Page images
PDF
EPUB

choisir des coopérateurs. Eh! qui poffédoit toutes ces qualités à un plus haut degré que Charlemagne ? La Providence seconda fes deffeins: il éclaira fon peuple & le rendit heureux. Au milieu de tant de foins & de peines qu'exigeoit de lui l'intérieur de fon Royaume, fon zèle infatigable ne se laffa jamais. Prefque toujours en guerre, fes armes étoient par-tout victorieuses. Son régne, pendant quarante-fix ans, ne fut qu'une longue fuite de victoires & de conquêtes, & il n'en eft point de plus mémorable dans l'Hiftoire.

Voilà le fage Légiflateur, le grand Guerrier, le Politique habile, le Monarque qui porta la gloire de la France à fon comble, qui gouverna fes peuples par les plus fages Loix, qui fit triompher le Chriftianisme chez les Peuples barbares, protégea les Sciences & les Arts, que tous les Hiftoriens, foit contemporains & témoins des merveilles de fon régne, foit des fiécles fuivans ne fe laffent point d'admirer; que les Savans révèrent comme

le Père des Lettres, que l'Églife a mis au rang des Saints; voilà, dis-je, le Héros, qu'un Historien infidèle, cynique à la fois & frivole, ne prodiguant l'encens qu'aux Princes impies & apoftats, prend à tâche de rabaisser & de peindre fous les couleurs les plus fauffes, & dont il noircit la réputation, en difant, qu'elle est une des plus grandes preuves que les fuccès juftifient l'injuftice & donnent la gloire. Il va plus loin, il injurie groffièrement un Hiftorien eftimé de nos jours (a); parce qu'il appele Charlemagne, religieux Monarque, ornement de l'humanité.

Qu'il nous foit permis de démontrer ici la mauvaise foi de ce dangereux Écrivain, pour prévenir tout Lecteur fuperficiel ou peu inftruit, contre les preftiges de fon style, & les illusions de son esprit impofteur. Il ofe attribuer à Charlemagne l'inftitution de la Cour Weimique (1), ou autre

(1) Voyez Euvres complettes de Voltaire, de l'Édition in-8°, aux frais de M. de Beaumarchais, Tom. XVI, qui eft le Tom. 1" de l'Effai fur les

(a) L'Abb

Vély.

ment, du Tribunal fecret de Weftphalie Jurifdi&tion de fang, qui fait horreur, & à laquelle préfidoient des Bourreaux, plu

Mours & l'Esprit des Nations, &c. Chap. XV, pag. 397, où Voltaire après avoir dit que Charles joignit à fa politique, la cruauté de faire poignarder par des efpions, les Saxons qui vouloient retourner à leur culte (voilà donc Charles affaffin, & qui fait poignarder les Saxons par des efpions). Voltaire continue ainfi : il inftitua une Jurifdiction plus abomi

30

nable que l'Inquifition ne le fut depuis: c'étoit la » Cour Veimique, ou la Cour de Weftphalie, dont »le Siége fubfifta long-temps dans le Bourg de Dortmund. Les Juges prononçoient peine de » mort fur des délations fecrettes, fans appeler les » accufés. On dénonçoit un Saxon, poffeffeur de quelques beftiaux, de n'avoir pas jeûné en Carême; » les Juges le condamnoient, ET ON ENVOYOIT DES ASSASSINS qui l'exécutoient & faififfoient fes vaches. Cette Cour étendit bientôt fon pou» voir fur toute l'Allemagne. Il n'y a pas d'exemple » d'une telle tyrannie; & elle étoit exercée fur des Peuples libres. Daniel ne dit pas un mot de cette » Cour Veimique; & Vely, qui a écrit fa féche Hiftoire, n'a pas été inftruit de ce fait fi public: » & il appele Charlemagne, religieux Monarque, A ornement de l'humanité. C'est ainsi parmi nous,

[ocr errors]

زو

"

tôt que des Juges. Sur quelle autorité 'peut-il fe fonder, pour foutenir fon affertion, quand tous les Hiftoriens depuis

[ocr errors]

que des Auteurs, gagés par des Libraires, écrivent » l'Hiftoire ». Peut-on, en fi peu de lignés, entaffer plus de fauffetés, d'impoftures & de menfonges qui ne font foutenus par aucune autorité? Mais Voltaire ne cite jamais.

< Voici la note des Éditeurs fur cet article: c'est la 25. « On peut voir, dans les Capitulaires, la Loi » (c'est le fameux Capitulaire de Partibus Saxonia) par laquelle Charles établit la peine de mort contre les Saxons qui fe cacheront pour ne point venir » au Baptême, ou qui mangeront de la chair en Carême. DES FANATIQUES IGNORANS, ont nié » l'existence de cette Loi, que Fleury a eu la bonne foi de rapporter. Quant au Tribunal Veimique, établi par Charlemagne, on peut confulter l'Article Tribunal fecret de Weftphalie, dans l'Encyclopédie, Tom. XVI, (les Éditeurs fe trompent, c'est le Tóm. XXXIV). » On a eu foin d'y citer les Hiftoriens & les Publicistes Allemands qui ont parlé de CETTE PIEUSE INSTITUTION DE SAINT CHARLES "MAGNE ». Le Rédacteur de l'Article Tribunal fecrét de Weftphalie dans l'Encyclopédie, Tom. XXXIV, Édition in-4o, Genève, 1778, pag. 164, feconde colonne, n'eft pas auffi hardi que Meffieurs les

le VIII jufques vers le milieu du XIV fiécle, gardent le plus profond filence fur l'origine & l'établissement de cette Jurif

Éditeurs des Œuvres de Voltaire; car voici comme il s'exprime: Tribunal fecret de Weftphalie (hift. m.) C'est le nom d'un Tribunal affez femblable à celui de l'Inquifition, qui fut, DIT-ON, établi par Charlemagne & Léon III, pour forcer les Saxons à fe convertir au Chriftianifme. A lire la note des Éditeurs, on croit trouver une foule de citations & d'autorités, pour prouver que Charlemagne est le créateur du Tribunal fecret de Weftphalie, & le tout le réduit à un DIT-ON, & à deux Auteurs, cités, favoir: Aneas Sylvius, qui donne la description de ce Tribunal, tel qu'il étoit de fon temps, & ne dit pas un mot de Charlemagne; & Léibnitz, qui rapporte comme un conte (UT FERTUR) la manière dont Charlemagne établit ce Tribunal, l'ambaffade & la réponse muette du Pape Léon III à l'Envoyé de Charlemagne : « puifqu'il fe leva fans proférer une

دو

parole, & alla dans son jardin, où ayant ramaffé » des ronces & de mauvaises herbes, les fufpendit à un gibet qu'il avoit formé avec de petits bâtons. » L'Envoyé, à fon retour, rapporte à Charles ce qu'il avoit vu, & celui-ci inftitua le Tribunal, qui s'appele jufqu'à ce jour Venia ou Vemia». Aft fanctus Vir auditâ legatione, nihil prorfus refpondit;

[ocr errors]
[ocr errors]
« PreviousContinue »