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Certainement ce ne seront pas les livres et les journaux qu'il ne lit pas, et qui d'ailleurs, tels qu'ils lui sont offerts, ne peuvent que l'égarer davantage. Ce ne seront pas les lois qu'il méprise et dont il secoue le joug, toutes les fois qu'il peut le faire impunément. Ce ne seront pas les magistrats qu'il ne respecte plus et auxquels il n'obéit que par contrainte. Ce ne sera pas la force matérielle dont dispose le pouvoir : car, qu'estelle auprès de celle que possède le peuple et dont on lui a si bien appris l'usage pour renverser tout ce qui fait obstacle à ses passions? Ce ne sera pas la force morale: car où la trouver aujourd'hui dans ce scepticisme général où vont se perdre tous les principes comme toutes les vertus? Qu'estce donc qui raffermira la société ébranlée jusque dans ses fondemens?

Le clergé seul peut encore opérer ce prodige. Ne cessons pas de le répéter, parce que c'est la vérité fondée sur l'expérience des siècles : le peuple ne peut être éclairé, dirigé, conduit que par l'autorité religieuse, et le clergé seul est capable de l'arracher aux illusions de l'impiété et à l'esprit d'anarchie

qu'elle inspire, et de le ramener à l'amour de l'ordre et au respect des lois, en le remettant entre les bras de la religion de ses pères.

Mais ce clergé, que peut-il faire dans la position d'avilissement que le nouveau régime lui a faite? Dépouillé, dégradé aux yeux du peuple, quel ascendant peut-il avoir sur son esprit? Dans une telle position, n'estil pas visiblement dans l'impuissance d'accomplir sa sublime mission?

Voulez-vous guérir le mal terrible qui nous travaille, et raffermir la société ébranlée? Il ne vous reste qu'un seul moyen: rendez au clergé des campagnes sa force et son influence, en lui rendant, avec son nom et son titre, tous les droits dont on l'a si injustement et si maladroitement dépouillé.

Alors, fort de son inamovibilité, à l'abri des mépris du peuple par sa dignité, au-dessus de ses caprices par sa position, possédant enfin une existence et assuré d'un avenir, vous lui verrez opérer parmi nous des prodiges qui vous étonneront. Bientôt l'impiété, vaincue dans son dernier refuge, fuira loin de nos campagnes; l'esprit de bouleversement et de révolte cessera de les désoler; la

religion de Jésus-Christ, qui en est maintenant exilée, avec la dignité de ses ministres, viendra y ressaisir ses droits, y exercer sa puissante influence, et y répandre, avec l'amour de l'ordre, la paix et le bonheur.

Mais il importe surtout de se hâter: car le mal est monté à tel point que le moindre délai peut le rendre incurable. Citoyen obscur et sans rapport avec le pouvoir, il ne nous appartient pas de lui tracer sa marche; nous ne pouvons que l'avertir en rappelant ici la formule célèbre des Romains quand la patrie était en danger: Videant consules ne respublica aliquod detrimentum patiatur.

CHAPITRE VII.

Examen des raisons qu'on pourrait alléguer pour rester encore sous le nouveau régime, et différer de revenir à l'ancienne discipline.

Nous croyons l'avoir prouvé, démontré : le nouveau régime ecclésiastique, introduit en France par les articles organiques, est contraire à la nature des choses, à la raison au bon sens, à l'expérience des siècles. Il est en opposition directe avec l'esprit de l'Église, avec toute la tradition, avec la pratique actuelle de toute la catholicité. Il met l'Église gallicane hors du droit commun, et, sous le rapport de la discipline, il la sépare de la grande unité. Révolutionnaire dans son origine, illégitime dans son établissement, flé

tri par la condamnation du souverain pontife, il est encore repoussé par tout le corps épiscopal français; par les cardinaux archevêques et évêques, qui, opprimés, asservis sous ce régime que leur impose une domination étrangère et tyrannique, déclarent hautement, dans leur lettre au pape, du 30 mai 1819, que, dans un temps donné, plus court peut-être que celui qui a marqué l'usurpation, l'Eglise de France tombera pour ne plus se relever. Ce régime a isolé l'épiscopat, rompu la plupart des liens qui l'unissaient à son chef, énervé son autorité, paralysé son action. Il a divisé, dégradé, avili le clergé du second ordre; il a détruit la belle institution des curés ruraux; il a fait à la religion, dans notre patrie, une plaie profonde et peut-être incurable; il la détruirait même en se prolongeant, et entraînerait dans la même ruine l'ordre social. En un mot, il est essentiellement mauvais et marqué du caractère ineffaçable de la réprobation générale.

Comment, avec ce caractère, a-t-il pu subsister aussi long-temps? D'abord on conviendra que sous l'empire il ne pouvait point être changé : l'empereur ne l'eût jamais souf

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