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étoient plusieurs compaignons à pied, comme du nombre de douze à quatorze, nul desquels il ne connaissoit, lesquels tenoient les uns des espées toutes nues, les autres haches, les autres becs de faucon, et massues de bois ayans piquans de fer au bout, et desdits harnois féroient et frappoient sur aucuns qui estoient en la compagnie, disans tels mots : « A mort, à mort! Et qu'il est vrai que lors, il qui parle, pour mieux voir qui estoicnt iceux compagnons, alla ouvrir le guichet de la porte qui a issue en ladite Vieille rue du Temple... Et ainsi qu'il ouvrit ledit guichet de ladite porte, on bouta un bec de faucon entre ledit guichet et la porte, dont lors il qui parle, pour double qu'on ne lui fit mal dudit bec de faucon referma ledit guichet et s'en retourna en la chambre dudit son maître, par l'une des fenestres de laquelle il vit aucuns compaignons qui étoient montés sur chevaux emmi la rue, et si veid sortir d'icelui hôtel, cinq ou six compagnons tous montés sur chevaux, qu'incontinent qu'ils furent sortis, un homme de pied près d'iceux, féri et frappa d'une massue de bois un homme qui étoit tout étendu sur les carreaux, et revêtu d'une houppelande de drap de damas noir, fourrée de martre; et quand il cut frappé ledit coup, il monta sur un cheval et se mit en la compagnie des autres... Et incontinent après ledit coup de massue ainsi donné, il qui parle veid tous lesdits compagnons qui étoient à cheval eux en aller et fouir le plustôt qu'ils pouvoient sans aucune lumière, droit à l'entrée de la rue des Blancs-Manteaux en laquelle ils se bouterent, et ne sait quelle part ils allerent. Incontinent qu'ils s'en furent allés, lui estant encore à ladite fenestre, vit sortir par les fenestres d'en haut dudit hôtel de l'image Notre-Dame, grande fumée, et si ouit plusieurs des voisins qui crioient mouit fort: Au feu, au feu! Et lors lui qui parle, ledit son maître et les autres dessus nommés, allerent tous emmi la rue, eux étans en laquelle, il qui parle veid à la clarté d'une ou deux torches, ledit feu monseigneur d'Orléans qui étoit tout étendu mort sur les carreaux, le ventre contremont, et n'avoit point de poing au bras senestre... et si veid qu'environ le long de deux toises près dudit feu monseigneur le duc d'Orléans, étoit aussi étendu sur les carreaux un compagnon qui estoit à la cour dudit feu M. le

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duc d'Orléans, appelé Jacob, qui se complaignoit moult fort, comme s'il vouloit mourir. » Déposition du varlet Raoul Prieur, Mém. Acad., t. XXI, p. 529.

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Selon un autre récit, le grand homme au chaperon rouge, etc...

< Cadaver ignominiose traxit ad vicinum foetidissimum lutum, ubi, cum face straminis ardente, scelus adimpletum vidit; inde lætus, tanquam de re bene gesta, ad hospitium ducis Burgundiæ rediit. Religieux de Saint-Denis, ms., folio 553. — V. dans les Preuves de Félibien, le récit des Registres du Parlement, Conseil, XIII.

86 - page 101 terreur générale...

Ces pauvres restos furent portés, parmi la

Cette terreur ne paraît que trop dans le peu de mots qu'on écrivit le lendemain sur les registres du Parlement. Preuves de Félibien, t. II, p. 549. Les gens du Parlement paraissent sentir, avec la sagacité de la peur, qu'un tel coup n'a pu être fait que par un homme bien puissant. Ils ne disent rien de favorable au mort: Ce prince qui si grand seigneur estoit et si puissant, et à qui naturellement, au cas qu'il eust fallu gouverneur en ce royaume, appartenoit le gouvernement, en si petit moment a finé ses jours moult horriblement et honteusement. Et qui ce a faict, scietur autem postea. › Plus tard, on apprend que le meurtrier est le duc de Bourgogne, et le Parlement fait écrire sur ses registres les lignes suivantes, où le blâme est partagé assez également entre les deux partis. « XXIII novembris M CCCC VII inhumaniter fuit trucidatus et interfectus D. Ludovicus Franciæ, dux Aurelianensis et frater regis, multum astutus et magni intellectus, sed nimis in carnalibus lubricus, de nocte hora IX per ducem Burgundiæ, aut suo præcepto, ut confessus est, in vico prope portam de Barbette. Unde infinita mala processerunt, quæ diu nimis durabunt. » Registres du Parlement, Liber consiliorum, passage imprimé dans les Mélanges curieux de Labbe, t. II, p. 702-3.

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Les Célestins avaient été fondés par Pierre de Morone (Célestin V), ce simple d'esprit qui fut déposé du pontificat par Boniface VIII. En haine de Boniface, Philippe le Bel honora les Célestins, les fit venir en France, les établit dans la forêt de Compiègne (1308). Cet ordre devint très-populaire en France. Tous les hommes importants du temps de Charles V et de Charles VI furent en intime relation avec cet ordre. Montaigu fit beaucoup de bien aux Célestins de Marcoussis. Archives, L. 1539-1540.

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les amis...

