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feiziéme Janvier de l'année trois cens quatre-vingt-quinze, comptoient encore la deuxième année de leur regne en calculant par annécs révolues.

Le Pere Pétau, dont le nom feul prévient en faveur du fentitiment qu'il veut établir, fait deux objections contre la date dont il eft ici question, & la premiere paroît d'autant plus foJide, qu'elle émane de l'Aftronomie. Il eft (a) certain, dit ce fçavant homme, que Saint Martin eft mort un Dimanche, & que ce Dimanche étoit un onzième jour de Novembre, puifque c'est l'onzième jour de Novembre que l'Eglife de Tours & les autres Eglifes célebrent la fête de Saint Martin abfolument dite, ou le jour de fa mort. Or en l'année de Jesus-Chrift trois cens quatre-vingt-dix-fept, l'onzième jour de Novembre n'échéoit pas en Dimanche, mais en Mercredi. L'Apôtre des Gaules étant donc mort certainement un Dimanche, il faut qu'il foit mort en une autre année qu'en trois cens quatre-vingt-dixfept. Ainfi Saint Martin doit être mort en l'année quatre cens, la nuit du Samedi au Dimanche, qui cette année-là étoit un onziéme de Novembre, ou bien il doit être mort en quatre censun, la nuit du Dimanche au Lundi, qui cette année - là étoit l'onzième jour de Novembre. Le Texte de Gregoire de Tours laiffe la liberté d'opter entre ces deux nuits-là.

La feconde des objections qui fe trouvent dans les Ouvrages du Pere Pétau, eft que Sévere Sulpice qui a vécu long-tems fous la direction de S. Martin, a écrit que ce Saint avoit furvécu (b) feize ans au Concile tenu à Tréves fous l'Empire du Tyran Maximus, pour Juger Ithacius fur la conduite qu'il avoit tenue dans l'affaire des Prifcillianiftes. Or comme ce Concile fut affemblé fous le Confulat d'Evodius qui remplit cette dignité en l'année trois cens quatre-vingt-fix, il s'enfuit que Saint Martin ne fçauroit être mort plûtôt qu'en l'année quatre cens-un.

Il fe trouve encore dans Sévere Sulpice, & même dans Gregoire de Tours quelques autres dates de faits particuliers, lef quelles ne quadrent pas avec la date de la mort de notre Saint,

(a) Verum anno trecentefimo nonagefi- | mo feptimo, littera Dominicalis fuit D, proinde Novembris undecimus erat Feria quarta non Dominica. . . . . . Aut ergo anno quadragentefimo obiit Martinus quo littera Dominicalis erat A G Novembris undecima, Feria prima, aut anno quadragentefimo primo, quo fuit fecunda Feria. Si prius amplectimur, mortuus eft ca nocte

quæ Dominicam anteceffit. Si pofterius placet, in nocte qua Dominicam excœpit. quæ

Pet. Rat. tem. lib. 6. cap, 12, & de Doar. Temp. T. fecundo, pag. 374. & 751.

(b) Sexdecim poftea Martinus vixit annos. Nullam Synodum adiit & ab omnibus Conventibus Epifcoporum fe removit.

Sulp. Sev. Dial. tertio.

telle qu'elle fe trouve dans les deux paffages de ce dernier Auteur qui ont été rapportés. Ces contradictions ont été recueillies (a) par les Sçavans qui ont difcuté le plus exactement la matiere dont il s'agit.

Je dirai en répondant à la premiere objection, qu'elle n'est point auffi folide qu'elle le paroît d'abord, & cela, parce qu'elle eft fondée fur la fauffe fuppofition, que l'Eglife célebre le jour de la mort de Saint Martin l'onziéme de Novembre. Cela n'eft point. La fête que l'Eglife celebre ce jour-là, n'eft point la fête anniverfaire du paffage de Saint Martin à une meilleure vie, mais bien la fête anniverfaire de fon inhumation. Elle est in depofitione, & non pas in tranfitu Beati Martini. Entrons en. preuve.

Il eft dit dans le Préambule des actes du premier (b) Concile de Tours qui commença fes féances le dix-huitiéme Novembre de l'année quatre cens foixante & un. »> » Plufieurs Evêques s'é» tant assemblés à Tours pour y affifter à la fête qui s'y céle»bre en mémoire de la réception du corps de Saint Martin. Ce Saint étant mort à Candes le Dimanche huitiéme Novembre de l'année trois cens quatre-vingt-dix-fept; & il est très-vraifemblable que fon corps n'ait été apporté à Tours que trois ou quatre jours après fon décès, & qu'il ait été inhumé le même jour qu'il y arriva, dans la crainte des inconvéniens qui feroient arrivés, fi l'on eût tardé à l'inhumer. Cette crainte aura été d'autant mieux fondée, que les Poitevins prétendoient que les reliques de l'Apôtre des Gaules leur duffent appartenir, qu'on ne les avoit enlevées que par furprife, & que dans ce tems-là on inhumoit encore en France les morts à vifage découvert & hors des Villes.

