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» que nos Princes ont envoyée contre les Francs, n'a-t'elle
point jetté cette Nation devenue fi puiffante par fes conquê-
»tes fur les autres Peuples Barbares. Ces Francs qui dans les
»tems précedens avoient toujours cherché leur ennemi par tout
» où il fe trouvoit pour le charger, n'ont point voulu accepter
» le combat quand nos Troupes leur ont prefenté la bataille.
» Mais ces Guerriers audacieux en devenant fi circonfpects,
qu'ils n'étoient plus reconnoiffables, n'ont point laisse d'ef-
fuyer de grandes difgraces. Ils ont perdu leur Roi. Ce Thierri,
» dont le nom s'étoit rendu fi célébre, eft mort de douleur,
» en voyant notre fupériorité fur les Francs. Bien qu'il ne foit
» pas mort les armes à la main, mais dans fon lit; nous pou-
»vons néanmoins le regarder comme un ennemi vaincu, dont
» la défaite honore le triomphe de nos Souverains. Le genre de
» fa mort eft un effet particulier de la Providence, qui d'un
» côté n'a point voulu que notre armée, qui s'étoit mise en
» campagne, pour défendre une bonne caufe, rentrât dans fes
» quartiers fans avoir cueilli quelque fruit de fes travaux, &
qui d'un autre côté n'a point auffi jugé à propos de permet-
tre que l'armée d'Amalafonthe fille d'Audeflede fœur de Clo-
vis, répandît le fang des peuples fujets aux fils de ce Prince.
» Heureuse campagne pour les Gots, puifqu'ils y ont facrifié à
leur gloire une Tête couronnée, fans qu'on puiffe cepen-
»dant leur reprocher d'avoir trempé leurs armes dans fon lang.
» D'ailleurs le Bourguignon, pour recouvrer ce qu'il avoit
perdu, a bien voulu s'avouer dépendant de nos Maîtres.
» Moyennant quelques Villes qu'on lui a rendues, il a foumis
» à leur Empire tout le territoire dont il étoit en poffeffion. Il
» a mieux aimé devenir leur Sujet fans rien perdre de fes Etats,
» que
d'en perdre une partie en s'obftinant à demeurer dans
l'indépendance. Depuis qu'il a mis bas les armes, après nous
» avoir pris pour Arbitres, il n'en a été que plus affuré de la
poffeffion de fon pays. Sa foumiffion au pouvoir de nos Rois
» lui a même valu la reftitution de plufieurs Contrées qu'il n'a-
» voit pas pû défendre l'épée à la main.

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Il faut que la campagne de cinq cens trente-trois, à la fin de laquelle Thierri mourut probablement, ait fini par un accord, en vertu duquel les Francs auront rendu au Roi Godemar quelque portion de ce qu'ils avoient déja conquis fur lui, & que cet accord fe foit fait par la médiation des Oftrogots, qui pour obtenir cette reftitution, auront bien voulu de leur côté remettre

quelques cantons qu'ils pouvoient tenir fur la droite du Rhône, entre les mains des Francs, par quelqu'accord qui fut bien-tôt

rompu.

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En effet on ne sçauroit douter que fous le regne d'Athalaric, qui mourut en cinq cens trente-quatre, la Nation des Oftrogots n'ait fait aux Francs une ceffion affez confidérable, foit en leur délaiffant quelque portion de territoire, foit en leur tranfportant les droits qu'elle prétendoit avoir fur la partie des Gaules, que les Francs tenoient déja. J'ai pour garant Jornandès; qui a écrit environ cinquante ans après l'année cinq cens trente-trois. Voici ce que dit cet Hiftorien dans les deux Ouvrages qu'il nous a laiffés. Il écrit dans fon Hiftoire des Gots: (a) » Les Francs qui ne craignoient point un Roi enfant, & qui même le méprifoient, prirent les armes contre Athalaric, pour lui enle"ver quelques Contrées que fon ayeul & fon pere avoient acquifes dans les Gaules. Ce Roi les appaifa par une ceffion. Le même Auteur dit dans fon Hiftoire Générale des Révolutions arrivées dans les fiecles & dans les Etats: (b) » Theodoric Roi » d'Italie étant mort, il eut pour fucceffeur, conformément à » la difpofition qu'il avoit faite, fon petit-fils Athalaric. Ce » Prince quoique très-jeune par fon âge & par ses inclinations, » ne laiffa point de regner huit ans. C'étoit fa mere Amalafonthe, qui gouvernoit. Elle céda aux Francs qui pourfuivoient » leurs prétentions avec chaleur, les Gaules qui depuis long» tems étoient en difpute entr'eux & les Oftrogots. Peut-on croire que Jornandés qui écrivoit dans un tems fi voisin des évenemens dont il s'agit, fe foit trompé affez lourdement pour écrire que la ceffion de la Province que les Oftrogots tenoient entre le bas-Rhône & les Alpes, ainfi que la remife actuelle de cette Province aux Francs, qui, comme nous le verrons, ne furent faites que plus de deux ans après la mort d'Athalaric, & même après la mort d'Amalafonghe qui furvêcut fon fils, ayent été faites du vivant & fur les ordres expédiés au nom de ce Prince. Il n'y a point d'apparence. Il faut donc qu'Athalaric eût fait aux Francs quelqu'autre ceffion, foit de droits, foit de territoire, la derniere

