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formé le vafte projet de chaffer des Provinces du Partage d'Occident les Barbares qui les avoient envahies, fous pretexte de les défendre contre d'autres Barbares. Comme l'Afrique & l'Italie étoient celles de ces Provinces qui étoient les plus voisines du Partage d'Orient, c'étoit en les recouvrant que Justinien devoit commencer l'exécution de fon projet. Mais foit que les grands préparatifs qu'il convenoit de faire avant que de l'entreprendre, n'euffent point été achevés plutôt, foit que Juftinien eût attendu, pour commencer la guerre en Afrique, qu'il fût débaraffé de celle qu'il eut les premieres années de fon regne contre les Perfes, ce ne fut qu'en cinq cens trente-quatre qu'il envoya Bélifaire fubjuguer les Vandales qui s'étoient emparés de l'Afrique. » Sous le Confulat de (4) Paulin le jeune, dit l'Evêque d'Avanches, le Patrice Belifaire reconquit au nom de l'Empire Romain la Province d'Afrique fur les Vandales, qui » la tenoient depuis quatre-vingt-douze ans ; & il prefenta dans Conftantinople à l'Empereur Juftinien, Gélimer Roi de ce Peuple, avec toute la famille & tous les thréfors de ce Roi » Barbare.

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J'ai rapporté dans le tems, comment les Vandales s'étoient emparés de la Province d'Afrique, & les differentes tentatives que les Empereurs avoient faites pour les en chaffer. J'ai dit que Zénon Empereur d'Orient, & qui mourut en quatre cens quatre-vingt-onze, défefperant de pouvoir venir à bout de reconquérir fur eux cette Province, avoit fait enfin la paix avec leur Roi Genféric, le même qui les y avoit établis. » Zénon, écrit Procope, (b) traita avec Genféric, & ils conclurent enfem»ble une paix durable, aux conditions que les Vandales s'abf>> tiendroient de porter aucun préjudice aux Romains, & que les

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(a) Paulino juniore Confule. Africa Ro- | mano Imperio poft nonaginta & duos annos per Belifarium Patricium reftituitur, & Gelimer Rex Vandalorum, captivus Conftantinopoli exhibetur, & Juftiniano Augufto cum uxoribus & thefauris, à fuprafcripto Patricio præfentatur.

Mar. Avent. Chr. ad ann. 534.

(b) Zeno Auguftus cum Giferico tranfegit, & perpetuam compofuit pacem; cautum enim diferte fuit, ne unquam Vandali in Romanos hoftile quidquam patrarent, neque ab his viciffim illi paterentur. Atque hæc Pacta conventa cum Zeno ipfe fervavit, tumque fucceffor Anaftafius nec

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Procop, de bello Vand. lib. 1. cap. 7.

» Romains de leur côté n'entreprendroient plus rien contre les » Vandales. Tant que Zénon & fes deux premiers fucceffeurs » Anastase & Juftin vêcurent, ce Traité fut exécuté de bonne » foi de part & d'autre, &il n'a été enfreint que par l'Empereur » Juftinien. Ce fut lui qui le rompit en faifant aux Vandales » la guerre dont nous allons écrire l'Histoire. Genféric n'avoit » pas furvêcu long-tems à fon Traité avec l'Empereur Zénon, » & il étoit mort fort âgé, trente-neuf ans après avoir pris » Carthage, c'eft-à-dire, en quatre cens foixante & dix huit. » Son teftament contenoit une difpofition finguliere. Il y or» donnoit que la Couronne du Royaume dont il étoit le Fon» dateur, ne pafferoit point toujours à l'héritier en ligne di» recte du dernier poffeffeur, mais qu'indépendemment de la prérogative des lignes & de la proximité du dégré, elle feroit toujours déferée à la mort du Prince qui la portoit, à celui » des defcendans de mâle en mâle de lui Genféric, qui fe trou» veroit être le plus âgé de la famille Royale dans le tems que le » Trône viendroit à vacquer. Il devoit donc fouvent arriver que ce fût un coufin du Roi dernier mort qui montât fur le Trôà l'exclufion des fils mêmes de ce Roi. Auffi cette difpofition de Genféric a-t'elle été fouvent citée par les Auteurs qui ont écrit fur le Droit public des Nations, comme une Loi de fucceffion des plus fingulieres. Cependant nous allons voir qu'elle fut obfervée.

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(a) » Honoric le fils aîné & le fucceffeur de Genféric mou» rut de maladie en quatre cens quatre-vingt-fix, après un re» gne de huit ans. Son Sceptre paffa entre les mains de Gunda» mund. Il étoit fils de Genfo, un des fils de Genféric, & non >> pas d'Honoric; mais la difpofition de Genféric lui déferoit » la Couronne, comme au plus âgé des Princes de la Famille

Royale. Gundamund mourut de maladie au milieu de la dou» ziéme année de fon regne, dans le cours de l'année de Jesus» Chrift quatre cens quatre-vingt-dix-huit, & il eut pour fuc» ceffeur fon frere Trafamund, qui regna vingt-fept ans. A fa » mort, arrivée en cinq cens vingt-cinq, Ildéric fils d'Hono-,

(a) Regnum Gifericus filiorum maximo Honorico reliquit. Annis demum octo Vandalis dominatus, morbo oppetiit..... Extincto Honorico, in manus Gundamundi, cujus pater Genfo filius Giferici fuerat, Sceptrum Vandalicum devenit ætatis jure quæ in Giferici ftirpe principem ei locum

dabat. Provecto ad medium anno regni duodecimo, implicitus morbo è vita difceflit. Habenas regni capellit Trafamundus ipfius frater......... Trafamundus postquam Vandalis annis viginti feptem imperaffet, diem fupremum obiit.

