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Si l'une des deux choses promises n'était pas susceptible d'être l'objet de l'obligation contractée, il ne resterait à cette obligation qu'un seul objet; et dès lors elle serait pure et simple. Le débiteur ne pourrait pas exciper de ce qu'il comptait sur un choix qui n'existait pas. S'il a regardé comme pouvant être l'un des objets de l'obligation ce qui n'en était pas susceptible, c'est un fait qu'il ne peut imputer au créancier, à moins qu'il n'y ait fraude de la part de ce dernier.

Lorsque l'une ou l'autre de deux choses a été promise il y a incertitude sur celle des choses qui sera délivrée au créancier, et de cette incertitude il résulte qu'aucune propriété n'est transmise au créancier que par le paiement de l'une des choses. Jusqu'alors cette propriété reste sur la tête et conséquemment aux risques du débiteur.

Si l'une des choses ou si les deux périssent, il faut distinguer le cas où, soit par le silence de l'acte, soit par convention, le débiteur a le choix, et le cas où ce choix a été réservé au créancier.

Dans la première hypothèse, celle où le débiteur a le choix, si l'une des deux choses périt ou ne peut plus être livrée, l'obligation devient pure et simple, et n'a plus pour objet que la chose existante. Il en résulte que, dans ce cas, il ne doit pas offrir le prix de la chose périe au lieu de celle qui existe; et réciproquement le créancier ne pourrait pas exiger qu'au lieu de la chose existante on lui donnât le prix de celle qui est perie : cette prétention ne serait pas fondée, lors même que la perte de l'une de ces choses serait arrivée par la faute du débiteur, parce que celui-ci ayant le choix le créancier ne peut, même dans ce cas, se plaindre de ce que l'obligation, d'alternative qu'elle était, soit devenue pure et simple.

Si lorsque le débiteur a le choix les deux choses sont péries, il est encore indifférent que ce débiteur soit en faute à l'égard de l'une d'elles, ou même à l'égard des deux, puisqu'il résulte également de ce que l'obligation était devenue

pure et simple par la perte de la première chose, que c'est le prix de la chose qui est périe la dernière que le débiteur doit payer, comme il eût dû cette chose si elle n'était pas périe.

Le débiteur doit alors payer le prix de la chose qui est périe la dernière, dans le cas même où il ne serait pas en faute à l'égard de cette chose, mais seulement à l'égard de celle qui est perie la première, parce que cette faute causerait un préjudice évident au créancier si cette seconde chose étant périe il n'avait aucun recours. En donnant à celui-ci le prix de la dernière chose périe on maintient à la fois la règle suivant laquelle la convention, d'alternative qu'elle était, est devenue pure et simple, et la règle qui rend chacun responsable de sa faute.

Lorsque le créancier s'étant réservé le choix se trouve dans 1194 le cas où l'une des choses seulement est périe, il faut examiner si c'est par la faute ou sans la faute du débiteur.

Si le débiteur n'est pas en faute, et il serait en faute s'il était en demeure, le créancier doit avoir la chose qui reste. Il ne peut pas réclamer le prix de celle qui est périe, parce qu'elle a cessé d'être l'objet de l'obligation sans que le débiteur ait manqué à la bonne foi.

Si celui-ci est en faute le créancier est fondé à demander soit la chose qui reste, comme étant l'objet direct de l'obligation, soit le prix de la chose périe, comme étant la juste indemnité de la faute du débiteur.

Lorsque les deux choses sont péries, et que le débiteur est en faute, soit à l'égard des deux, soit à l'égard de l'une d'elles, le créancier peut demander le prix de l'une ou de l'autre à son choix. Le motif est que, dans le cas même où le débiteur n'est en faute qu'à l'égard de l'une des choses, il doit répondre de ce que cette faute a privé le créancier du choix entre les deux choses, et cette indemnité doit être dans le choix laissé au créancier de demander le prix de l'une ou de l'autre des choses péries.

Dans tous les cas, soit que le débiteur ait le choix, soit

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qu'il ait été réservé au créancier, si les deux choses sont péries sans la faute du débiteur l'obligation est éteinte, suivant les principes qui seront ci-après expliqués.

1196 Les mêmes principes s'appliquent au cas où il y a plus de deux choses comprises dans l'obligation alternative.

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Des Obligations solidaires.

Une quatrième modification des obligations est la solidarité soit à l'égard des créanciers, soit de la part des débiteurs. De la Solidarité entre les créanciers.

Lorsque quelqu'un est obligé à une même chose envers plusieurs personnes, chacune d'elles n'est créancière que pour sa part: tel est l'effet ordinaire d'une pareille obligation. Mais si, par une clause particulière, le titre donne à chacun de ces cocréanciers le droit de demander le paiement du total de la créance, de manière que, par le paiement entier fait à l'un d'eux, le débiteur soit libéré envers les autres, il y a solidarité d'obligation. Ces créanciers sont nommés en droit correisti pulandi.

