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doivent lui être fournis sur la succession, et sans imputation sur les intérêts à elle dus.

I. Quelle que soit la cause qui donne lieu à la restitution de la dot (dissolution du mariage, séparation de corps ou séparation de biens), les fruits ou intérêts en sont toujours dus dès le jour même, de plein droit et sans aucune demande de la femme ou de ses héritiers. Mais, dans le cas particulier de dissolution par la mort du mari, la veuve jouit de deux avantages qui lui sont personnels : 1o Elle a le choix, pendant l'année qui suit le décès, ou de se faire payer les intérêts de sa dot ou de se faire fournir ses aliments aux frais de la succession du mari; 2o elle a droit pendant le même temps, et soit qu'elle opte pour les aliments ou pour les intérêts, à l'habitation et aux habits de deuil. La femme dotale se trouve ainsi mieux traitée que la femme commune quant au droit d'habitation, puisqu'elle l'a pour une année et l'autre pour trois mois et quarante jours seulement; mais elle l'est moins bien quant au droit aux aliments, puisque celle-ci, pendant ces mêmes trois mois et quarante jours, l'a gratuitement aussi, tandis que la femme dotale ne l'obtient qu'en le payant par l'abandon des intérêts de sa dot (art. 1465).

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1571. A la dissolution du mariage, les fruits des immeubles dotaux se partagent entre le mari et la femme ou leurs héritiers, à proportion du temps qu'il a duré, pendant la dernière année.

L'année commence à partir du jour où le mariage a été célébré.

I. Dans les principes de l'usufruit, appliqués à la communauté par l'art. 1401, 2°, les fruits naturels, à la différence des fruits civils. qui s'acquièrent jour par jour, ne s'acquièrent que par la perception et s'acquièrent en entier par elle : l'usufruitier gagne la totalité des fruits naturels qu'il perçoit pendant sa jouissance, et il n'a aucun droit sur ceux qu'on ne perçoit qu'après l'extinction de l'usufruit. Il en est autrement sous le régime dotal, d'après notre article; les fruits naturels, aussi bien que les fruits civils, s'y acquièrent jour par jour, c'est-à-dire en proportion du temps qu'a duré le mariage. Si, par exemple, le mariage a duré quatre mois, soit à partir de la célébration, soit à partir du dernier anniversaire de la célébration, le mari, pour ces quatre mois, formant le tiers de l'année, aura droit, ni plus ni moins, au tiers de toutes les récoltes de l'année : il devra après la dissolution (ou après la séparation de corps ou de biens) restituer les deux tiers de celles qu'il aurait faites, et pourra exiger de la femme ou de ses héritiers le tiers de celles qui restent à percevoir. Il est évident, au surplus, qu'il faut toujours entendre ici par récolte de la première année la première récolte qui se fait après la célébration du mariage, la seconde récolte s'appliquant toujours aussi à la seconde année, et ainsi de suite. Ainsi, quand un mariage a eu lieu le 25 août 1840, quelques jours après une récolte faite, et que la récolte suivante, aussi tardive que la précédente

était précoce, ne s'est faite qu'en septembre 1841, on ne pourra pas, quoiqu'on n'ait rien recueilli du 25 août 1840 au 24 août 1841, dire que la première année du mariage n'a pas de récolte; car il faut que chaque année ait sa portion de fruits. On ne pourra pas dire non plus que les fruits à appliquer à la première année sont ceux qu'on avait perçus quelques jours avant le mariage; car c'est seulement à partir de la célébration que le bien est devenu dotal et qu'il a pu produire pour le mari. C'est donc la récolte de septembre 1841 qui répond ici à la première année du mariage. Réciproquement, si pendant la première année le mari, au lieu de ne faire aucune récolte, en avait fait deux, la première seulement s'appliquerait à cette année et la seconde à l'année suivante. En un mot, le mari, sans jamais avoir aucun droit sur les fruits perçus avant le mariage, prend, à l'avenir, autant de récoltes annuelles que son droit dure d'années; puis, pour la fraction de la dernière année, une fraction proportionnelle de la dernière récolte.

