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mination des Rois Merovingiens. Toutes les fois que les Francs auront conquis dans ces tems-là un Pays fur les Vifigots, les Vifi gots qui habitoient dans ce Pays, fe feront retirés de proche en proche, dans les Provinces qui demeuroient fous l'obéiffance du Roi de leur nation, comme Procope obferve qu'ils le firent quand la pofterité de Clovis conquit fur eux pour la feconde fois, la partie des Gaules, qu'ils avoient reprife fur les Francs immédiatement après la mort de Clovis, (4) Procope dit en parlant de cet évenement: » Les Vifigots, échappés à la fureur des armes, » abandonnerent plufieurs pays de la Gaule où ils étoient éta blis, emmenant en Efpagne avec eux leurs familles, & ils » s'y retirerent dans les Etats de Theudis, qui s'y étoit déja » fait proclamer Roi. « Les Princes Vifigots, Maîtres de l'Efpagne Ultérieure & Citérieure, avoient intêrêt d'acueillir ceux de leur Nation qui fe réfugioient dans leurs Etats. Tous les Rois Barbares dont nous parlons, devoient être plus foigneux encore d'acquerir pour Sujets des hommes de leur propre Nation, que de réunir des arpens de terre à leur domaine. On voit bien pourquoi. Si l'on trouve que dans quelques diftricts de la premiere Narbonoife, on fuivît durant le neuvième fiécle & fous les Rois Carliens, la Loi Nationale des Vifigots, en voici la raifon. Lorsque les Princes de notre feconde Race conquirent cette Province fur les Sarrafins dans le huitiéme fiécle, le Royaume des Vifigots avoit été déja détruit par ces Mahometans. Ainfi les Visigots, qui fous le regne de nos Rois de la premiere Race, avoient confervé la premiere Narbonoife, ne pouvoient plus fe retirer dans les Etats d'un Roi de leur Nation, comme leurs Ancêtres l'avoient fait autrefois. Ils feront donc reftés dans cette Province, & nos Rois de la feconde Race, n'auront pas voulu ôter à de nouveaux Sujets la Loi de leurs ancêtres.

Je reviens aux anciens Vifigots. Je ne crois pas donc que ce. foit des Vifigots, mais bien des Romains qui habitoient dans la portion du pays des Vifigots, laquelle Clovis conquit fur ces derniers, qu'il faut entendre ce qui fe trouve dans la Loi Gombette. (b) »Si quelque homme libre qui aura été fait captif par les Francs dans le pays tenu par les Vifigots, fe réfugie » dans le pays tenu par les Bourguignons, & qu'il veuille s'y

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(a) Qui cladi fuperfuerant ex Gallia cum uxoribus liberifque egreffi in Hifpaniam ad Theudim jam palam Tyrannum fe receperunt. Procop. de Bell. Goth. Lib. pr. cap. 13.

(b) Quicunque ingenuus de Gothia captivus à Francis in noftram regionem venerit, & ibidem habitare voluerit, ei licentia non negatur. Lex Bur. Add. fecundo, art. 3,

» établir, il y pourra vivre fous la protection des Loix.

Auffi obferve-t'on' que la Loi Nationale des Vifigots, n'eft point contenue dans la Loi Mondaine, ou dans le Recueil des Loix Nationales, fuivant lefquelles tous les Sujets de la Monarchie étoient gouvernés fous nos Rois des deux premieres Races. Un des plus anciens Exemplaires de la Loi Mondaine ou du Recueil de toutes ces Loix, eft un Manufcrit de la Bibliotheque de l'Eglife Cathédrale de Beauvais, copié dès le neuvième fiécle, & qui eft en quelque maniere le premier Tome d'un autre Volume, tranfcrit dans le même tems, & qui contient les Capitulaires. Monfieur Baluze auroit pû dire du premier de ces deux Volumes, ce qu'il dit du fecond, que le Chapitre de Beauvais voulut bien à la follicitation de Monfieur Hermant, l'un de fes plus illuftres Chanoines, prêter à ce fçavant Editeur dans le tems qu'il travailloit à donner les Capitulaires de nos Rois. (4)» Que c'est un Manufcrit excellent & le meilleur en fon » genre que l'on connoiffe. « Pour revenir à celui de nos deux Volumes qui renferme la Loi Mondaine, il contient feulement le Code du Droit Romain publié par Alaric II. Roi des Vifigots, la Loi Salique, celle des Allemands, celle des Bavarois & celle des Ripuaires. Si dans les Aquitaines & les autres Provinces des Gaules, dont Clovis & fes Enfans firent la conquête fur les Vifigots, il fût refté un nombre de Vifigots qui cuffent continué à y vivre fuivant leur Loi Nationale rédigée par écrit, cette Loi feroit partie du Recueil dont j'ai parlé, & qui a été fait fous le regne des Rois Carliens. Mais elle n'y a point été inferée, parce qu'il étoit inutile de l'y faire entrer, d'autant qu'elle ne régiffoit qu'un très-petit nombre de Sujets de la Monarchie, & devenus tels encore, depuis peu.