Cette faculté donnée à chacun des créanciers de demander le paiement total, et la convention qu'ils auraient faite en même temps de diviser entre eux le bénéfice de l'obligation, n'ont rien d'incompatible.

Si le débiteur était poursuivi par l'un des créanciers il perdrait la faculté de payer à l'autre. Ce débiteur ne pourrait pas par sa faute intervertir le droit du créancier qui a poursuivi; et le créancier qui aurait formé sa demande le second ne pourrait pas se prévaloir d'un droit dont l'autre serait déjà dans une sorte de possession par ses poursuites.

Il semble que chacun des créanciers pouvant exiger toute la dette on doive conclure de ce droit qu'il a aussi celui de faire la remise au débiteur. On dit pour cette opinion que la remise de la dette est au nombre des moyens de libération, que chacun des créanciers paraît être relativement au débi

teur comme s'il était l'unique créancier, qu'il faudrait pour qu'il ne pût pas user du droit de faire remise que ce droit fût excepté dans l'obligation, et que d'ailleurs le créancier solidaire pouvant recevoir le paiement il lui est toujours facile de donner la quittance d'un paiement qui ne serait pas réel; en un mot, que les cocréanciers suivent respectivement leur foi. Ces raisons avaient été adoptées par la loi romaine. (Leg. 2, ff. de duobus reis.)

Mais cette décision a paru peu conforme à l'équité et trop favorable à la mauvaise foi.

On doit suivre l'intention présumée des parties. Chaque créancier solidaire a droit d'exécuter le contrat. La remise de la dette est autre chose que l'exécution : c'est faire un contrat de bienfaisance d'un contrat intéressé. C'est un acte de libéralité personnel à celui qui fait la remise; il ne peut être libéral que de ce qui lui appartient. S'il est bienfaisant envers le débiteur, il ne doit pas être malfaisant envers ses créanciers, qui, sans la remise entière, auraient eu action contre ce débiteur. Une volonté n'est généreuse que quand elle n'est pas nuisible, et lorsqu'elle a ce dernier caractère l'équité la repousse : elle en conçoit des soupçons de fraude.

Si le cocréancier donne une quittance, le contrat lui a donné le droit de recevoir et conséquemment celui de donner quittance. C'est l'exécution directe et naturelle du contrat, et c'est à cet égard seulement que ses cocréanciers ont suivi sa foi. Ce serait à eux à prouver que la quittance n'est qu'un acte simulé, et que le cocréancier a fait contre son droit la remise de la dette.

Quant à tous les actes conservatoires, celui qui peut rece- 1199 voir le paiement entier de la dette peut, par la même raison, faire les actes propres à la conserver. Ainsi tout acte qui interrompt la prescription à l'égard de l'un des cocréanciers profite aux autres.

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De la Solidarité de la part des débiteurs.

L'espèce de solidarité la plus ordinaire est celle de plusieurs codébiteurs envers leur créancier commun. Il y a solidarité de la part des codébiteurs lorsqu'ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité comme s'il était seul débiteur, et que le paiement fait par un seul libère les autres envers le créancier. Ces codébiteurs sont appelés en droit correi debendi.

Il ne suffit pas que l'obligation soit contractée envers le même créancier, il faut qu'elle ait pour objet une même chose si plusieurs étaient obligés à des choses différentes envers la même personne, chacun de ces débiteurs serait séparément tenu de la chose qui serait l'objet de son obligation; ils ne seraient pas codébiteurs.

Mais lorsque plusieurs débiteurs doivent une même chose ils n'en sont pas moins codébiteurs, quoique l'obligation de chacun d'eux ait été contractée avec des modifications différentes; tel serait le cas où l'un d'eux ne serait obligé que conditionnellement ou à terme, tandis que l'engagement de l'autre serait pur et simple et sans terme. Il suffit que d'une ou d'autre manière le créancier ait le droit d'exiger d'un seul des débiteurs la totalité de la dette, pour qu'il y ait solidarité; mais il ne peut exiger que chaque codébiteur acquitte la dette autrement qu'elle n'a été convenue avec lui.

Les exceptions qui résultent de la nature mème de l'obligation sont communes à tous les codébiteurs; mais les exceptions personnelles à l'un deux ne peuvent être opposées par les autres. C'est encore une des conséquences de ce que chacun d'eux est tenu de la manière dont il s'est obligé.

L'obligation solidaire ne doit pas se présumer : lorsque plusieurs débiteurs s'obligent à une même chose envers la même personne sans exprimer la solidarité, l'obligation se trouve remplie par le paiement que chacun fait de sa portion: exiger d'un seul la totalité, c'est supposer une obliga

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