II. - Et puisque le principe est ici que le mari, chargé de faire face aux besoins du ménage avec les fruits de la dot, a droit à ces fruits en proportion de la durée du mariage, il faudra donc appliquer ce qui vient d'être dit des récoltes annuelles aux récoltes qui ne se recueillent qu'à des intervalles de plusieurs années. Soit, par exemple, un bois dont la coupe ne se fait que tous les neuf ans, et un mariage qui a duré six années seulement; le mari aura droit aux deux tiers de la coupe, à quelque époque qu'elle soit faite : il rendra un tiers, si c'est lui qui a fait la coupe; il en aura deux tiers à réclamer, si cette coupe ne se fait qu'après la dissolution ou la séparation. M. Troplong, il est vrai, trouve cette doctrine arbitraire (no 3675), et lui oppose le silence de notre article, qui ne parle, en effet, que des récoltes ordinaires. Mais où serait donc la raison de ne pas appliquer aux récoltes dont le développement demande plusieurs années, ce que la loi dit des récoltes annuelles? Permettre à un mari qui restitue la dot dès la première année du mariage de garder la totalité d'une récolte de neuf ans, pour laisser la femme privée de tout revenu pendant les huit années suivantes; réciproquement, vouloir qu'un mari supporte pendant huit ans les charges du ménage, sans avoir droit à aucune partie des fruits de l'immeuble dotal, pour que la femme, après la dissolution, recueille en une seule année le produit de neuf années, se serait se mettre en flagrante contradiction avec la volonté manifeste du législateur, et admettre pour des années entières l'injustice qu'il n'a pas même voulu tolérer pour quelques mois. Ce que l'article dit d'une récolte ordinaire devra donc s'appliquer, à plus forte raison, à une récolte de plusieurs années, comme l'enseignent tous les auteurs (1).

1572. La femme et ses héritiers n'ont point de privilége pour

(1) Toullier (XIV, 314); Tessier (II, p. 172); Proudhon (Usuf., no 2735-37); Duranton (XV, 458); Seriziat (no 303); Pont et Rodière (II, 650).

la répétition de la dot sur les créanciers antérieurs à elle en hypothèque.

I. La femme, sous le régime dotal comme sous les autres régimes, a sur les immeubles du mari une hypothèque légale pour la garantie de ses droits (art. 2121); mais elle n'a point de privilége, et ne peut pas primer, dès lors, les créanciers hypothécaires du mari antérieurs à elle (art. 2094, 2095, 2134 et 2135).

1573. Si le mari était déjà insolvable, et n'avait ni art ni profession lorsque le père a constitué une dot à sa fille, celle-ci ne sera tenue de rapporter à la succession du père que l'action qu'elle a contre celle de son mari, pour s'en faire rembourser.

Mais si le mari n'est devenu insolvable que depuis le mariage, Ou s'il avait un métier ou une profession qui lui tenait lieu de bien, La perte de la dot tombe uniquement sur la femme.

I. De droit commun, tout donataire venant à la succession du donateur est tenu d'y rapporter l'objet donné. S'il s'agit de meubles, ces meubles sont à ses risques dès l'instant de la donation, et il doit, quoi qu'il arrive, en rapporter la valeur. S'il s'agit d'immeubles, ils restent, il est vrai, aux risques et périls du patrimoine du donateur, et leur perte est supportée par la succession, si elle arrive sans la faute du donataire ou de ses ayants cause; mais quand c'est par la faute de ce donataire ou de ses ayants cause que l'immeuble périt, il y a lieu au rapport de la valeur qu'il aurait eue au jour de l'ouverture de la succession (art. 855, 868 et 869). D'après ces principes, toutes les fois que la dot, soit mobilière, soit immobilière, qui a été donnée à la femme, a été dissipée en tout ou partie par le mari (ayant cause de celle-ci), la femme venant à la succession du constituant en devrait rapporter la valeur.