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Cette preuve négative ne conclut rien, me dira-t'on. La Loi des Bourguignons, bien qu'elle ne fe trouve point dans votre Recueil, ne laiffe point d'avoir été en vigueur dans la Monarchie. J'en tombe d'accord, mais cela prouve feulement ce qui eft vrai, c'est que la Loi Gombette avoit été abrogée avant que le Recueil dont il est question fût transcrit. Ainfi comme nous ne fçavons pas que la Loi des Vifigots ait été jamais expreffément abrogée par aucun de nos Rois, nous pouvons conclure de ce

(4) Poft ifta habui veterem & optimum li- | brum Ecclefiæ Bellovacenfis omnium quos hactenus vidi optimum quia plura eaque perfecta, continet quam cæteri, huc ad me mif

fum à Doctiffimo viro Godefredo Hermant ejufdem Ecclefiæ Canonico & Doctore. Bal.in Pr. par. 73.

tom. 1. p. 26.

qu'elle n'eft pas inferée dans notre Recueil, qu'elle n'a point été une des Loix reçues & reconnues dans le Royaume des Francs fous la premiere Race, & qu'elle n'a jamais eu lieu hors des pays de la premiere Narbonoife, conquis feulement dans le huitième fiécle par les Princes Carliens.

Nous avons encore la Loi des Bavarois, de la rédaction de Dagobert, qui avoit revû la premiere compilation de cette Loi, Baluz. Cap. faite par les foins de Thierri fils deClovis.On a déja dit fur l'année quatre cens quatre-vingt-feize, qu'immédiatement après la bataille de Tolbiac, les Bavarois s'étoient foumis au Roi Clovis à des conditions en vertu defquelles ils devoient continuer à fubfifter, en forme d'une Nation diftincte & féparée des autres Nations,fujettes de la Monarchie des Francs. L'habitation ordinaire de ces Bavarois étoit fur la droite du Rhin, & voisine de celle des Allemands, mais plufieurs Citoyens de la Nation dont nous parlons préfentement, s'étoient apparemment tranfplantés en differentes contrées de la Gaule. C'est ce qui paroît en lifant la Loi Ripuaire, qui condamne celui des Ripuaires, qui auroit tué un Bavarois établi dans leur pays, à une peine pécuniaire de cent foixante fols d'or. Nous l'avons rapportée à l'occafion des Allemands.

Nous ne parlerons point des Frifons dont il eft fait mention dans ce même article de la Loi des Ripuaires, parce que ce ne fut qu'après l'année cinq cens quarante, où nous avons fini notre Hiftoire de la Monarchic, que plufieurs peuplades de Frisons, furent affujetties à fa domination.

Outre les Nations Barbares dont nous venons de parler, il y avoit encore dans les Gaules une peuplade de Teifales & une peuplade de Saxons. L'une & l'autre y étoient établis dès le tems des Empereurs Romains, comme on l'a dit dans le premier Livre de cet Ouvrage, & elles y fubfifterent l'une & l'autre fous la même forme, long-tems après que les Gaules furent paffées fous la domination de nos Rois. Nous avons vû que fuivant la Notice de l'Empire, redigée fous le regne d'Honorius, les quartiers des Teifales étoient dans le Poitou, & Gregoire de Tours dit en parlant d'Auftrapius, un Romain qui après avoit été Duc ou Général, s'étoit fait d'Eglife, & qui prétendoit fous le regne de Charibert, petit-fils de Clovis, à l'Evêché de Poitiers. » Eu» ftrapius s'étant mis dans la Cléricature, il fut fait Chorevêque ou Evêque d'une partie du plat-pays des environs du lieu de » Selles, réputé être compris dans le Diocèfe de Poitiers. Cela

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» lui fembloit un droit pour être promû à cet Evêché, lorsqu'il » deviendroit vacant. Mais le cas étant arrivé, on n'eut point d'égard aux prétentions d'Euftrapius, qui fe retira à Selles, » où il fut tué d'un coup de lance par les Teifales qui s'étoient foulevés, & aufquels il avoit fait précedemment bien de la peine. Après la mort d'Euftrapius, l'Eglife de Poitiers fe re>> mit en poffeffion de la partie de fon Diocèse, dont il avoit été Chorevêque. (a)

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Le même Historien dit en parlant du bienheureux Sénoch, un de fes contemporains: " (b) Il étoit Teifale de Nation, & » né dans le Bourg du Diocèfe de Poitiers, qu'on appelle la Tei» falie. « Il falloit que cette poignée de Teifales ne fut pas encore confondue depuis fept ou huit générations avec les anciens habitans du pays où elle avoit été tranfplantée; car quand Gregoire de Tours écrivoit, il y avoit déja, comme on l'a vû, cent foixante & dix années au moins, que nos Scytes habitoient dans le Diocèfe de Poitiers. Cela montre bien que les hommes avoient alors pour les coutumes & pour les ufages de leurs peres, un attachement qui empêchoit principalement les Nations differentes qui habitoient le même pays, de fe confondre auffi facilement qu'elles fe confondroient aujourd'hui.

