» dont les vertus font l'honneur de notre regne, & dont les prieres attirent fur nous la benediction du Čiel, foit en leur témoignant notre vénération, foit en relevant l'éclat de leurs dignités, nous fommes perfuadés que nous travaillons à la » fois à notre falut & à notre profpérité temporelle. « C'eft de la Chartre donnée par Clovis en faveur de l'Abbé du MoustierSaint-Jean, & dont nous avons déja rapporté plufieurs fragmens, que les paroles qu'on vient de lire font tirées. L'Hiftoire de Clovis contient plufieurs marques de fa deference pour Saint Remy, & l'on a tout lieu de penfer, que notre Prince s'étoit fi bien trouvé d'avoir fuivi les confeils qu'il avoit reçûs étant encore Payen, de cet Evêque, qu'il les fuivit toute fa vie. Le Lecteur n'aura point oublié que Saint Remy avoit écrit dès-lors à Clovis, qu'il l'exhortoit à vivre en bonne intelligence avec les Evêques dont les Sieges étoient dans la Province du Roi des Saliens, afin de trouver plus de facilité dans l'exercice des fonctions de fes dignités. La Vie de Saint Vast Evêque d'Arras, fait foi, que Clovis avoit beaucoup d'amitié pour lui. Nous voyons dans celle de Saint Mesmin, l'affection qu'il avoit pour Eufpicius premier Abbé de Mici, & la Vie de Saint Melaine Evêque de Rennes, nous apprend encore, que ce Prélat fut un des Confeillers les plus accredités de notre premier Roi Chrétien. Nous fçaurions bien d'autres faits concernant la vénération de Clovis pour les faints Perfonnages de fon tems, fi nous fçavions un peu mieux l'Hiftoire du cinquième & du fixième siècle. (၁) 255 LIVRE CINQUIÈME. CHAPITRE PREMIER. Mort de Clovis, & lieu de fa fepulture. Réflexions fur la rapidité de fes progrès. OICI tout ce que Gregoire de Tours écrit fur la mort de Clovis. (4) » Peu de tems après que Clovis fe fut défait » des autres Rois des Francs, il mourut à Paris, & il y fut en» terré dans la Bafilique de Saint Pierre & de Saint Paul que la » Reine Clotilde & lui ils avoient fait bâtir. Ce Prince mou» rut âgé de quarante-cinq ans, la cinquième année d'après la bataille de Vouglé, & fon regne fut en tout de trente ans.. » Quant à la Reine Clotilde, après avoir perdu le Roi fon mari, » elle fe retira en Touraine, où elle paffa fes jours aux pieds dur » tombeau de Saint Martin, menant une vie exemplaire, & » n'allant à Paris que très-rarement. Comme la bataille de Vouglé fut donnée en cinq cens fept, ainfi que nous l'avons vû, il eft facile de trouver que la mort de Clovis arriva en cinq cens onze. Cela doit fuffire: & après ce que nous avons dit ailleurs concernant l'alteration des chiffres numeraux faite par les Copistes qui ont tranfcrit l'Hiftoire de Gregoire de Tours, il feroit inutile d'entrer dans une difcuffion ennuyeuse, pour concilier la date certaine de la mort de Clovis, avec ce qu'on lit aujourd'hui dans notre Historien, où l'on trouve que ce Prince mourut cent douze ans après S. Martin, & la onzième année de l'Epifcopat de Licinius Evêque de Tours. (a) His tranfactis, apud Parifius obiit, fepultufque eft in Bafilica fanctorum Apoftolorum, quam cum Chrotilde Regina ipfe conftruxerat. Migravit autem poft Vogladenfe bellum anno quinto. Fueruntque omnes anni regni ejus triginta anni. Ætas tota quadraginta quinque anni..... Chrotildis autem Regina poft mortem viri fui Turonos venit, ibique ad Bafilicam fancti Martini deferviens cum fumma pudicitia, in hoc loco commorata eft omnibus diebus vitæ fuæ, raro Parifius vifitans. Greg. Tur. Hift. lib. 2. cap. quadragefimo tertio. On fait encore toutes les années l'anniversaire de Clovis le vingt-feptiéme jour de Novembre dans la Bafilique des Saints Apôtres connue aujourd'hui fous le nom de l'Eglife de Sainte