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» culier à qui la jouiffance d'un fond aura été abandonnée, à » condition d'acquitter la redevance dont le fond eft chargé » dans le Canon ou le Cadaftre, jouira paifiblement de ce fond,

en payant la redevance à l'acquit de celui qui eft infcrit fur le » Canon en qualité de Proprietaire de ce bien-là, & moyen"nant le fufdit payement, le veritable Proprietaire demeurera » valablement déchargé de la redevance. Mais comme le paye»ment de cette redevance ne doit pas être interrompu, s'il arrive

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que le particulier à qui un fond aura été délaiffé, à condition » d'acquitter la cotte-part du Tribut dûë par ce même fond, » manque à payer ponctuellement chaque année ladite cotte» part, qu'alors le Proprietaire du fond fe prefente afin de répondre pour le fufdit fond, & s'il manque à se présenter, fon » benefice fera réputé n'avoir point acquitté les charges dont il » eft tenu fuivant le Canon, & il fera confifqué comme étant » dans ce cas-là. Il eft clair par cette Loi, que les benefices militaires des Vifigots étoient compris & taxés dans le Canon. La feconde des Loix que nous avons promis de rapporter, ftatue (4) : » Dans chaque Cité, les Juges & autres Officiers feront déguerpir les Vifigots qui feront trouvés détenir des terres, lefquelles » fuivant le partage géneral convenu entre les deux Nations » doivent faire partie du tiers de toutes les terres qui a été laiffé » aux Romains, & les fufdits Juges & Officiers remettront in» ceffamment les Romains en poffeffion des fonds, dont les Vifigots auront été dépoffedés, à condition toutefois que les » Romains ainfi réintegrés payeront au Fisc la même redevance » que payoient les Vifigots qu'on auroit dépouillés. Il faut que depuis le partage géneral il eût été fait un nouveau rôle, où les taxes étoient plus fortes qu'elles ne l'étoient dans l'ancien, & que le Législateur craignît que les Romains qu'on rétabliroit dans les fonds ufurpés fur eux, prétendiffent n'acquitter les redevances des fonds qu'on leur rendroit, que fur le pied de l'ancien cadaftre, c'est-à-dire, fur le pied qui avoit lieu lorfqu'ils avoient été chaffés injuftement de leurs poffeffions. La précaution que prend la Loi que nous venons de rapporter, obvioit aux inconveniens qui pouvoient naître d'une prétention pareille.

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Nous avons vû dans le Livre précedent, que lorfque les Bourguignons reconnurent pour Rois les enfans de Clovis, ils s'obli

(a) Judices fingularum civitatum, Villici atque præpofiti; tertias Romanorum ab illis qui occupatas tenent, auferant & Roma

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nis fua exactione fine aliqua dilatione reftituant, ut nihil Fifco debeat deperire. Ibidem, Lege decima fexta.

gerent

gerent de payer à ces Princes une redevance pour les terres qu'ils poffedoient, c'est-à-dire, pour la moitié des terres qu'ils avoient ôtée à l'ancien Habitant des Provinces des Gaules où ils s'étoient établis. Cependant c'étoit à titre onéreux, c'étoit à condition de marcher lorfqu'ils feroient commandés, que les Bourguignons tenoient leurs terres. Les parts & portions Bourguignones devoient être un bien de même nature que les terres Saliques quant au fervice dont leur poffeffeur étoit tenu. En un mot, toutes les Nations dont je viens de parler, n'avoient fait autre chofe en laiffant les fonds deftinés à l'entretien de leur Milice, chargés de la redevance dont ils étoient tenus envers l'Etat, conformément au cadaftre de l'Empire, que conferver & fuivre l'ufage qu'elles avoient trouvé établi dans les Provinces où elles s'étoient cantonnées. Nous avons rapporté dans le premier Livre de cet Ouvrage, une Loi faite par les Empereurs Romains, vers le milieu du cinquième ficcle, laquelle fait foi que les benefices militaires LXI. tit. 74° étoient fujets au Tribut public.

