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Saint Epiphane, & peut-être la crainte que ce Prince avoit de Clovis, l'engagerent à tomber d'accord peu de tems après, de deux chofes; la premiere, de faire mettre gratuitement en liberté tous les habitans de l'Italie que la famine, d'autres malheurs, ou la crainte des évenemens avoient engagés à venir fe rendre Prifonniers de guerre, & même ceux de ces habitans qui se trouveroient avoir été vendus aux Bourguignons pendant le Gouvernement tyrannique d'Odoacer. La feconde, étoit de faire relâcher moyennant une rançon modique ceux des Sujets de Théodoric qui avoient été pris les armes à la main dans les actions de guerre, où les Bourguignons avoient eu de l'avantage. "Je ne veux point, ajouta Gondebaud, dégouter mon Peuple » de la profeffion de Soldat en lui ôtant fon butin. « (a) Ce Prince fit enfuite expédier en bonne forme un acte de ce qu'il venoit d'octroyer, & il fe fervit pour cela du miniftere de Laconius, un Romain forti d'une famille dans laquelle il y avoit eu plufieurs dignités Curules, & qui faifoit auprès de ce Prince les fonctions d'un Chancelier. L'Acte fut remis à Saint Epiphane qui le fit encore foufcrire à Généve par Godégifile, l'autre Roi des Bourguignons, & il fut enfuite exécuté fuivant fa teneur. Une pareille convention eft un grand acheminement à un Traité de Paix, mais comme Ennodius ne dit point précisement que Saint Epiphane cût terminé pour lors la guerre des Bourguignons contre les Oftrogots, il eft à croire qu'il ne la termina point. Si S. Epiphane eût moyenné cette Paix, fon Panegyrifte n'auroit point manqué de l'en louer avec autant d'emphase, qu'il l'avoit loué à l'occafion du Traité conclu vingt ans auparavant, entre Euric Roi des Vifigots & l'Empereur Julius Népos. Ainfi je crois que la guerre entre les Bourguignons & les Oftrogots duroit encore lorfque, comme nous le verrons, les Oftrogots fe liguerent avec les Francs contre les Bourguignons, en l'année quatre cens quatre-vingt-dix-neuf.

.......

(a) At Gondobadus vocato Laconio cui & rerum & verborum fides ab illo femper tuto mandata eft, quem & prærogativa natalium & avorum Curulis per magiftræ pro bitatis infignia fublimarunt.. Liceat omnibus Italis quofcumque Burgundionum noftrorum metus captivitatis fecit effe captivos, quos famis, neceffitas, quos periculorum metus advexit, poftreino quofcumque conceffit aut addixit consensus Principis fui,

Tome II.

nofter confenfus abfolvat. At paucos quos
ardore præliandi tunc ab adverfariorum do-
minatione rapuerunt, pro illis pretium
quantulumcumque percipiant ne deteftabi-
les apud illos fiant certaminum cafus.....
Fuit Gennabe Epiphanius ubi Godigifelus
germanus Regis larem ftatuerat, qui for-
mam fraternæ deliberationis fecutus, bonis
operibus ejus fe focium dedit.
Ibid. pag. 369.

N

CHAPITRE VIIL

Reduction des Armoriques à l'obeisance de Clovis, & Capitu-
lation des Troupes Romaines avec lui. Epoque tirée du Bap-
teme de Clovis. Qu'il faut lire Armoriques, & non pas
Arboriques, dans l'endroit de l'Hiftoire de Procope, où il eft
fait mention de ces évenemens.

I

Left tems de reprendre le fil de l'Hiftoire de Clovis, & de rapporter ce que nous pouvons fçavoir encore concernant les progres qu'il fit dans les Gaules, immédiatement après son Baptême. Ce fut durant l'année qui le fuivit que les Provinces Confédérees fe foumirent à la domination de ce Prince.

Ce fut auffi dans cette même année que les troupes reglées qui reftoient à l'Empire dans les Gaules, påfferent au fervice du Roi des Saliens, & qu'elles remirent à ce Prince en lui prêtant le ferment de fidelité, les pays qu'elles avoient jusques là gardés au nom de Rome, c'est-à-dire les pays qui font entre la Loire & le Loir, ainfi que quelques contrées adjacentes, & peut-être le Berry; je dis peut-être le Berry, parce qu'il paroît qu'en l'année cinq cens fix le Berry, ou du moins une partie de cette Cité, étoit fous la domination des Vifigots. Tétradius fon EvêSirm. Conc. que eft un de ceux qui ont souscrit les Actes du Concile tenu Gall. tom. pr. dans Agde cette année-là, sous le bon plaifir d'Alaric second. Il se peut faire auffi que le Berry ayant été remis aux Francs dès l'année quatre cens quatre-vingt-dix-fept, Alaric leur en eût enlevé du moins une partie au commencement du sixiéme fiecle, & avant l'année cinq cens fix. Cette occupation aura peut-être été l'une des causes qui fit prendre les armes à Clovis en l'année cinq cens fept contre les Vifigots.

