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n'a point eu fon effet. Je remonte au fixiéme fiecle.

La condition de Serfs n'empêchoit pas les Elclaves des Nations Germaniques, d'être capables du maniement des armes. Si ces Serfs étoient nés dans l'esclavage, ils n'avoient point été élevés fous le bâton d'un Maître, mais fous la difcipline d'un pere. (4) La Loi des Vifigots ordonne que le Barbare & le Romain, lorfqu'ils fe trouveront mandés pour quelque expédition, feront obligés d'amener au camp avec eux, la dixième partie de leurs Serfs, & de les y amener bien armés. C'eft, comme on le dira dans la fuite, de ces Serfs armés, qu'il faut entendre plufieurs articles des Capitulaires des premiers Rois de la feconde Race, dans lefquels il eft fait mention des Hommes des Seigneurs particuliers, foit Eccléfiaftiques, foit Laïques. Ces Hommes n'étoient point comme quelques Auteurs fe le font imaginés, des Sujets du Roi de condition libre, qui reconnuffent déja ces Eccléfiaftiques ou ces Laïques pour leurs Seigneurs naturels, ainfi que plufieurs Sujets du Roi & de condition libre, ont reconnu fous la troifiéme Race, & reconnoiffent encore aujourd'hui d'autres Sujets du Roi pour leurs Seigneurs. Au commencement du huitiéme fiécle, tous les Citoyens de notre Monarchie ne reconnoiffoient d'autre Jurifdiction & d'autre Pouvoir, que la Jurifdiction & le pouvoir du Roi & celui des Officiers qu'il avoit choifis perfonnellement, pour être à fon bon plaifir, & durant un tems, les dépofitaires de fon autorité fur les autres Citoyens. Les particuliers n'avoient point encore ufurpé alors les droits de l'Etat, & perfonne ne pouvoit mener à la guerre, comme des Hommes à lui, que fes propres Serfs.

L'ufage de conduire fes Serfs à la guerre, ou de les y envoyer, a même continué d'avoir lieu fous la troifiéme Race de nos Rois. On voit (b) dans la relation que fait Guillaume Breton,

(4) Quifquis horum in exercitum pro- | ita ut hæc ipfa pars decima non inermis exigreffurus decimam partem fervorum fuorum ftat, fed vario armoruni genere instructa apin expeditionem bellicam ducturus accedat, pareat. Lex Vifig. Lib. 9. Tit. 2. Par. 9.

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de la bataille donnée à Bouvines par Philippe Augufte, que trois cens Cavaliers armés de lances, & qui étoient Serfs de l'Abbaye de faint Médard de Soiffons y enfoncerent un gros de Nobleffe Flamande, qui par mépris pour leur condition, n'avoit pas daigné s'ébranler, ni faire prendre carriere à fes chevaux, afin de mieux recevoir l'Affaiflant. C'est ainsi qu'en ufoient les Cavaliers armés de lances avant le milieu du feiziéme fiécle tems où ils prirent l'ufage de combattre en efca

drons.

Les combats en Champclos, étant devenus fous les derniers Rois de la feconde Race, une des voyes juridiques de terminer les procès, plufieurs (4) Eglifes obtinrent du Prince, que leurs Serfs feroient reçûs à rendre le témoignage contre des perfonnes de toute forte de condition, & que nul ne pourroit, fans être réputé convaincu du fait dont il étoit accusé, & sans perdre fa cause, refufer de combattre contre ces Serfs, fous prétexte qu'ils ne feroient point des Champions recevables. Cette Loi eft contenue expreffément dans les Chartres octroyées pour ce fujet, par le Roi Louis le Gros, à l'Eglife de Chartres, comme à l'Abbaye de faint Maur-des-Foffés, & par plufieurs de nos Rois à l'Abbaye de faint Denis.

Venons aux Francs de condition libre. Ils étoient tous Laïques. Ce n'eft point que plufieurs Francs n'embrafssassent tous les jours l'Etat Eccléfiaftique; mais dès qu'un Franc ou un autre Barbare embraffoit cette profeffion, il étoit réputé avoir renoncé à être de la Nation, dont il avoit été jufques-là, & avoit re ci-deffous, paffé, pour ainfi dire, dans la Nation Romaine.

Voyez enco

ch. 17.

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Indignans nimium quod non à Milite primus
Ut decuit, fieret, belli concurfus in illos,
Ne ve verecundentur ab his defendere, fi fe
Prorfus abhorefcant, cum fit pudor ultimus alto
Sanguine productum fuperari à plebis alumno
Immoti ftatione fua, non fegniter illis
Excipiunt, fternuntque ab equis plurefque, nec illis
Parcendum ducunt famuli, fed turpiter illos
Jam perturbatos ftationem folvere cogunt.