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(a) Francis de regno puerili defperanti- | bus, immo in defpectu habentibus, bellaque parare molientibus, quod pater & avus Gallias occupaffent, eis conceffit.

Jornandes de rebus Get.

(b) In Italia verò Theodorico Rege de

functo, Athalaricus nepos ejus ipfo ita ordinante fucceffit, & annis octo quamvis pueriliter vivens, matre tamen regnante Amalafuenta degebat, quando & Gallias diu tentas Francis repetentibus reddit.

Jornand. de reg. temp. fucceffione.

année de fon regne, & que ce foit de cette ceffion-là que Jornandès ait voulu parler.

Nous avons encore dans le douziéme Livre des Epitres de Caffiodore qui contient celles que ce grand homme écrivit au nom des Succeffeurs de Theodoric, & par confequent après l'année cinq cens vingt-fix que ce Roi mourut, un acte qui fait foi que les Oftrogots étoient alliés aux Bourguignons durant la derniere guerre des Francs contre les Bourguignons; guerre qui finit par la conquête du pays de ces derniers. C'est un Edit (a) par lequel le Roi des Oftrogots informe les Peuples de la Ligurie d'un avantage que les Bourguignons venoient de remporter fur les Allemands, & où il déclare à ces mêmes Peuples, qu'attendu la difette où ils étoient, il leur remet la moitié des impofitions annuelles, & veut bien leur permettre d'acheter du bled dans les greniers Royaux. On a vû déja qu'après la bataille de Tolbiac, une partie des Allemands s'étoit foumise aux Francs, & que l'autre s'étoit foumise aux Oftrogots. Certainement ce n'eft point une victoire remportée par les Bourguignons fur les Allemands foumis aux Oftrogots, que l'Edit annonce comme une bonne nouvelle aux Peuples de la Ligurie. Il faut donc qu'il s'agiffe dans cet Edit de la défaite des Allemands Sujets de la Monarchie Françoise, qui pour faire diverfion, avoient attaqué de leur côté, c'est-à-dire, vers le Mont-Jura, les Bourguignons alliés pour lors aux Oftrogots.

Quoique Caffiodore crut encore à la fin de l'année cinq cens trente-trois, le Royaume des Bourguignons en état de fubfifter long-tems, fon terme fatal étoit néanmoins arrivé. Il fut conquis par les Francs l'année fuivante. Soit qu'ils ayent penfé que la convention faite avec Athalaric ne les obligeoit plus après la mort de ce Prince arrivée pour lors, foit qu'ils ayent eu d'autres raifons de ne point obferver cette convention, ils acheverent en cinq cens trente-quatre la conquête de la Bourgogne, dont ils avoient déja conquis, depuis la rupture, une partie; & ils fe rendirent fi bien les maîtres du pays qu'ils n'en furent plus chaffés, C'est à l'Evêque d'Avanches que nous avons l'obligation de fçavoir précisément cette date, qui eft d'un fi grand ufage dans l'Hiftoire des enfans de Clovis. Ainfi nous tranfcrirons encore ici le paffage de la Chronique de cet Evêque, où il nous l'a don

(4) Edictum indicat Liguribus victoriam à Burgundionibus reportatam, ac fugam Alamannorum. Deinde dicit Regem ob ino

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piam relaxaffe dimidiam tributi partem, & horrea fua ad eos fublevandos aperuiffe. Caff. Var, lib. 12. Ep. 28.

néc

née, quoique nous l'ayons déja rapporté. (4) » Sous le Con» fulat de Paulin le jeune, les Rois des Francs, Childebert, Clotaire, & Theodebert fe rendirent maîtres de la Bourgo>> gne; & après avoir réduit Le Roi Godemar à se sauver, » partagerent entr'eux fes Etats.