174.

Nous avons vû que c'étoit dans tous ces païs-là que les troupes Romaines s'étoient comme concentrées, parce qu'ils étoient la frontiere des Provinces Obéïffantes & des Provinces Confédérées du côté des Visigots & du côté des Bourguignons. Mais avant que de faire lire ce que Procope a écrit des deux grands évenemens dont je parle, je crois qu'il eft à propos de faire fouvenir le Lecteur de la maniere dont est amenée là digression dans

E

laquelle cet Auteur nous donne l'Hiftoire abregée de l'établiffement de la Monarchie Françoise dans les Gaules.

Procope ayant omis d'expliquer dès le commencement de fon Hiftoire de la guerre commencée par Juftinien en l'année cinq cens trente-cinq contre les Oftrogots d'Italie, en quel état l'Europe fe trouvoit alors, cet Ecrivain fe voit obligé lorsqu'il lui faut parler de la part que les Francs prirent à cette guerre, à faire une digreffion pour expofer qui étoient ces Francs, de quel pays ils étoient fortis, de quelle maniere ils s'étoient rendus maîtres des Gaules, & de quelle maniere enfin ils s'étoient établis dans le voisinage de l'Italie. Ainfi la digreffion de Procope contient un récit abbregé de tout ce que les Franes avoient fait depuis qu'ils eurent commencé à s'établir fur la rive gauche du Rhin qui étoit du territoire de l'Empire, jufqu'à l'année cinq cens trente-fix, qu'ils prirent part à la guerre que Justinien faifoit en Italie contre les Oftrogots.

On peut diviser la digreffion de Procope en deux Chapitres ou en deux Parties, & cela en compofant la premiere du récit de tout ce que firent les Francs depuis leur premier établissement dans les Gaules jufques à l'année cinq cens qu'ils s'allierent avec les Oftrogots contre les Bourguignons; & la feconde Partie, de tout ce qu'ils firent depuis cette alliance jufqu'à l'année cinq cens trente-fix qu'ils s'interefferent dans la querelle de Juftinien avec les Oftrogots.

La premiere partie de la digreffion de Procope fe fubdivife naturellement en deux fections, dont la premiere contient le récit de ce que les Francs avoient fait depuis leur premier établisfement dans les Gaules jufqu'à la réduction des Armoriques. La feconde section de ce premier Chapitre contient & le récit de cette réduction, qui, comme le remarque Procope, fut la principale caufe de l'agrandiffement de Clovis, & le récit de ce qui fe paffa depuis jufqu'à l'alliance de ce Prince avec les Ostrogots en l'année cinq cens.

Quoique j'aye déja rapporté par fragmens la premiere Section du premier Chapitre de la Digreffion de Procope, je crois cependant devoir tranfcrire ici tout ce premier Chapitre en entier. Le Lecteur voyant ainfi d'un feul coup d'œil l'idée génerale que Procope donné des progrès des Francs depuis leur premier établiffement dans les Gaules, jufques - à l'exécution pleine & entiere de la capitulation que firent les troupes Romaines avec eux, il en fera mieux en état de juger fi le plan de mon Ouvrage

quadre avec l'idée que nous donne de la fondation de la Monarchie Francoffe, un Hiftorien qui avoit de la capacité, & qui avoit vá en Italie, ou il étoit Secretaire de Belifaire le General de Juftinien, plufieurs Frañcs & plufieurs Romains contemporains de Clovis.