On a vû dans le premier Livre de cet Ouvrage, que dès le tems où les Gaules étoient encore foumifes aux Empereurs Romains, on appelloit une partie de la côte de la feconde Lyonoise, ou de la Province qui eft aujourd'hui la Normandie, le Rivage Saxonique, à caufe des Saxons à qui l'on y avoit donné des quartiers. On y retrouve cette Peuplade de Saxons fous le regne des petits-fils de Clovis. (c) Vers l'année cinq cens foixante & dixhuit, le Roi Chilpéric fit marcher les Tourangeaux, les Poitevins & les Habitans de plufieurs autres Cités contre Varochius', qui vouloit fe cantonner dans la petite Bretagne. Durant cette guerre, Varochius enleva par furprise le quartier des Saxons Beffins ou des Saxons domiciliés dans la Cité de Bayeux, une des Cités de la feconde Lyonoise, & qui faifoient une partie de l'armée de Chilpéric.

Greg. Tur. Hift. Lib. 4. cap. 18.

(a) Tempore verò Regis Chlotarii, Eu- | rò fuas Pictava Ecclefia recepit. ftrapius ad Clericatum accedens apud Sellenfe Caftrum quod in Pictava habetur Diocefi........ Eustrapius quoque regreffus ad caftrum fuum mota fuper fe Theifalorum feditione quos fæpe gravaverat, lancea fauciatus crudeliter vitam finivit. Dioceses ve

(b) Igitur beatus Senoch genere Theifalus Pictavi Pagi quem Theifaliam vocant, oriundus fuit. Ibid. de Vitis Patrum, cap. 15.

(c) Dehinc Turonici, Pictavi cum aliis multis in Britanniam ex juffu Chilperici Re

Environ douze ans après, la guerre fe raluma entre les Francs & les Bretons Infulaires, établis dans la troifiéme des Lyonoifes, & de qui nous allons parler. Gregoire de Tours écrit que la Reine (4) Frédégonde, laquelle trahiffoit fon propre parti qui étoit celui des Francs, parce qu'elle haïffoit le Général qui commandoit leur armée, engagea les Saxons Beffins à marcher au fecours des Bretons. Ces Saxons, afin qu'on ne les reconnût point, fe firent couper les cheveux auffi courts que les portoient les Bretons, qui comme les Gaulois, étoient devenus des Romains. Nos Saxons prirent encore des vêtemens semblables à l'habillement des Bretons.

Ceux de nos Ecrivains qui ont prétendu que les Bretons Infulaires fuffent établis dans les Gaules, avant même l'évenement En 481. de Clovis à la Couronne, ne font tombés dans cette erreur que pour avoir confondu les Bretons avec les Armoriques des Gaules. Ils ont cru que les uns & les autres fuffent le même Peuple, parce qu'on les trouvoit durant le même fiecle, établis dans la même contrée. J'ai affez bien expliqué quels étoient ces Armoriques , pour perfuader que les Auteurs du cinquiéme & du fixiéme fiécle n'ont jamais voulu défigner par le nom d'Armoriles Bretons Infulaires. L'on n'a donné quelquefois le nom d'Armoriques à nos Bretons, que dans les tiges pultérieurs, o long-tems après qu'ils ont eu établi leur Colonie dans une partie du Gouvernement Armorique ou du Tractus Armoricanus, dont il eft parlé dans la Notice de l'Empire.

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Quant aux tems où la Peuplade des Bretons Infulaires s'eft établie dans les Gaules, je ne crois point qu'elle s'y foit établie avant l'année cinq cens treize, c'eft-à-dire, quinze ans après que tout le pays tenu par la Ligue ou la Confédération Armorique fe fût foumis à l'obéiffance de Clovis. Ce tems-là est celui où les progrès que faifoient journellement dans l'Ile de la Grande Bretagne les Saxons & leurs Alliés, réduifirent une partie de fes anciens Habitans, à paffer la mer pour venir chercher fur les côtes des Gaules une autre Patrie. Voici donc les faits fur lefquels je fonde mon opinion.

Suivant Beda, Ecrivain né dans la grande Bretagne en fix

gis abierunt contra Varochium......
Sed ille dolofe fuper Saxones Baiocaffinos
ruens maximam exinde partem interfecit.

Greg. Tur. Hift. Lib. 5. cap. 27.

(4) Feredegundis enim cum audiffet quod in hoc procinctu Beppolenus abiret, quia

ei jam ex anteriore tempore invifus erat, Baiocaffinos Saxones juxta ritum Britannorum tonfos atque cultu veftimenti composi tos, in folatium Varochi abire præcepit. Ibid. Lib. Hift, decim, cap.none.

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