Geneviève du Mont; mais je n'oferois affurer pour cela que ce jour-là foit précisément celui de la mort de ce Prince. Voici pourquoi. Les Oraifons qui fe chantent à ce Service, ne difent point que ce soit l'anniversaire du jour de la mort de Clovis qui fe célébre, mais bien l'anniverfaire du jour où le corps de ce Roi, celui de la Reine Blanche, & ceux d'autres (4) Serviteurs de Dieu, furent déposés dans le lieu de leur fépulture. Or fuivant les apparences, cette cérémonie ne fe fera faite qu'après que l'Eglife dont Clovis avoit commencé la construction, eut été achevé de bâtir, & quand le Maufolée où le Fondateur & fa famille devoient repofer, eut été fini. Un édifice tel que celui-là n'est point l'ouvrage d'une feule année, quand même les conjonctures n'y apporteroient pas aucun retardement. D'ailleurs la Vie de Sainte Genevieve dit pofitivement, que l'Eglife de Saint Pierre & de Saint Paul, laquelle porte-aujourd'hui le nom de cette Sainte, fut bien commencée par Clovis (b), mais qu'elle ne fut achevée qu'après la mort, & par les foins de fa Veuve la Reine Clotilde. Ainfi, fuppofé que Clovis, comme le dit l'Auteur des Geftes, ait fait commencer la Bafilique des Saints Apôtres, lorfqu'il partit en cinq cens fept pour aller faire la guerre aux Ariens, il fera toujours vrai qu'elle n'étoit pas encore finie quand ce Prince mourut en cinq cens onze (c). Son corps fera refté en dépôt dans quelque Chapelle, jufqu'au tems où tout le bâtiment aura été achevé, & c'eft la cérémonie de l'anniverfaire (a) Deus indulgentiarum Domine, da famulo Regi Clodoveo, famulæ tuæ Reginæ Blanchæ, & famulis tuis quorum depofitionis anniverfarium diem commemoramus, refrigerii fedem, quietis beatitudinem & luminis claritatem. Per Dominum, &c. Secreta. Propitiare, Domine, fupplicationibus noftris pro famulo tuo Rege Clo. doveo, & famula tua Regina Blancha, & famulis tuis quorum hodie annua dies agitur, pro quibus tibi offerimus facrificium laudis, ut cos Sanctorum tuorum confortio fociare digneris. Per Dominum, &c. Poftcommunio. Præfta quæfumus, Domine, ut famulus tuus Rex Clodoveus, Regina Blancha, & famuli tui quorum depofitionis anniverfarium diem commemoramus, his purgati facrificiis indulgentiam pariter du jour où ce Corps & ceux des autres Princes furent portés folemnellement dans le tombeau qu'on leur avoit fait, laquelle, fe célébre aujourd'hui. Quoiqu'il en foit, la fépulture donnée à Clovis dans l'Eglife des Saints Apôtres, n'étoit pas un violement de la Loi qui défendoit d'enterrer dans les Villes, & dont nous avons fait mention à l'occafion du lieu où Childéric fon perc avoit été inhumé. On fçait bien que l'Eglife de Sainte Geneviève ne fut enclose dans l'enceinte de Paris que long-tems après le fixiéme fiécle. Quant à la Reine Blanche dont il eft fait mention dans les trois Oraifons qui fe chantent à l'anniverfaire de Clovis, elle est fuivant mon opinion, la même perfonne que la Reine Albofléde fœur de ce Prince, qui, comme nous l'avons vû, se fit Chrétienne en même tems que lui, & mourut peu de jours après avoir reçû le Batême. Elle s'appelloit Blanche en langue des Francs, & les Romains des Gaules en traduifant fon nom en Latin Celtique l'auront appellée Albofléde du nom compofé de deux mots dont l'un étoit Latin, & l'autre Germanique. M. Blount dans fon Dictionnaire des termes de Loi en ufage en Angleterre, & dont la plupart font tirés du langage des anciens Saxons qui parloient la langue Germanique, dit que Fleet fignifioit un courant d'eau. Ainfi le nom donné à notre Princeffe, peut,fe traduire en François par celui de Blanc Ruiffeau. Le fens de cette expreffion figurée étoit apparemment alors une espece de louange. Ce