(a) Inftituo & decerno ut fervi fanctæ
Foffatenfis Ecclefiæ adverfus omnes homi-
nes tam liberos quam fervos in omnibus
caufis placitis & negotiis liberam & perfe-
&tam habeant teftificandi & bellandi liçen-
tiam & nemo unquam fervitutis occafionem
eis opponens in corum teftimonio ullam da.
re præfumat calumniam... . . Quod fi ali-

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Phil. Lib. XI. Du Ch. Tom. s. p. 229.

quis liber homo in eadem caufa illos de. falfo teftimonio contradicere vel comprobare voluerit, aut fuam comprobationem duello perficiat, aut corum Sacramentum fine ulla alia contradictione recipiens illorum teftimonio adquiefcat. Quod fi aliquis, &c. Ordon. de Laurieres tom. 1. pag. z. & 4. Ibid. tom. 4. pag. 139.

Comme on a déja pû le remarquer, un Barbare qui fe faifoit d'Eglife, commençoit par fe faire couper les cheveux; & comme nous le verrons dans la fuite (4), durant le cinquième fiécle & les quatre fiecles fuivans, tous les Eccléfiaftiques des Gaules, de quelque Nation qu'ils fuffent fortis, étoient tenus de vivre fuivant le Droit Romain.

Ainfi les Francs ne compofoient tous qu'un feul & même ordre de Citoyens, car on a déja vû que les Princes de la Maifon Royale n'étoient point Citoyens en un fens, parce qu'ils partageoient tous entr'eux le Royaume de leur pere, & qu'ainfi chacun d'eux devenoit un Souverain. Il n'y avoit donc point alors de Prince de la Maison Royale, qui ne fût fils de Roi & héritier préfomptif, au moins en partie de la Couronne de fon pere. Le refte des Citoyens n'étoit point partagé en deux ordres, comme le font aujourd'hui les Sujets laïques de nos Rois, qui fe divifent en Nobles & en non-Nobles. Quoique les familles anciennes & connues depuis long-tems dans la Nation, euffent plus de confidération que celles dont l'illuftration ne faifoir que de commencer; cependant les premieres n'avoient point de droits qui leur fuffent particuliers, ni de privilege fpécial qui en fiffent un Ordre fupérieur à un autre Ordre de Citoyens. Enfin la Loi n'établiffoit aucunes diftinctions décidées entre les enfans qui naiffoient dans certaines familles & les enfans nés dans les autres. Il ne faut point être bien verfé dans le Droit public des Nations, pour fçavoir qu'il eft bien different, d'avoir feulement de la confideration & des égards pour les Citoyens des anciennes familles, ou d'attribuer par une Loi pofitive des droits certains & des avantages particuliers aux Citoyens nés dans ces familles, de maniere qu'ils jouiffent en vertu de leur feule naiffance, de plufieurs priviléges déniés aux Ci toyens nés dans les autres familles..

La confideration, ni même le refpect volontaire du Concitoyen, ne font point des familles qui en jouiffent, un Ordre de Sujets, diftinct & féparé. Ce font les prérogatives & les droits attribués à certaines familles par les Loix, qui font de ces familles un Ordre particulier. Il y a bien, par exemple, parmi les Turcs quelques familles illuftrées, pour lefquelles les autres ont beaucoup

confidération; mais comme ces familles ne jouiffent point en vertu des Ordonnances ou des Statuts, d'aucun droit réel

(4) Ut omnis Ordo Ecclefiarum, fecundum legem Romanam vivat. Baluz. Capitul. somi! pr. pag. 690. Conant eu dret 25

,

& qui leur foit acquis par la Loi, elles ne font pas dans l'Empire Ottoman un Ordre particulier de Citoyens, & l'on dit avec raifon, qu'il n'y a point un Ordre de la Nobleffe parmi les Turcs. Quoiqu'on faffe à Venife, dans ce qui s'appelle le monde, une grande difference des Nobles iffus des anciennes familles, & des Nobles iffus des familles annoblies depuis peu par argent; neanmoins la confidération & les égards qu'on a pour les premiers & qu'on n'a point pour les feconds, n'étant pas fondés fur aucune Loi ou Parté, qui établisse quelque difference légale entre les uns & les autres, perfonne ne dira que les Nobles Vénitiens foient divifés en deux Ordres. Ils font tous du même Ordre, tant anciens Nobles que nouveaux Nobles. Ainfi quoiqu'on voye dès le fixiéme fiecle parmi les Francs, des familles plus honorées & plus refpectées que les autres, il ne s'enfuit point qu'il y eût parmi eux, deux Ordres de Citoyens. Ce n'étoit point une Loi du Droit public, c'étoient les Dignités qui avoient été long-tems dans ces familles, c'étoient les fujets d'un mérite rare qu'elles avoient fournis à l'Etat, qui leur avoient attiré l'efpece de diftinction dont elles joüiffoient. Prou vons ce que nous venons d'avancer, concernant la Nation des Francs.

