles acquisitions. Un système si généreux fut adopté par le grand-duc Léopold, qui fit de grandes augmentations et qui déclara formellement, dans son ouvrage intitulé : le Gouvernement de la Toscane, que la Galerie appartenait «‹ à la nation, qui était sous la dépendance de l'Etat ».

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Lorsque, dans les derniers tems, la Toscane fut deux fois occupée par les troupes françaises et lorsque le droit de conquête pouvait peut-être autoriser à la priver des monuments les plus rares, on ordonna toujours de respecter la Galerie, et pour cet

(1) Aff. Etr., 153, p. 67 et 68 (no 41).

(2) François Ier, empereur d'Allemagne (1708-1765), échangea le duché de Lorraine, en vertu du traité de Vienne (1737), contre celui de Toscane où la maison de Médicis venait de s'éteindre. Il régua à Florence sous le nom de François II.

effet, le général Dupont finit par faire apposer les scellés sur ses portes. Le général Brune, commandant en chef l'armée française en Italie, assura, par sa lettre au général autrichien Bellegarde, en date du mois d'octobre 1800, qu'il avait fait respecter et conserver intacts les précieux monuments de la Galerie à une ville qui méritait de les conserver puisqu'elle avait toujours été le berceau des beaux-arts. Ce fut dans une pareille circonstance que le général Dupont, ayant assuré, dans un décret public, l'immunité de tous les établissements scientifiques de la Toscane, s'attira l'approbation du gouvernement français et la reconnaissance de tous les amis des arts.

Après tout cela, je vous laisse à penser, citoyen Ministre plénipotentiaire, quelle sensation occasionnerait dans l'esprit des Toscans de voir qu'un monument pareil, conservé à ce pays par le Directoire exécutif de la République française lui-même, et par tous les commandants de l'armée dans les tems de calamité, et au milieu des horreurs de la guerre, leur fût enlevé à une époque où l'on annonce à chaque instant les plus heureuses et les plus favorables dispositions d'équité et de respect pour les saintes propriétés des nations.

Vous n'ignorez pas que ce peuple ne se persuade pas facilement qu'un roi placé par la France sur le trône de Toscane ne doive pas obtenir un soulagement aux maux qui pèsent sur lui, que, malheureusement, quelques-uns lui attribuent, pour leurs malheurs, une indifférence qui afflige d'autant plus S. M. qu'elle est plus étrangère à son cœur paternel.

et

Que diraient-ils donc si, au milieu de tant de calamités, ils se voyaient encore spoliés d'un monument auquel ils attachent tant de valeur et une vanité nationale très louable, et qu'ils considèrent à tant de titres comme leur propriété?

Loin de reconnaître l'indépendance de leur souverain, loin de le regarder comme leur père et le vigilant protecteur de leurs propriétés, ils pourraient se laisser séduire par la malveillance et le regarder comme l'instrument de leur ruine, et ne jamais s'unir à lui par cet attachement sans bornes si nécessaire à sa félicité et à la nôtre.

D'après ces réflexions, S. M. est fermement persuadée que le premier Consul, dans ses bienfaisantes dispositions pour la Tos

comme un gage précieux sauvé à son honneur dans les tems difficiles, ni porter à une nation ce coup aussi injurieux pour les arts que contraire aux sentiments connus de sa générosité.

Et avec la plus grande estime, etc.

Le 4 février 1802.

Pour traduction conforme :

G. CLARKE.

Signé: G. DE Mozzi.

Notes de Belleville (1).

Le sénateur Francesco-Maria Gianni passe pour un des hommes les plus habiles de la Toscane. Il fut un des conseillers intimes de Léopold et il était du Conseil d'Etat de Ferdinand; il fut disgracié à cause de ses théories. C'est un économiste un peu outré, trop roide dans ses idées systématiques. L'âge et de longs mécontentements paraissent lui avoir donné une certaine nervosité qui le rend quelquefois désagréable. Il a montré de l'attachement pour la France.

Don Néri Corsini a été ministre plénipotentiaire en France et était aussi du Conseil d'Etat sous Ferdinand. Excellent homme, également capable et honnête, ayant des principes libéraux, mais se livrant peut-être un peu trop exclusivement aux sciences abstraites et surtout aux mathématiques, qu'il cultive avec succès. Peut-être aussi le déterminera-t-on difficilement à rentrer dans la carrière des affaires, qu'il n'aime pas beaucoup.

Envoyer des éclaireurs du côté de la Spezia pour empêcher que les forbans y trouvent refuge (2).

Florence, le 13 messidor an X (2 juillet 1802).

La mer de Toscane continue à être infestée de pirates qui ruinent le cabotage national et inquiètent la navigation des

(1) Aff. Etr., 153 B, p. 16 verso et 17 (no 222).

étrangers. Le général Rusca, qui commande dans l'isle d'Elbe, a fait courir dernièrement sur eux; le bateau poursuivi s'est jeté dans le golfe du Suvereto, et les brigands se sont enfuis dans les bois; il paraît que ces forbans ont, dans le golfe de la Spezia, des magasins où ils déposent le butin qu'ils enlèvent. Le général Vence, qui en est informé, promet que trois corvettes et un brick viendront incessamment croiser sur divers points de la Méditerranée; ce secours est absolument nécessaire pour protéger le rétablissement de nos relations commerciales avec Livourne. G. CLARKE.

Le Ministre plénipotentiaire de la République française près Sa Majesté le roi de Toscane, au Ministre des Relations extérieures (1).

Florence, le 11 thermidor an X (30 juillet 1802).

Citoyen Ministre,

M. de Mozzi vient de me remettre, avec la note dont vous trouverez la copie ci-jointe, un état des sommes payées par la Toscane pour l'entretien de l'armée française depuis notre seconde entrée en ce pays, je veux dire depuis le 15 octobre 1800 jusqu'au 20 mai 1802. Cette pièce m'a paru mériter d'être mise sous vos yeux, conformément au vou de M. de Mozzi, qui me l'a envoyée exprès, et j'ai l'honneur de vous l'adresser.

Vous serez peut-être étonné qu'un si faible Etat, à qui il ne reste de toute sa prospérité passée qu'un commerce délabré, ait pu, avec un revenu médiocre, suffire pendant près de deux années à des dépenses si peu proportionnées à ses ressources habituelles; il faut dire aussi, citoyen Ministre, que l'impossibilité d'y faire face avec les moyens ordinaires a forcé à recourir depuis un an à des remèdes violents, administrés d'ailleurs avec peu de sagesse et qui, enfin, ont donné le dernier coup au crédit public et presque mis l'Etat dans la nécessité d'une banqueroute. On achève dans ce moment de manger le revenu de l'an 1804; la majeure partie du domaine public et des propriétés de la Couronne a été aliénée; les lettres de change sur les communes, qui avaient d'abord eu un

(1) Aff. Etr., Toscane, 154, p. 252 et 253, dépêche du 30 juillet 1802 (no 176).

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