D'ailleurs, ce qui fuffiroit feul à prouver ce que nous avons avancé, Gregoire de Tours lui-même dit pofitivement que la fête anniverfaire que l'Eglife fait l'onziéme Novembre en l'honneur de S. Martin, fe célebre en mémoire de la dépofition ou de l'inhumation de notre Saint. On va lire les propres paroles dont fe fert cet Auteur dans l'endroit de fon Hiftoire, où il fait mention de l'Eglife bâtie fur le tombeau de l'Apôtre des Gaules par Saint Perpéte l'un de fes Succeffeurs. C'est le même Evêque

(a) De ætate fancti Martini Turonenfis, & anno ejus emortuali. Jofephi Anthelmi ad Antonium Pagi, Epiftola pag. 28.

(b) Cum ad fanctiffimam feftivitatem quæ Domini Martini receptio celebratur in

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de Tours dont nous avons fouvent fait mention dans cet Ou vrage, fous le nom de Perpetuus, & qui eft connu en Touraine fous ce nom François.

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» La fête folemnelle de cette Eglife raffemble en un (a) feul jour trois fêtes anniverfaires; celle qui fe fait en mémoire de » la Dédicace de l'Eglife, celle qui fe fait en mémoire de la » Tranflation du Saint, & enfin celle qui fe fait en mémoire » de fon Sacre. Toutes ces fêtes réunies fe célebrent le quaVie de St. » triéme Juillet. Auflì célebroit-on autrefois trois Meffes foMar. par Ger- leninelles le quatrième jour de Juillet. On peut lire dans Grevaise > page goire de Tours ce qui fut caufe que ces trois folemnités fe trouverent réunies. Cet Auteur va reprendre la parole. » Quant à » la dépofition de Saint Martin, la mémoire de cet évenement » fe célebre l'onzième jour de Novembre. Cela n'empêchoit que le jour de la mort du Saint arrivée le Dimanche huitième de Novembre, il ne fe fit fuivant les apparences, une vigile à fon tombeau..

264.

Le Religieux de l'Abbaye de Marmouftier lez-Tours, Auteur de l'Ecrit intitulé Louanges de la Touraine, & Abregé de la vie. de fes Archevêques,& qui a vêcu dans le treiziéme ficcle, dit mot pour mot la même chofe que l'Hiftorien Ecclefiaftique des Francs. On trouve l'Ouvrage de ce Religieux dans l'édition de Imp en 1610. 'Hiftoire de Gregoire de Tours, que Bouchel nous a donnée.

pag. 87..

Quant à la feconde objection que plufieurs Sçavans ont faite contre la date de la moft de Saint Martin donnée par Gregoire de Tours dans les deux paffages qui ont été rapportés au commencement de cette difcuffion, & qui confifte à dire que cette date ne quadre point avec les dates de plufieurs faits particuliers lefquelles fe trouvent dans Sévere Sulpice & dans Gregoire de Tours lui-même, je fuis pleinement de l'avis du (b) Pere le Cointe. Il faut corriger toutes ces dates, de maniere qu'en les rétabliffant on les concilie avec la date de la mort de Saint Martin que Gregoire de Tours certifie dans les deux endroits de fon Ouvrage où il en parle expreffément. En effet, s'il eft constant

(a) Solemnitas iftius Bafilicæ triplici
pollet virtute, id eft Dedicatione Templi,
Tranflatione Corporis facri, vel ordinatio-
ne Epifcopatus iftius Sancti. Hanc enim
quarto Nonas Julias obfervabis, Depofi-
tionem ejus tertio Idus Novembris effe co-
gnofcas.

Greg. Tur. Hift. libro fecundo, cap, 14
(b) Tranfiit igitur ad Deum beatus Mar.

| tinus, media nocte que Dominica habeba tur, præcedebatque diem octavum Novembris anni trecentefimi nonagefimi feptimi Attico & Cæfario Confulibus, anno Arcadii & Honorii auguftorum fecundo...... Si quid autem fecus notatum reperitur in Hiftoricis, id corrigendum, &c.