qui eft de certain, c'est que notre Reine Blanche concernant laquelle il n'y a aucune tradition dans l'Abbaye de Sainte Geneviève, ne fçauroit être la Reine Clotilde (4). Il eft bien vrai que cette Princeffe a été inhumée à côté du Roi fon mari, mais comme depuis elle a été mise au nombre des Saints, & que l'Eglife célébre fa fête le troifiéme jour du mois de Juin, elle ne fçauroit être la même perfonne pour qui l'Eglife prie encore aujourd'hui le vingt-feptième jour de Novembre. En quel lieu le corps d'Albofléde aura-t'il été dépofé jusques au tems qu'il fut apporté à Paris, pour être inhumé dans le tombeau du Chef de fa maison ? Dans quelqu'Eglife voifine de Soiffons Ville où Clovis faifoit encore fon féjour ordinaire quand cette Princeffe mourut. On aura transporté de-là fon corps à Paris, lorsque le mausolée dont nous venons de parler eut été achevé, (a) Igitur Chrotildis Regina plena die- | rum obiit... qua Parifius cum magno pfallentium præconio deportata in Sacrario BaTome II filicæ fancti Petri ad latus Chlodovechi Re- Greg. Tur. Hift. lib. 4. cap. 1. Nomo-Lexicon Thom. Blount, London. 1670. comme on y tranfporta depuis le corps de la Princeffe Clotilde fille de Clovis, & femme d'Amalaric Roi des Vifigots, laquelle mourut, comme nous le dirons plus bas, en revenant d'Efpagne; enfin le corps de Sainte Clotilde morte à Tours. Pour les autres perfonnes dont il eft parlé dans les Oraifons que nous avons rapportées, il eft très-vraisemblable que ces Princes font les deux fils de Clodomire le fils aîné de Clovis & de la Reine Clotilde, & que Childebert & Clotaire'oncles de ces deux enfans infortunés, maffacrerent à Paris vers l'année cinq cens vingt-cinq, comme nous le raconterons quand il en fera tems. Gregoire de Tours (a) nous apprend que Clotilde fit enterrer à Sainte Geneviève ces deux Princes fes petits-fils. Mais comme leur meurtre étoit une action des plus odieuses, on n'aura point voulu rappeller le fouvenir de ce crime en les nommant expreffément dans les trois Oraifons qui doivent avoir été composées fous le regne de Childebert. On aura toujours continué depuis à les réciter, fans y faire d'autre changement, que d'en ôter le nom de Clotilde quand on eut commencé à célébrer fa fête. Je reviens à Clovis, que la mauvaife deftinée des Gaules leur enleva dans le tems qu'il alloit les rétablir dans le même état où elles étoient quand les Vandales y firent en l'année quatre cens fept la grande invafion dont nous avons tant parlé au commencement de cet ouvrage. L'âge de ce Prince, qui n'avoit encore que quarante-cinq ans, laiffoit efperer un long regne, & que fes fils qui étoient déja grands, ne lui fuccéderoient qu'après être parvenus en âge de gouverner; mais fa mort prématurée fit évanouir toutes ces efperances. Il mourut quand il pouvoit encore vivre quarante ans, & avant que d'avoir fait toutes les difpofitions néceffaires pour la confervation & pour la tranquilité de la monarchie qu'il avoit fondée. Quoique ce Prince ait mérité de tenir un rang parmi les plus grands hommes de l'antiquité, cependant il eft vrai de dire, qu'il dut moins fes profpérités à fon courage, à sa fermeté, à fon activité & à fes autres vertus morales, qu'à fa converfion au Chriftianifme, & au choix qu'il fit de la Communion Catholique, lorfqu'il embraffa la Religion de Jefus-Chrift. Il eft impoffible le Lecteur n'ait pas fait déja plufieurs fois cette réflexion en lifant l'Histoire de notre premier Roi Chrétien. C'est donc uni que (a) Regina vero compofitis corpufculis feretro, cum magno pfallentio immenfoque luctu ufque ad Bafilicam fancti Petri profecuta, utrumque pariter tumulavit. Ibidem, libro tertio, cap. decimo octavo. |