&

Suivant la Loi naturelle, les hommes naiffent tous égaux, & l'on ne doit pas fuppofer fans preuve, qu'une Nation ait donné atteinte à cette Loi, en attribuant aux Citoyens, qui auroient le bonheur de naître dans de certaines familles, des distinctions & des prérogatives particulieres & onéreuses aux Citoyens nés dans les autres familles. Si nous croyons avec certitude, que dans les tems dont il s'agit, une partie des Francs naiffoit libre, que l'autre partie naiffoit efclave, c'eft que la Loi de cette Nation nous le dit clairement & pofitivement. Nous y voyons plufieurs fanctions, qui prouvent manifeftement qu'à cet égard, la Loi des Francs avoit dérogé à la Loi naturelle. Or il n'y a rien dans la Loi Nationale des Francs, qui montre qu'ils fuffent divifés en deux Ordres, & que les uns naquiffent Nobles, & les autres Roturiers. Les diftinctions que fait cette Loi en faveur de quelques Citoyens, y font faites en faveur de leurs dignités, & non pas en faveur de leur naiffance. Ces diftinctions font accordées à des emplois qui n'étoient point héreditaires, & non point comme on le dit en Droit public, à une priorité d'Ordre.

Au contraire, la Loi Nationale des Francs fuppofe manifestement en plufieurs endroits, que tous les Francs de condition

ibre, fuffent du même Ordre, parce que dans les occafions où elle auroit dû ftatuer différemment par rapport aux diverfes conditions dans lesquelles chacun des Citoyens feroit né, elle statue uniformément. Citons quelques exemples tirés de la Loi Salique & de la Loi Ripuaire, qui comme nous l'avons dit, font en quelque maniere deux Tables de la Loi National des Francs.

Le quarante-quatriéme titre des Loix Saliques ftatue fur les interêts civils, ou fur la peine pécuniaire à laquelle doit être condamné le meurtrier (a) de condition libre qui aura tué une perfonne de même condition que lui. Il eft dit dans ce titre dont la fubftance eft la même que dans toutes les rédactions de la Loi Salique. » Le Franc qui aura tué un Romain de condition à » manger à la table du Roi (c'eft de quoi nous parlerons plus »bas) fera condamné à trois cens fols d'or. Celui qui aura tué » un Romain de l'ordre de ceux qu'on appelle Poffeffeurs "c'est-à-dire, qui poffedent des biens fonds dans le Canton où »ils font domiciliés, påyera cent fols d'or. Celui qui aura tué » un Romain tributaire, payera quarante-cinq fols d'or. Les Loix Saliques ayant ainfi arbitré la peine pécuniaire du meurtrier d'un Romain libre par rapport à l'ordre dont le Romain étoit, parce que la Nation Romaine étoit divifée en plufieurs Ordres, left évident qu'elles auroient de même arbitré la peine pécuniaire du meurtrier d'un Franc libre, par rapport à l'ordre dont auroit été le Franc mis à mort, fuppofé que les Francs euffent été divifés comme les Romains en differens Ordres. Cependant les Loix Saliques ne font point cette diftinction. Dans le titre que je rapporte il eft dit fimplement : Celui qui aura tué un » Franc, un autre Barbare, ou un homme qui vit felon la Loi Salique, fera condamné à payer deux cens fols d'or.

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On trouve auffi dans la Loi des Ripuaires, deux titres, où il eft ftatué expreffément fur le meurtre d'une perfonne libre. (6) Il

In

(a) De homicidis ingenson Siominem hominem ingenuor genuus Francum aut Barbarum aut hominem genuus hominem Ingenuum Ripuarium inqui Salica Lege vivit, occiderit, folidis du- terfecerit, ducentis folidis culpabilis judicentis culpabilis judicetur. cetur. Lex Ripuar. tit. 7.

Si Romanus homo conviva Regis occifus fuerit, folidis trecentis componatur. Si quis Romanum tributarium occiderit, folidis quadraginta quinque culpabilis judicetur. Si quis Romanus homo poffeflor id eft qui res in pago ubi remanet proprias poffidet occifus fuerit, is qui eum occidiffe convincitur, folidis centum culpabilis judicetur. Leg. Sal. Tit. 44..

Tome II.

Si quis Ripuarius advenam Francum interfecerit, ducentis folidis culpabilis judicetur. Si quis Ripuarius advenam Burgundionem interfecerit, centum fexaginta folidis culpabilis judicetur. Si quis Ripuarius advenam Romanum interfecerit, centum folidis mulctetur.

Ibid. Tit. trigefimo fexto,

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