A. Cointii Ann. Eccl. tom. pr. pag. 206.

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que Severe Sulpice a été Difciple de faint Martin, il eft aussi très-vrai que lors qu'il nous indique la date de quelques évenemens particuliers de la Vie de faint Martin, ce n'eft, pour ainfi dire, que par occafion qu'il parle du tems de la mort de cet Evêque, & moins pour nous apprendre en quelle année elle arriva, que pour nous dire que faint Martin ne voulut pas depuis le Concile de Tréves affilter à aucune Affemblée d'Evêques, quoiqu'après ce Concile il eut encore vêcu un grand nombre d'années. Sévere Sulpice quand il écrivoit dans cette intention n'aura point calculé bien exactement les années qui pouvoient s'être écoulées depuis le Concile de Tréves, jufques à la mort de faint Martin. Pour ce qui regarde Grégoire de Tours, n'eftil pas mille fois plus probable que les Copiftes ayent alteré les chiffres numeraux des dates qui ne quadrent point avec celle qu'il a lui-même établie expreffément & en comptant par Confuls, qu'il ne l'est que cet Historien fe foit trompé fur les Confuls? Car, comme nous l'avons observé déja, s'il y a faute dans ces deux endroits, elle retombe néceffairement fur lui, elle ne fçauroit être rejettée fur fes Copiftes. Ces dates rebelles, fi j'ofe m'exprimer ainfi, auront été alterées, comme la date de la mort d'Euric l'a été du confentement de tous les Critiques, & comme l'a été encore, de leur confentement unanime, la date de l'élévation de Licinius à l'Epifcopat de Tours. C'eft ce que nous expoferons plus bas. Comme notre difcuffion n'eft déja que trop longue, je fupplie le Lecteur de trouver bon, que pour la conciliation de toutes ces dates particulieres, je le renvoye au Livre du Pere le Cointe, à celui de Monfieur Anthelmi, enfin à celui de Monfieur Gervaife.

Ce fut donc vers l'année quatre cens quatre-vingt-dix-huiz que Volusianus mourut dans le Pays de Foix, où il étoit relegué. Verus fon fucceffeur eut la même destinée que lui. » Verus, » dit notre Hiftorien, (a) fut le huitiéme Evêque de Tours, » & le cinquième fucceffeur de faint Martin. La réputation » d'être attaché aux interêts des Francs, laquelle avoit rendu » Volufianus fon predéceffeur fufpect aux Vifigots, leur rendit » auffi Verus très-fufpect. Ils le releguerent, & il mourut dans » le lieu de fon exil après un Pontificat de onze ans & huit jours.

(4) Octavus ordinatur Epifcopus Verus & ipfe pro memoratæ caufæ zelo fufpectus habitus à Gothis in exilium deductus, vitam fuam figivit. Facultates fuas Ecclefia

& bene meritis dereliquit. Sedit autem annos undecim, dies octo.

Gr. Tur. Hift. lib. 10. cap. 31

Ainfi Verus ayant été élû en quatre cens quatre-vingt-dix-huit, il fera mort en cinq cens neuf, & avant que Clovis, qui étoit encore en guerre avec les Vifigots cette année-là, les cût obligés à mettre en liberté ce Prélat qu'ils avoient relégué dans quelque lieu éloigné de fon Diocèfe. Suivant le récit de Gregoire de Tours, il paroît que Verus fut exilé peu de tems après fon élection, ainfi j'ai cru devoir placer fon Hiftoire immédiatement après celle de Volufianus. On verra encore dans la fuite d'autres Evêques perfecutés par les Gots pour le même fujet qui leur avoit fait releguer les deux Prélats dont nous venons de parler, & qui n'étoient point, fuivant les apparences, les feuls de leur parti.

CHAPITRE X.

Clovis s'allie avec Theodoric pour faire la guerre aux Bourguignons. Recit des évenemens de cette guerre, tel qu'il fe trouve dans Gregoire de Tours.

E ne fut pas neanmoins contre les Vifigots que Clovis fit la premiere des guerres qu'il entreprit après la réduction des Armoriques & la foumiffion des Troupes Romaines à fon obéiffance; ce fut contre les Bourguignons. Comme il fe ligua dans cette guerre avec Theodoric Roi des Oftrogots, je trouve à propos de dire avant toutes chofes, comment Théodoric étoit parvenu à regner enfin paifiblement fur toute l'Italie & fur quelques pays adjacens.

On a vû que ce Prince étoit defcendu en Italie de l'aveu de l'Empereur Zénon, & qu'il avoit achevé deux ou trois ans avant le Baptême de Clovis, de fe rendre maître de cette belle portion du partage d'Occident, en faifant mourir Odoacer. Comme on l'a déja vû encore, Anastase qui avoit fuccedé à Zénon en quatre cens quatre-vingt-onze, voyoit avec beaucoup de regret la ceffion faite à Theodoric qui fe conduifoit en Italie comme un Souverain indépendant. Soit qu'Anaftafe ait contredit le titre de Theodoric en foutenant que Zenon n'avoit donné au Roi des Oftrogots d'autre pouvoir que celui d'un Lieutenant, & qu'il ne lui avoit point par confequent cedé ni transporté les droits des Empereurs d'Orient fur aucune portion du Partage

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