Ibid. cap. octavo.

"ric le fils & le premier fucceffeur de Genféric, monta fur le » Trône (a), où fuivant les loix ordinaires de fucceffion, il au» roit dû monter dès l'année quatre cens quatre-vingt-fix. Ildéric regna fept ans. Au bout de ce tems- là, c'est-à-dire, en cinq cens trente & un, Gélimer fils de Gélaridus, qui fut fils de Genfo, l'un des enfans de Genféric, étoit après Idéric le plus âgé de la Maison Royale, & par conféquent tout le monde le regardoit comme le fuccefleur préfomptif d'Ildéric. Il profita de la confidération qu'on avoit pour lui; & après s'être fait un parti, il dépofa Ildéric, qu'il fit enfermer. Gélimer commit encore des cruautés infinies contre les Partifans du Roi détrôné.

Juftinien ne pouvoit donc pas entreprendre la guerre contre les Vandales dans une conjoncture plus favorable que celle où il l'entreprit en cinq cens trente-quatre. Il avoit affaire à un ufurpateur odieux, & d'un autre côté les Oftrogots d'Italie n'étoient point en état, comme nous allons l'expliquer, de fecourir un Roi, dont ils devoient cependant croire que la chûte entraîneroit leur Etat. Auffi la guerre Vandalique fut-elle bientôt terminée. Mais comme elle ne fait point une partie de l'Hiftoire de notre Monarchie, je m'en tiens à ce que j'en ai déja dit, & je renvoye ceux qui voudroient en fçavoir davantage à Procope qui l'a fi bien écrite.

Ainfi la conquête de la Province d'Afrique fut à peine achevée, que les conjonctures parurent favorables à Juftinien pour chaffer auffi d'Italie les Oftrogots. Il faut remonter jufques à la mort de leur Roi Theodoric, pour bien donner à connoître en quelle fituation ils fe trouvoient au commencement de l'année cinq cens trente-cinq, qu'ils furent attaqués par l'armée Romaine, qui venoit de triompher des Vandales.

Ce grand Prince, qui auffi-bien que Genféric, fut le Fondateur d'une puiffante Monarchie, ne laiffa point de garçon lorfqu'il mourut en cinq cens vingt-fix. Il avoit cu d'Audéfléde fœur de Clovis trois filles. Une de ces Princeffes nommée Oftrogothe, avoit été mariée avec Sigifmond Roi des Bourguignons, dont elle avoit eu Sigéric. Mais, comme nous l'avons déja dit, Oftrogothe étoit déja morte, lorfque Sigifmond fit tuer leur fils

(4) In regnum fucceffit Ildericus Honorici filius, ac Giferici nepos...... Quidam è Giferici ftirpe, Gelimer Gelaridi filius, Genfonis nepos, pronepos Giferici, jam grandis natu, uno præcedente Ilderico, ideo ad regnum, ut exiftimabatur, prope

diem perventurus........ Ita Dominatum
occupat Gelimer, & Ildericum feptem an-
nos regno potitum cum Hoamere ejufque
fratre Evagea in cuftodiam tradit.
Ibid. cap. nono.

Sigéric en l'année cinq cens vingt-deux. Ainfi lorfque Théodoric mourut, il ne reftoit point de garçon defcendant de cette Princeffe. Quant aux deux autres filles de Theodoric, Théodegote qui étoit l'aînée, avoit été mariée avec Alaric fecond Roi des Visigots, tué à la bataille donnée à Vouglé en cinq cens fept. Comme l'Hiftoire ne fait aucune mention d'elle après la mort de fon mari, on peut juger qu'elle étoit décédée avant lui. Mais elle avoit laiffé un fils, Amalaric Roi des Vifigots, celui dont Théodoric avoit jufques à fa mort gouverné les Etats. La troifiéme des Princeffes filles du Roi des Oftrogots, étoit la célébre Amalafonthe, qui devoit être la cadette de fa foeur Théodegote, puifqu'elle ne fut mariée avec (4) Eutharic Cillica de la Maifon des Amales, qu'en l'année cinq cens quinze. Eutharic mourut avant Théodoric, mais il laiffa de fon mariage avec Amalafonthe une fille nommée Mathafonthe, & un fils nommé Athalaric, qui avoit environ dix ans lorfque fon grand-pere Théodoric mourut en cinq cens vingt-fix. Ainfi lorfque le Fondateur de la Monarchie des Oftrogots ceffa de vivre, il avoit pour héritiers naturels deux petits-fils, Amalaric Roi des Visigots, & Athalaric fils d'Amalafonthe.