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» Je vais expliquer quelle étoit la premiere habitation de ces » Francs connus autrefois fous le nom de Germains, de quelle » maniere ils s'etoient rendus maitres des Gaules, & ce qui les » avoit fait devenir ennemis des Ostrogots. « Procope commence enfuite cette expofition par donner une notion generale de la Partie Occidentale de l'Europe, & dès qu'il l'a donnée, il continuë ainfi: » Le Rhin avant que de fe jetter dans l'Ocean » forme plufieurs marécages, ou habitoient autrefois les Ger» mains connus aujourd'hui sous le nom de Francs. Cette Na»tion étoit encore peu célebre dans ces tems-la. Elle confinoit » d'un côté avec les Armoriques, qui de même que tous les au» tres Peuples des Gaules & de l'Espagne, avoient été dans les »tems précedens Sujets de l'Empire Romain. A l'Orient des Armoriques habitoient les Turingiens, Nation Barbare, à qui Octavius Cefar, le premier des Empereurs qui ait porté » le nom d'Augufte, avoit permis de s'établir dans cette Con»trée. En marchant du côté du Midi, on trouvoit à quelque » distance du Pays des Turingiens, les Provinces que tenoient » les Bourguignons. Plus avant dans les Gaules, c'est-à-dire, plus près de la rive gauche du Rhin que ne l'est le Pays des Turingiens, étoit la contrée tenue par les Suéves & par les Allemands, Nations libres, puiffantes & qui ne reconnoif" foient point l'Empire. Il étoit encore arrivé que les Vifigots » avoient envahi le territoire de l'Empire Romain & qu'après plufieurs hoftilités, ils s'étoient rendus les Maîtres & même » Souverains de l'Espagne, & de celles des Provinces des Gau"les qui font au Couchant du Rhône. Les Armoriques néan>> moins étoient demeurés les Alliés des Romains (4) ausquels

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n

(a) Militabant id tempus Armorici Romani quos Franci ut vicinos fibi & Politeia antiquæ defertores, fua fubjura trahere volentes, populatione omnibufque belli injuriis vexare, per quæ nihil concuffa in Romanos fide, Armorici viros fe in eo bello præftitere. Cum vis non procederet, Franci cos fibi foederibus & connubiis alligare aggrediuntur. Volentibus id Armoricis fuit: Chriftiani enim & hi & illi erant. Ita in

|

unam gentem coaliti magna incrementa virium fumpfere. A Romanis milites alii ad tutandos Galliarum fines mifi, cum non viderent viam redeundi Romam neque hoftibus Ariano dogmate contactis vellent ac cedere, fe cum fignis & cum quam tenebant regione Armoricis & Francis ita dedere ut fua fervarent, morefque prifcos retinerent, permanentque ad noftra ufque tempora, nam & hodie cognofcuntur legionum in

» ils fourniffoient des troupes auxiliaires. Les Francs qui confi-
>> noient avec les Armoriques, voulurent fe prévaloir des trou-
»bles qui furviennent ordinairement dans un Etat où l'on a
» introduit une nouvelle forme de gouvernement, afin de les
» foumettre à leur domination. D'abord les Francs fe conten-
>> terent de vexer les Armoriques par des courfes, afin de les
» amener au but; mais voyant bien que ces incurfions ne fuffi-
»roient point pour cela, ils leur firent la
guerre dans toutes les
>>>formes. Tant qu'elle dura, les Armoriques montrerent beau-
95 coup de courage & d'attachement aux interêts de l'Empire.
» Enfin les Francs s'étant convaincus qu'ils ne pouvoient point
» exécuter leur projet par la voie des armes, ils eurent recours
à celle de la négociation, & ils leur propoferent d'unir leurs
» deux Nations par une alliance qui les rendît en quelque forte
un feul & même Peuple. La propofition fut acceptée, parce
» que les Francs qui la faifoient étoient Chrétiens, & que les
Armoriques à qui on la faifoit étoient auffi Chrétiens, & la
puiffance où cette Nation jumelle fe trouve parvenue aujour-
» d'hui, eft le fruit de l'union dont je parle. (a) Les troupes
» Romaines qui étoient poftées fur la frontiere du pays que
l'Empire tenoit encore dans les Gaules, fe voyant ainfi cou-
pées & ne pouvant pas d'un autre côté fe réfoudre à fe jetter
» entre les bras des Ariens à qui elles faifoient tête, elles pri-
»rent le parti de capituler avec les Francs & les Armoriques,
au fervice de qui elles pafferent, & à qui elles remirent le Pays
» confié à leur garde. Les Soldats de ces troupes conferverent
» la maniere de faire le service en ufage dans la Milice Romai-
»ne, & même ceux qui les ont remplacés, obfervent encore

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» aujourd'hui cette difcipline. Lorfqu'ils font commandés, c'eft vid. Procop. toujours felon l'ordre reglé dans l'ancienne Matricule, & ils Hoefchelii, »ne marchent que dans les cas où ceux à la place defquels ils pag. 184. » font enrollés, auroient été en tour de marcher. Quand ces

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