Tout le monde pleurait, les ennemis comme

Monstrelet, serviteur de la maison de Bourgogne, qui écrit à Cambrai (en la noble cité de Cambrai, t. I, p. 48), et certainement plusieurs années après l'é, énement, assure que le peuple se réjouit de cette mort. Le Religieux de Saint-Denis, ordinairement si bien informé, si près des événements, et qui semble les enregistrer à mesure qu'ils arrivent, ne dit rien de pareil. Il assure que le meurtrier lui-même parut affligé (folio 553); il ne croit pas, il est vrai, à la sincérité de cette douleur. Moi, j'y crois, cette contradiction me paraît être dans la nature. L'apologiste du duc d'Orléans dit que le duc de Bourgogne pleurait et sanglotait: Singultibus et lacrymis. Ibidem, folio 593.

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Hier tout cela, aujourd'hui plus rien... Et lui qui estoit le plus grant de ce royaume, après le Roy et ses enfans, est en si petit de temps, si chétif. Et qui cecidit, stabili non erat ille gradu. Agnosco nullam homini fiduciam, nisi in Deo; et si parum videatur, illuscescat clarius... Parcat sibi Deus. » Archives. Registres du Parlement. Plaidoiries, Matinées, VI. f. 7 verso.

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Selon l'apologiste du duc d'Orléans (Religieux de SaintDenis, ms., folio 594), il disait tous les jours le bréviaire:

« Horas canonicas dicebat. »« Il avoit, dit Sauval, sa cellule dans le dortoir des Célestins, laquelle y est encore en son entier. I jeùnoit, veilloit avec les religieux, venoit à matines comme eux durant l'Avent et le Carême. Ce prince leur a donné la grande Bible en vélin, enluminée, qui avoit été à son père Charles V, et qu'on voit dans leur bibliothèque, signée de Charles V et de Louis, duc d'Orléans. Il leur donna aussi une autre grande Bible en cinq volumes in-folio, écrite sur le vélin, qui a toujours servi et sert encore pour lire au réfectoire. Sauval, t. I, p. 460.

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. Considérant le mot du prophète : Ego sum vermis et non homo, opprobrium hominum et abjectio plebis; je veux et ordonne que la remembrance de mon visage et de mes mains soit faite sur ma tombe en guise de mort, et soit madicte remembrance vêtue de l'habit desdicts religieux Célestins, ayant dessous la tête au lieu d'oreiller une rude pierre en guise et manière d'une roche, et aux pieds, au lieu de lyons... une autre rude roche... Et veux... que madicte tombe ne soit que de trois doigts de haut sur terre, et soit faicte de marbre noir eslevée et d'albâtre blanc..., et que je tienne en mes deux mains un livre où soit escrit le psaume: Quicumque vult salvus esse... Autour de ma tombe soient escrits le Pater, l'Ave et le Credo. Testament de Louis d'Orléans, imprimé par Godefroy, à la suite de Juvénal des Ursins, p. 633.

CY GIST LOYS DUC DORLEANS...
LEQUEL SUR TOUS DUCZ TERRIENS
FUT LE PLUS NOBLE EN SON VIVANT
MAIS UNG QUI VOULT ALLER DEVANT
PAR ENVYE LE FEIST MOURIR...

Epistaphe de feu Loys, duc d'Orléans. Bibl. royale, mss. Colbert, 2403; Regius, 9681, 5.

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Hinc surrectura ...

Cette inscription, la plus belle peu être qu'on ait jamais lue

sur une tombe chrétienne, a été placée par mon ami, M. Fourcy (bibliothécaire de l'École polytechnique), sur celle de sa mère.

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Lope parle seulement de la translation du corps: « Como foi trellada Dona Enez, etc. » Collecção de livros ineditos. 1816, t. IV, p. 113. M. Ferdinand Denis, dans ses intéressantes Chroniques de l'Espagne et du Portugal, t. I, p. 157, cite le texte principal (de Faria y Souza), qui appuie la tradition. Un savant Portugais, M. Corvalho, assurait avoir vu, il y a quelques années, le corps d'Inès bien conservé: « Seulement la peau avait pris le ton du vélin bruni par le temps... (Ibidem, t. I, p. 163). M. Taylor, en 1835, n'a plus trouvé que des ossements dispersés sur les dalles du couvent d'Alcobaça, et il les a pieusement inhumés. Voyage pitt. en Espagne et en Portugal, 1. XIII. - Je trouve encore dans les Chroniques, traduites par M. Ferdinand Denis (t. I, p. 78), un fait curieux qui caractérise, autant que l'histoire d'Inès, le matérialisme poétique de ces temps, c'est l'histoire du bon vassal qui ne veut pas rendre son château au nouveau roi avant de s'assurer de la mort de son maître Sanche II. Il va à Tolède, où Sanche était mort exilé, enlève la pierre, reconnaît le mort, et accomplit son serment féodal en lui remettant au bras droit les clefs du château qu'il lui a autrefois confiées.

94-page 106 - Les tombeaux de la Scala...

In terra, e meze sepolte, son prima tre arche di marmo nostrale, quali non si sa per qual di questa casa servissero, poichè non hanno iscrizione alcuna; ben anno l'arme sopra i coperchi, e nel mezo di uno si vede la scala con aquila sopra,

E'n su la scala porta il santo ucello..

Dante, Parad., XVII, 72. Maffei, Verona illustrata, parte terza, p. 78, éd. in-folio.

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page 106 - La tombe de l'assassiné...

Si ma mémoire ne me trompe, il y a près de là, dans Vérone,

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