Je conclus donc de tout ce qui vient d'être expofé, qu'il est contre la vraisemblance que les Rois Mérovingiens ayent exempté les terres Saliques & les autres biens fonds, ou revenus des Francs, de payer le fubfide ordinaire ; & la chose paroît même incroyable, quand on fait réflexion que ces Princes qui enrichiffoient les Eglifes avec tant de libéralité, ne les avoient point affranchies de ce Tribut. On a vû que fuivant la Loi génerale elles y étoient foumifes, & que fi quelques-unes en étoient exemptes, fi quelque portion du bien des autres étoit difpenfée de cette charge, c'étoit par un privilege spécial. Ainfi, comme je l'ai déja dit, pour montrer que tous les Francs ayent été exempts du fubfide ordinaire en vertu d'un privilege National, il faudroit apporter des preuves pofitives, & telles qu'elles puffent faire difparoître un préjugé auffi légitime que celui qu'on deffend ici. Mais loin qu'on trouve ou dans les Loix faites par les Souverains des deux premieres Races, ou dans l'Histoire, rien qui établisse cette prétendue exemption des Francs, on trouve & dans ces Loix & dans l'Hiftoire, plufieurs Sanctions & plufieurs faits, qui montrent que nos Francs ont été affujettis au payement du Tribut public, ainfi que les autres Sujets de la Monarchie, & cela durant tout le tems que la diftinction des Nations y a fubfifté. Voyons d'abord ce qu'on peut trouver dans les Loix à ce fujet.

Il eft vrai que dans les Loix & Capitulaires des Rois de la pre-
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Tome II,

Cod. Juft.

Leg. s.

miere Race, on ne voit rien qui prouve que du tems de ces Princes, les Francs ayent été ou qu'ils n'ayent pas été affujettis au payement du fubfide ordinaire; mais en lifant les Capitulaires des Rois de la feconde Race, on y voit que nos Francs étoient affujettis à cette impofition. Or, comme on n'a jamais reproché aux Rois de la feconde Race d'avoir dégradé les Francs, comme au contraire, plufieurs d'entr'eux ont été très-jaloux de l'honneur de cette Nation, dont ils fe faifoient un mérite d'être, on doit inferer que les Rois de la feconde Race n'ont fait payer aux Francs le fubfide ordinaire, que parce que les Francs l'avoient payé fous les Rois de la premiere Race.

En parlant du Tribut public dans le premier Livre de cet Ouvrage, j'ai expofé qu'il confiftoit premierement, en une taxe mife fur le contribuable, à raifon des fonds dont il étoit poffeffeur, & fecondement, en une autre taxe mife fur lui, à raison de fon état de Citoyen, laquelle fe nommoit Capitation. Or il eft dit dans le vingt-huitiéme article de l'Edit, fait à Pistes par Charles le Chauve: (4) » Les Francs non cxempts, & qui font » tenus de payer un cens au Roi, tant pour leur Capitation que

pour leurs Poffeffions, ne pourront point donner corps & biens » aux Eglifes, ni fe rendre Serfs de qui que ce foit, fans en » avoir auparavant obtenu la permiffion du Prince, afin que » l'Etat ne foit point privé du fecours qu'ils lui doivent. Cette Loi fuppofe que les Francs étoient également foumis à l'impofition perfonnelle & à l'impofition réelle.

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Il est évident que dans notre Loi Charles le Chauve entend parler des Francs de Nation; car après avoir statué touchant les contrevenans à fon Ordonnance ce qu'il juge à propos d'y ftail dit à la fin du même article: » Quant aux Romains » nous n'avons rien (b) à ajouter à ce que leur Loi ordonne "fur ce point-là. Nous rapporterons encore à l'occafion des Douanes & Péages plufieurs Capitulaires, faits par les Rois de la feconde Race, & qui font très-oppofés à l'idée qu'on fe fait communément de l'exemption génerale des Francs.

Quant à prefent voyons ce qui fe trouve dans l'Hiftoire concernant leur prétendue exemption du Tribut public ou du fubfide ordinaire. Ceux qui la foutiennent, fe fondent perdat. Baluz. Cap. Tom. 2. pag. 187.

(a) Ut illi Franci qui cenfum de fuo capite vel de fuis rebus ad partem Regiam debent fine noftra licentia ad cafam Dei vel ad alterius cujufcunque fervitium fe non tradant, ur Refpublica quod de illis habere debet non.

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(b) De illis autem qui fecundum Legem Romanam vivunt, nihil aliud nifi quod iif dem continetur legibus definimus. Ibidem.

