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Rois faifoient frapper. Ce fera une nouvelle preuve que ces Princes vouloient changer le moins qu'il leur feroit poffible, l'état où ils avoient trouvé les Gaules, quand elles fe foumirent à leur domination.

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Traité Hift.
France, P.

des Monnoyes

Après avoir montré de quelle matiere étoient les Mon»noyes dont il eft parlé dans la Loi Salique, cherchons quel de » en étoit le titre, le poids, & la valeur. Il nous refte des 2. fols, des demi fols, & des tiers de fols d'or, bien entiers & » bien confervés, qui font du même poids que ceux des Empereurs Romains qui regnoient environ le tems que les François vinrent s'établir dans les Gaules. Cette conformité de poids me perfuade que les François imiterent les Romains " dans la fabrication de leurs Monnoyes. Ils purent même fe » fervir de leurs ouvriers & de leurs machines, après qu'ils fe » furent emparés en entrant dans les Gaules de la Ville de Tré» ves, où les Romains avoient une Fabrique de Monnoye de » même qu'à Lyon & à Arles. Agathias qui a écrit fous le com» mencement de cette premiere Race, juftifie cette pensée, lorfqu'il dit que les François emprunterent beaucoup de cho»fes des Romains. Ceux qui ont quelque connoiffance de notre "ancienne Histoire, n'auront pas de peine à être du fentiment » de cet Hiftorien. On voit aufli dans Monfieur le Blanc que l'intention de nos Rois étoit, que le titre de leur Monnoye fût le même que celui auquel les Empereurs vouloient que fuffent leurs efpeces, c'eft-à-dire, que ce titre fût le plus approchant du fin qu'il fe pourroit. S'il fe trouve des fols d'or de nos Rois de bas Aloi, il s'en trouve auffi de tels marqués au coin des Empereurs. Ces fols font l'ouvrage de faux Monnoyeurs ou de Monetaires infideles.

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Enfin la Langue Latine fut toujours une Langue vulgaire, & du moins une des Langues dont fe fervoit l'Etat fous les Rois: Mérovingiens; car pour ne point entrer dans la queftion, s'il eft apparent que Clovis & fes fucceffeurs ayent jamais fait aucun Acte public en Langue Germanique, je me contenterai d'obferver que du moins ils en ont fait un grand nombre en Langue Latine, lefquels nous font demeurés. Tel eft le Traité fait à Andlau, entre le Roi Gontran & le Roi Childebert son neveu l'année cinq cens quatre-vingt-huit. Gregoire de Tours qui nous a donné cet Instrument en entier, obferve que Gontran avant: que de le figner, le fit réciter à haute voix. D'ailleurs ce Traité eft: daté fuivant l'ufage des Romains. Il y eft dit qu'il fut figné un

Mercredi le quatrième jour avant les Calendes de Décembre (4)♪* La donation faite par Clovis à l'Abbaye du Moustiers Saint Jean, eft encore en Latin: celle qu'il fit à l'Abbaye de Mici, est en cette Langue. Bref, nous avons une infinité de Lettres & d'Edits des Rois de la premiere Race, qui font tous en Latin & nous ne fçavons pas qu'on en ait jamais vû aucuns en Langue Tudefque ou Germanique. S'il eft vrai que la Loi Salique & les autres Loix Nationales qui ont été en vigueur fous le regne de ces Princes, ont été rédigées par écrit en Langue Germaniil eft certain d'un autre côté que comme nous l'avons dit, elles furent mifes en Latin prefqu'auffi-tôt.

que,

CHAPITRE X V I.

De l'autorité avec laquelle Clovis & les Rois fes Fils & fes
Petits - Fils ont gouverné.

C

OMME les Rois Mérovingiens avoient fur les Romains des Gaules les mêmes droits que l'Empereur avoit précédemment fur ces mêmes Romains, on ne fçauroit douter que nos Princes n'euffent un pouvoir très-étendu fur cette portion de leur Peuple. L'autorité des Empereurs Romains étoit comme defpotique, & nous l'avons remarqué déja plus d'une fois. Quant aux Allemands comme aux Bourguignons Sujets de nos Rois, c'étoient deux Peuples domptés & affujettis par la force des

armes.

Il femble que l'autorité du Roi ne dût pas être auffi grande fur les Francs qui faifoient une autre partie du Peuple de la Monarchie, parce qu'ils étoient Germains d'origine, & fortis par conféquent d'un Pays où, fuivant l'opinion commune, le pouvoir des Souverains étoit très-limité. On voit néanmoins par notre Hiftoire, que les fucceffeurs de Clovis n'avoient gueres moins de pouvoir fur les Francs que fur les Romains. Il est aisé de concevoir comment ce changement étoit arrivé.

