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PRÉFACE DE 1837

L'ère nationale de la France est le XIV siècle. Les États Généraux, le Parlement, toutes nos grandes institutions, commencent ou se régularisent. La bourgeoisie apparaît dans la révolution de Marcel, le paysan dans la Jacquerie, la France elle-même dans la guerre des Anglais.

Cette locution: Un bon Français, date du xive siècle. Jusqu'ici la France était moins France que chrétienté. Dominée, ainsi que tous les autres États, par la féodalité et par l'Église, elle restait obscure et comme perdué dans ces grandes ombres... Le jour venant peu à peu, elle commence à s'entrevoir elle-même.

Sortie à peine de cette nuit poétique du moyen âge, elle est déjà ce que vous la voyez peuple, prose, esprit critique, anti-symbolique.

Aux prêtres, aux chevaliers, succèdent les légistes; après la foi, la loi.

Le petit-fils de saint Louis met la main sur le pape et

détruit le Temple. La chevalerie, cette autre religion, meurt à Courtrai, à Crécy, à Poitiers.

A l'épopée succède la chronique. Une littérature se forme, déjà moderne et prosaïque, mais vraiment française point de symboles, pou d'intages; ce n'est que grâce et mouvement.

Notre vieux droit avait quelques symboles, quelques formules poétiques. Cette poésie ne comparait pas impunément au tribunal des légistes. Le Parlement, ce grand prosateur, la traduit, l'interprète et la tue.

Au reste, le droit français avait été de tout temps moins asservi au symbolisme que celui d'aucun autre peuple. Cette vérité, pour être négative dans la forme, n'en est pas moins féconde. Nous n'avons point regret au long chemin par lequel nous y sommes arrivés. Pour apprécier le génie austère et la maturité précoce de notre droit, il nous a fallu mettre en face le droit poétique des nations diverses, opposer la France et le monde.

-

Cette fois donc, la symbolique du droit . Nous en chercherons le mouvement, la dialectique, lorsque notre drame national sera micux noué.

Ce volume fut publié, dans sa première é lition, en même temps que nos Origines du droit français, trouvées dans les symboles et formules.

HISTOIRE

DE FRANCE

LIVRE V

CHAPITRE PREMIER

Vepres siciliennes.

Le fils de saint Louis, Philippe le Hardi, revenant de cette triste croisade de Tunis, déposa cinq cercueils aux caveaux de Saint-Denis. Faible et mourant lui-même, il se trouvait héritier de presque toute sa famille. Sans parler du Valois qui lui revenait par la mort de son frère Jean Tristan, son oncle Alphonse lui laissait tout un royaume dans le midi de la France (Poitou, Auvergne, Toulouse, Rouergue, Albigeois, Quercy, Agénois, Comtat). Enfin, la mort du comte de Champagne, roi de Navarre, qui n'avait qu'une fille, mit cette riche héritière entre les mains de Philippe, qui lui fit épouser son fils.

Par Toulouse et la Navarre, par le Comtat, cette grande puissance regardait vers le midi, vers l'Italie et l'Espagne.

Mais, tout puissant qu'il était, le fils de saint Louis n'était pas le chef véritable de la maison de France. La tête de cette maison, c'était le frère de saint Louis, Charles d'Anjou. L'histoire de France, à cette époque, est celle du roi de Naples et de Sicile. Celle de son neveu, Philippe III, n'en est qu'une dépendance.

Charles avait usé, abusé d'une fortune inouïe. Cadet de France, il s'était fait comte de Provence, roi de Naples, de Sicile et de Jérusalem, plus que roi, maître et dominateur des papes. On pouvait lui adresser le mot qui fut dit au fameux Ugolin. «Que me manque-t-il? demandait le tyran de Pise. Rien la colère de Dieu. »>

que

On a vu comment il avait trompé la pieuse simplicité de son frère, pour détourner la croisade de son but, pour mettre un pied en Afrique et rendre Tunis tributaire. Il revint le premier de cette expédition faite par ses conseils et pour lui; il se trouva à temps pour profiter de la tempête qui brisa les vaisseaux des croisés, pour saisir leurs dépouilles sur les rochers de la Calabre, les armes, les habits, les provisions. Il attesta froidement contre ses compagnons, ses frères de la croisade, le droit de bris, qui donnait au seigneur de l'écueil tout ce que la mer lui jetait.

C'est ainsi qu'il avait recueilli le grand naufrage de l'Empire et de l'Église. Pendant près de trois ans, il fut comme pape en Italie, ne souffrant pas que l'on nommât un pape après Clément IV. Clément, pour vingt mille pièces d'or que le Français lui promettait de revenus, se trouvait avoir livré, non-seulement les Deux-Siciles, mais l'Italie entière. Charles s'était fait nommer par lui sénateur de Rome et vicaire impérial en Toscane. Plaisance, Crémone, Parme, Modène, Ferrare et Reggio, plus tard même Milan, l'avaient accepté pour seigneur, ainsi que plusieurs villes du Piémont et de la Romagne. Toute la Toscane l'avait choisi pour pacificateur. « Tuez-les tous, » disait ce pacificateur

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