Amalaric étoit bien fils de l'aînée des filles de Théodoric, mais il n'étoit pas, du côté de fon pere Alaric fecond, de la Nation des Oftrogots; &, comme on l'a déja vû, & ainsi qu'on va le voir encore, ces deux Nations quoiqu'elles fuffent originairement deux effains du même Peuple, fe regardoient néanmoins comme des Nations étrangeres. Le fils de Théodegote ne devoit donc pas prétendre fuivant les coutumes & les ufages obfervés alors parmi les Barbares, jouir en fon nom de la Couronne des Oftrogots. D'ailleurs Amalaric avoit recueilli en vertu de fa naissance, un affez bel héritage. Il étoit Roi des Vifigots. Le Roi des Oftrogots nomma donc pour fucceffeur de fes Etats, le fils d'Amalafonthe; & il fe contenta de remettre au fils de Théodegote les Etats qui compofoient la Monarchie des Vifigots, & dont il avoit toujours gardé l'administration depuis la mort d'Alaric fecond. (b) Théodoric, dit Jornandès, fe voyant avancé

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(a) Florentius. Anthemius. His Confulibus, Dominus nofter Rex Theodoricus filiam fuam Dominam Amalazuntam gloriofi viri Domini noftri Eutharici matrimonio, Deo aufpice, copulavit.

nium perveniffet, & fe in brevi ab hac luce egreffurum cognofceret, convocans Gothos fuos Comites, & Gentis fuæ Primates, Athalaricum infantulum adhuc vix decennem, filium Amalafuenthæ, qui patre Eutharico. orbatus erat, Regem conftituit, eifque in (b) Sed poftquam Theodericus ad fe- mandatis dedit, ac fi teftamentali voce de

Faft. Caf. ad ann. 515.

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"en âge, & près de fa fin, il fit affembler ceux des Oftrogots qui avoient des emplois, & les principaux Citoyens de cette Nation, & il déclara devant eux Athalaric, qui n'avoit en>> core que dix ans, fon fucceffeur dans ceux des differens Etats » qu'il gouvernoit, defquels il étoit Proprietaire. Il ajouta que » cette déclaration auroit la même force qu'un teftament fait » dans toutes les formes, qu'il enjoignoit au furplus à ceux qui » l'écoutoient, de bien fervir leur jeune Roi, d'aimer le Sénat » & le Peuple Romain, & d'entretenir toujours une bonne correfpondance avec l'Empereur d'Orient.

On voit par la lettre qu'Athalaric, dès qu'il fut monté sur le Trône, écrivit à Juftinien, que le nouveau Roi des Oftrogots accomplit exactement les dernieres volontés de fon ayeul. En voici (a) un extrait: » Vous avez autrefois élevé au Confulat » mon ayeul Théodoric. Vous avez daigné envoyer

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mon pere jufques dans l'Italie, la robe triomphale; & pour vous l'atta» cher encore plus étroitement, vous l'avez déclaré votre fils d'armes, & vous avez bien voulu ainfi adopter un Prince qui » étoit prefque de votre âge. Etant auffi jeune que je le fuis, vous m'adopterez avec encore plus de convenance. Daignez donc acquérir par vos bienfaits quelque fupériorité fur mes Etats. » Mareconnoiffance vous y rendra maître encore, plus que vous » ne l'êtes dans les vôtres. Voilà pourquoi j'ai nommé tel & tel » mes Ambaffadeurs auprès de votre Sérénité, & je les charge par » leur instruction de vous prier de m'accorder votre amitié aux » mêmes conditions que les Princes vos prédéceffeurs ont ac"cordé la leur à mon ayeul de glorieufe mémoire.

Il eft clair par cette lettre, & c'eft une obfervation qu'on ne fçauroit s'empêcher de faire plus d'une fois, que les Rois Oftrogots vouloient bien reconnoître dans les Empereurs d'Orient une fupériorité de rang, mais non pas une fupériorité de jurisdiction, & qu'ils fe croyoient en droit de traiter avec ces Empereurs de couronne à couronne. C'est ce qui peut confirmer dans l'opinion que Zénon avoit cédé purement & fimplement tous les droits de

nuntians ut Regem colerent, Senatum, Populumque Romanum amarent, Principemque Orientalem placatum femper & amicum haberet. Jornandes de rebus Get.

(a) Juftiniano Imperatori Athalaricus Rex...... Vos avum noftrum in veftra Civitate celfis Curulibus extuliftis, vos patrem meum in Italia Palmatæ claritate decoraftis. Defiderio quoque concordiæ factus

eft per arma filius, quamvis pæne vobis videbatur æquævus. Hoc nomen adolefcenti convenentius dabitis....... Quapropter Hunc & illum Legatos noftros æftimaviinus effe dirigendos, ut amicitiam nobis illis pactis, illis conditionibus concedatis, quas cum divæ memoria Domno avo noftro inclitos deceffores veftros conftat habuifle. Caffiod. variar. lib. 8. Ep. prima.

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