Dès que la Monarchie Françoife eut été établie, nos Rois eurent une infinité de graces à donner. Quel appas pour obliger

(4) Hæc nobis loquentibus pactionem ipfam relegi Rex coram adftantibus jubet. Exemplar pactionis. Cum in Chrifti nomine

eft facta Pactio fub die quarto Calendis Decembris.

Greg. Tur. Hift. Lib. 9. cap. 20.

ceux qui les vouloient obtenir, à fe foumettre aux volontés du Prince D'ailleurs, géneralement parlant, les Francs & les autres Barbares répandus dans les Gaules, devoient être dans chaque Cité en plus petit nombre que les Romains, qui étoient armés auffi-bien que ces Barbares, & qui avoient interêt que tout Habitant du Royaume fût auffi foumis qu'eux à une autorité à laquelle ils obéiffoient en tout. La condition du Romain auroit été par trop dure, s'il eût vécu avec des voifins qui n'euffent point été tenus d'obéir auffi promptement que lui aux volontés du Souverain. Il feroit inutile d'expliquer plus au long combien la portion du Peuple fur laquelle un Prince regne defpotiquement, a interêt que le Prince ait fur tous les autres Sujets la même autorité qu'il a fur elle. Cet interêt eft fenfible. Les Francs épars dans les Gaules, &qui n'étoient plus raffemblés dans un petit canton, comme ils l'étoient lorfqu'ils habitoient encore la Germanie, auront donc été obligés d'obéir au Souverain avec autant de foumiffion que les Romains au milieu defquels ils vivoient.

Une chofe aura encore contribué beaucoup à faciliter aux fucceffeurs de Clovis l'entreprise de se faire obéir exactement par les Francs. C'étoit l'ufage établi dès le tems qu'ils habitoient encore dans la Germanie, & fuivant lequel le Roi jugeoit feul & fans affeffeurs en matiere civile & en matiere criminelle, comme on voit que Clovis jugea, quand il punit le Franc, qui avoit donné un coup de fa hache d'armes fur le vase d'argent que Saint Remi réclamoit. Qui peut empêcher un Prince d'augmenter fon autorité fur une partie de fes Sujets, quand il eft feul leur Juge, & quand ils attendent leur fortune de fes bienfaits, fur-tout dans les commencemens d'une nouvelle Monarchie, & lorfque ces Sujets tirés de leur ancienne Patrie, fe trouvent être tranfplantés au milieu d'autres Sujets accoutumés depuis long-tems à une entiere foumiffion.

Dans le raifonnement que je viens de faire, j'ai bien voulu fuppofer conformément à l'opinion ordinaire, que l'autorité que tous les Rois des Germains avoient fur leurs Sujets, fût un pouvoir très-limité. On pourroit cependant foutenir le contraire fans témerité. Voici, par exemple, ce que dit Velleius Paterculus en parlant de Maraboduus un des Rois des Germains du tems de l'Empereur Augufte. (a) Maraboduus avoit des Gardes

.......

(a) Maraboduus occupavit certum Principatum, vimque regiam.... Corpus ejus cuftoditum. Imperium perpetuis exerTome II.

citiis pænè ad Romanæ difciplinæ formam, redactum. Vell. Paterc. Lib. 2.

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du corps. Il étoit véritablement le Maître dans fes Etats, où tout lui étoit fubordonné, & qu'il gouvernoit prefque comme les Empereurs gouvernent. (4) Tacite en parlant des mœurs des Germains dit: » Les Germains n'ont gueres plus de confidéra» tion pour les Affranchis que pour les Efclaves. Ces Affranchis » ne font employés qu'au fervice domeftique de leur Maître, auprès duquel ils peuvent tout au plus acquerir quelque crédit. "Mais ils n'ont aucune part au gouvernement de la Cité où ils » vivent, fi ce n'eft dans les Etats qui font fous un Roi. Dans » ces Etats-là, on voit des Affranchis devenir importans & s'é» lever au-deffus des Citoyens nés libres, & même au-deffus » des Citoyens des plus anciennes Familles. Quant aux autres »Etats, le peu de confidération qu'on y témoigne pour l'Af

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franchi, eft une des marques de la liberté des Sujets. Croit-on que les Rois qui pouvoient donner tant de confidération aux Efclaves qui avoient trouvé grace devant leurs yeux, fuffent des Princes dont l'autorité fût fi bornée ? Les Tribus des Francs étoient-elles gouvernées en République au-delà du Rhin? Je pourrois encore appuyer cette confidération par un grand nombre de faits tirés de l'Hiftoire Ancienne. Revenons à notre fujet.