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Ceux qui connoiffent les monumens dont on peut fe fervir en écrivant notre Hiftoire, n'attendront pas de moi une relation exacte de ce grand évenement, qui finit probablement par la prife d'Autun, dont Gregoire de Tours fait mention dans l'endroit que nous avons rapporté. Ils fçavent trop bien que la plûpart des circonstances de la conquête dont il s'agit, nous font inconnues, & qu'il faut fe contenter de ce que nous avons vû deja, & de ce que nous en apprend un Hiftorien Grec. Procope écrit donc (6) » Les Francs qui croyoient qu'après la mort » de Theodoric Roi d'Italie, rien ne fût plus capable de leur réfifter, attaquerent la Turinge, & ils fe défirent du Roi de » cette Contrée qu'ils conquirent. Quelque tems après ils affail» lirent très-vivement les Bourguignons, dont le nombre étoit » fort diminué par la quantité d'hommes qu'ils avoient perdus » dans les guerres précédentes. Les Francs eurent l'avantage fur » leur ennemi. Le Roi des Bourguignons tomba même enfin au » pouvoir des vainqueurs, qui l'enfermerent dans un Château, » où ils le tinrent prifonnier. Les Francs accorderent enfuite » une espece de capitulation aux vaincus. Elle portoit: que les Bourguignons continueroient à jouir des Terres dont ils » étoient en poffeffion en qualité d'Hôtes de l'Empire; mais à » condition qu'ils payeroient à l'avenir aux Rois Francs les re» devances dont elles étoient chargées, & qu'ils ferviroient ces » Princes dans leurs guerres. En effet dès En effet dès que les Bourguignons reconnoiffoient les Rois Francs pour leurs Souverains, c'étoit à ces Princes qu'ils devoient payer les redevances qu'ils payoient auparavant à Godemar, & aux autres Rois de leur Nation fes prédéceffeurs. Nous verrons dans la fuite les Bourguignons ac

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(a) Paulino juniore Confule. Reges Francorum Childebertus, Clotarius & Theodebertus, Burgundiam obtinuerunt, & fugaro Rege Godeimaro, regnum ipfius diviferunt.

Mar. Avent. Chr. ad ann. 534. (b) Poft Theodorici obitum, Franci, nemine jam obfiftente, Toringos bello ad orti ipforum Regem interficiunt... . . . Deinde Germani cum Burgundionibus qui Tome II.

fupererant, armis congreffi adeptique victoriam, corum Regem in Caftellum quoddam regionis illius conjectum affervarunt cuftodiis. Ipfos vero ad obfequium redactos fecum inpofterum militare coegerunt, ut bello captorum conditio poftulabat, & locis. omnibus quæ Burgundiones antea coluerant, vectigal impofuerunt.

Procop. de bello Got. lib. pr. cap. 13.

Tt

complir le fecond article de la capitulation qu'on avoit bien voulu leur accorder, & porter les armes en Italie pour le service des Rois des Francs. Nous y verrons auffi que quoique Procope n'en faffe aucune mention, il devoit fe trouver dans la capitulation des Bourguignons un article, qui leur affurât le privilege de vivre felon leur Loi Nationnale qui étoit la Loi Gombette. Ils continuerent à vivre fuivant cette Loi jufques fous le regne de Louis le Débonnaire.

En 527.

CHAPITRE VI.

Juftinien Empereur des Romains d'Orient fe rend maître de la
Province d'Afrique, en fubjuguant les Vandales, qui l'a-
voient envahie. Il veut conquerir l'Italie fur les Ostrogots.
Ses négociations avec les Rois des Francs, & fon premier
Traité avec eux.

N

Ous fommes enfin parvenus à la derniere des trois grandes acquifitions faites par les Rois enfans de Clovis, à celle des pays que les Oftrogots tenoient dans les Gaules & dans la Germanie, & qui fut fuivie de la ceffion entiere des Gaules faite à ces Princes par l'Empereur Romain.

Les troubles qui fuivirent de près la mort d'Athalaric, leur avoient déja facilité la conquête de la Bourgogne; & ce fut la continuation de ces mêmes troubles, & les guerres aufquelles ils donnerent lieu, qui rendirent les Francs maîtres de tout ce que les Oftrogots poffedoient hors des limites de l'Italie. Ainfi je dois commencer l'hiftoire de cette efpece de conquête, par expofer en quel état fe trouvoient, lorfqu'elle fe fit, les Puiffances dont les diffenfions, les querelles, & les guerres, procurerent à nos Rois Francs les moyens de la faire.

L'Empereur Anaftafe étant mort en l'année cinq cens dix-huit, il eut pour fon fucceffeur Juftin premier, qui après un regne de neuf ans, laiffa le Trône des Romains d'Orient à Juftinien, Prince fi célébre par fes victoires, & fi renommé pour être l'Auteur de celle des rédactions du Droit Romain, laquelle encore aujourd'hui, a pouvoir de Loi dans la plus grande partie de l'Europe, & qui dans l'autre eft regardée avec le refpect dû à la raison écrite. Dès la premiere année de fon regne, cet Empereur avoit

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