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fur deux paffages de Gregoire de Tours, qui vont être rapportés. Voici le premier. (4) » Theodebert mourut enfin après avoir » été long-tems malade. Les Francs haïffoient beaucoup un de » fes Miniftres appellé Parthenius, parce que du vivant du Roi, >> il les avoit furchargés d'impofitions, & ilsentreprirent de fe » défaire de ce Romain. Parthenius qui connut le danger, fup» plia deux Evêques d'appaifer par leurs remóntrances le » foulevement des efprits, & de le conduire à Tréves. Gregoire de Tours ne dit point dans ce paffage, que Parthenius cut foumis les Francs au Tribut public dont ils devoient être exempts. Il dit feulement que Parthenius les avoit accablés d'impofitions, c'eft à dire, qu'abusant de la confiance de Theo debert, il l'avoit engagé à augmenter les taxes portées dans l'ancien cadastre. Voici le fecond paffage de notre Hiftorien. Après avoir rapporté que Frédegonde fe réfugia dans l'Eglife Cathédrale de Paris quand le Roi Chilpéric fon mari eut été affaffiné l'Auteur ajoute: (b) » Elle avoit auprès d'elle un Juge nommé » Audoënus, qui avant qu'elle fut veuve, avoit été fon complice dans plus d'un crime. C'étoit lui, qui de concert avec Mummolus, l'un des principaux Officiers des Finances, avoit

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En 581.

» obligé plufieurs Francs, qui fous le regne du Roi Childebert Mort en 558. » premier, avoient été affranchis du Tribut public, à payer ce » Tribut-là. « Il eft vrai qu'ils s'en vengerent dès que Chilpe ric eut les yeux fermés, & qu'ils pillerent fi bien tous les effets de Parthenius, qu'il ne lui en refta que ce qu'il avoit fur lui.

Comme rien ne montre mieux l'existence d'une Loy dont on n'a plus les Tables, que des exceptions faites certainement à cette Loi, il me femble que ce paffage, loin de prouver que les Francs ne fuffent pas fujets à payer le fubfide ordinaire, montre au contraire, que la Loi générale les y affujettifsoit. En effet, l'indignation des Francs qui en vouloient à Audoënus & à Mummolus, ne venoit pas, fuivant la narration de Gregoire de Tours, de ce que nos deux Romains euffent exigé des Francs en

rent. Greg. Tur. Hift. Lib. 3. cap. 36.

(4) Ergo cum diutiffime ægrotaffet ab ipfa | infirmitate deficiens reddidit fpiritum. Fran- (b) Habebat fecum tunc temporis Audoëci vero cum Parthenium in magno odio ha- num Judicem qui ei tempore Regis in multis berent pro eo quod tributa prædicti Regis confenferat malis. Ipfe enim cum Mummotempore inflixiffet, eum perfequi cœpelo Præfecto multos de Francis qui tempore runt. Ille vero in periculum pofitum fe cer- Childeberti Regis ingenui fuerant, publico nens confugium ab Urbe facit & à duobus Tributo fubegit. Qui poft mortem Regis ab Epifcopis fuppliciter exorat ut cum ad Ur- ipfis fpoliatus & denudatus eft, ut nihil ci bem Trevericam adducentes, populi fævien- præter quod fuper fe auferre potuit, remane, tis feditionem fua prædicatione comprime-ret. Greg. Tur. Hift. Lib. 7. cap. 35

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général le fubfide ordinaire ou le Tribut public, mais elle pro cédoit de ce qu'ils avoient exigé ce Tribut de quelques Francs privilégiés, de ceux que le Roi Childebert avoit affranchis du payement de l'impofition dont il s'agit.

Au refte, j'ai un bon garant quand je traduits ici Ingenuus par Affranchi en prenant ce dernier mot dans fon acception la plus générale, quoiqu'Ingenuus fignifie dans fon acception ordinaire, un homme qui a toujours été libre. Ce garant eft Gregoire de Tours lui-même, qui prend fenfiblement le mot Ingenuus dans la fignification d'Affranchi, dans la fignification d'un homme à qui l'on a ôté quelque joug. (a) Notre Hiftorien fait dire à l'Efclave que Frédégonde avoit gagné, pour tuer Prétextat Evêque de Rouen: Que la Reine pour l'engager à commettre ce meurtre lui avoit donné cent fols d'or, & qu'elle lui avoiť promis de les rendre fa femme & lui Affranchis, Ingenui. On voit bien que cela fignifie feulement, que la Reine avoit promis de les affranchir. Toute la puiffance de Frédégonde ne pouvoit pas faire que ces Efclaves ne fuffent point nés Efclaves, & qu'ils fuffent nés libres. J'avouerai, tant que l'on voudra, que le mot Ingenuus eft employé ici abufivement par Gregoire de Tours. Mais on fçait que ni lui, ni fes contemporains n'ont pas employé toujours les mots fuivant l'acception qu'ils avoient dans la bonne Latinité. Il nous fuffit qu'on ne puiffe pas douter que cet Hiftorien n'ait employé le terme d'Ingenuus dans le fens où nous avons vû qu'il s'en étoit fervi.

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