Je ne rapporterai que deux preuves de l'autorité abfolue de Rois Merovingiens fur tous leurs Sujets, mais elles font telles, que les Lecteurs qui ont quelqu'idée du Droit public des Nations & de la conftitution des Etats, ne m'en demanderont point davantage. La premiere montrera que le Roi condamnoit à mort, & qu'il faifoit exécuter les plus Grands de l'Etat, sans être affujetti à leur faire leur procès fuivant d'autre forme que celle qu'il lui plaifoit de garder. L'autre fera voir, que nos Rois augmentoient les impots, fans être obligés d'obtenir le confentement de perfonne, & par conféquent qu'ils étoient maîtres abfolus de la levée des deniers.

: Je crois que pour rendre la premiere preuve complette, il fuffira de rapporter deux ou trois exemples de juftices faites par les Rois Merovingiens, & quelques Loix qui fuppofent fenfiblement que ces Princes étoient en droit de juger & de faire exécuter leurs Sujets de toute condition, fans être aftraints à

(a) Liberti non multum fupra fervos funt, rari aliquod momentum in domo, nunquam in Civitate; exceptis duntaxat iis Gentibus quæ regnantur. Ibi enim & fuper Ingenuos

& fuper Nobiles afcendunt. Apud cæteros impares libertini, libertatis argumentum funt. Tacit. de moribus Ger.

(

leur faire auparavant leur procès fuivant une certaine forme. Frédegaire commence la Cronique par l'éloge de la débonnaireté du Roi Gontran. De bonitate Regis Gumtramni. Ce Prince néanmoins ordonna que Chundo, l'un des principaux Seigneurs de l'Etat, fubiroit l'épreuve du Duel pour un cas très-frivole, puifque le crime dont il étoit accufé, n'étoit autre que celui d'avoir tué un Taureau Sauvage. Le fuccès du Duel dont nous avons rapporté l'hiftoire dans le fixiéme Chapitre de ce Livre, n'ayant pas juftifié Chundo, Gontran le condamna d'être affommé à coups de pierre, ce qui fut exécuté. On a vû par le récit de Gregoire de Tours que Gontran jugea feul. Cependant notre Historien ne reproche rien à ce Prince fur la forme du Jugement rendu contre Chundo. Il y a plus. Gontran lorfqu'il vint à fe repentir de ce qu'il avoit fait, ne fe reprocha rien fur la forme de ce Jugement. (4) Ce qu'il regretta, ce fut d'avoir condamné à mort par un premier mouvement & pour un fujet bien leger, un homme fort attaché à fa perfonne & très-capable de fervir fon Souverain. Cela montre bien que Gontran n'avoit pas jugé Chundo d'une maniere extraordinaire & odieufe.

Rauchingus étoit Franc de Nation, puifqu'il fe prétendoit Fils de Clotaire premier, & il étoit employé en qualité de Duc par Childebert le jeune. (b) Cependant lorfque ce Prince le fit mourir comme coupable d'un crime de Léze-Majefté au premier chef, ce fut fans aucune forme de procès. Childebert ayant averé le fait par des informations qui lui paroiffoient apparemment fuffifantes, il manda Rauchingus, l'interrogea dans fa chambre, & il le congedia. Au fortir de ce lieu Rauchingus fut faifi par ceux qui avoient reçû l'ordre de l'exécuter, & qui le firent mourir. Bref, il fut exécuté à peu près comme Meffieurs de Guife le furent à Blois en mil cinq cens quatre-vingt-huit, & comme le Maréchal d'Ancre le fut à Paris en mil fix cens dixfept. Frédegaire dit en parlant de cet évenement. » Dans ce »tems-là Rauchingus, Gontran-Bofon, Urfion, & Bertefre» dus qui étoient des plus grands Seigneurs des États de Chil

(a) Multum fe ex hoc deinceps Rex pœnitens ut fic eum ira præcipitem reddidiffet, ut pro parvulæ caufæ noxa fidelem fibique neceflarium virum tam celeriter interemiffet. Greg. Tur. Hift. Lib. 10. cap. 10.

(b) At ille diligenter inquirens quæ ei nuntiata fuerant, veraque effe cognofcens, arceffiri Reuchingum juflit....

Et ex ipfis divitiis valde fuperbus in tan.

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Ipfo quoque tempore Rauchingus & BoloGuntchrannus, Urfio & Bertifredus Optimates Childeberti Regis eo quod tractaverint eum interficere, ipfo Rege ordinante interfecti funt. . . . .

Fredeg. Chron.cap. 8.

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