Or il n'en sera pas toujours ainsi, et notre article déroge à ces principes dans un cas quand le mari était tout à la fois insolvable et dénué de profession lorsque le père a constitué une dot à sa fille, celle-ci n'a rien à rapporter; elle est quitte en abandonnant à la succession de son père l'action qu'elle a contre le mari ou ses héritiers. C'est seulement quand le mari était solvable ou avait une profession que les principes ordinaires s'appliquent et que la femme doit le rapport.

II: D'après M. Bellot des Minières (IV, p. 282), il faudrait dire que, le texte de notre article ne parlant que de la dot constituée par le père, sa règle est inapplicable à celle qu'aurait constituée la mère; et M. Grenier (Donat., II, 530) veut qu'il n'en soit autrement qu'autant que la mère constituerait la dot après la mort de son mari. Nous ne saurions admettre ni l'une ni l'autre idée. Et d'abord, la distinction de M. Grenier est manifestement arbitraire; et il est clair que, si la règle ne devait pas s'appliquer à la mère encore mariée, elle ne s'appliquerait

pas davantage à la mère devenue veuve, puisque l'article ne parle pas plus de l'une que de l'autre. Mais n'est-il pas évident que la distinction entre le père et la mère n'est pas plus admissible que la sous-distinction entre la mère veuve et la mère mariée? Ne voit-on pas que le père n'est indiqué là que par mode d'explication, et que la règle est faite pour le père, pour le grand-père, pour la mère, pour l'oncle, pour tout parent dont la femme dotée devient ensuite l'héritière? (1)

Il paraît plus délicat de décider si notre disposition, écrite dans la matière du régime dotal, doit néanmoins, comme l'enseigne M. Vazeille (art. 850, no 8), s'appliquer aussi à la femme mariée sous un autre régime. On peut dire pour l'affirmative que c'est là une règle de justice et d'équité qui doit dès lors s'appliquer par analogie sous quelque régime que ce soit. Nous pensons cependant, comme la plupart des auteurs, qu'on doit répondre négativement. Si juste que puisse être la règle, elle n'en est pas moins, comme on l'a vu, une dérogation aux principes, une véritable exception; et elle doit dès lors, à ce titre d'exception, se restreindre au seul régime pour lequel elle est écrite. Son extension aux autres régimes serait sans doute désirable, et, en législation, notre question devrait se résoudre affirmativement; mais, en droit, sa nature de disposition exceptionnelle ne permet pas de l'étendre (2).

SECTION IV.

DES BIENS PARAPHERNAUX.

1574. - Tous les biens de la femme qui n'ont pas été constitués en dot, sont paraphernaux.

I. - Tous ceux des biens de la femme dotale qui ne sont pas frappés de dotalité d'après la règle de l'art. 1541 sont dits paraphernaux. La femme est quant à eux, d'après les six articles suivants, dans une position analogue à celle de la femme séparée de biens, en sorte que ces six articles se trouvent expliqués d'avance par ce qui a été dit sous les art. 1448, 1449 et 1536-1539.

1575. Si tous les biens de la femme sont paraphernaux, et s'il n'y a pas de convention dans le contrat pour lui faire supporter une portion des charges du mariage, la femme y contribue jusqu'à concurrence du tiers de ses revenus.

1576. La femme a l'administration et la jouissance de ses biens paraphernaux;

Mais elle ne peut les aliéner ni paraître en jugement à raison des

(1) Duranton (XV, 576); Vazeille (art. 850, no 10); Seriziat (no 315); Zachariæ (8 540, n. 48); Pont et Rodière (I, 124).

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(2) Grenier (II, 529); Chabot (art. 848); Duranton (XV, 576); Zachariæ (8 540, n. 50). Voy. encore Pont et Rodière (I, 125): ces derniers auteurs proposent des distinctions.

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dits biens, sans l'autorisation du mari, ou, à son refus, sans la permission de la justice.

1577. Si la femme donne sa procuration au mari pour administrer ses biens paraphernaux, avec charge de lui rendre compte des fruits, il sera tenu vis-à-vis d'elle comme tout mandataire.

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1578. Si le mari a joui des biens paraphernaux de sa femme, sans mandat, et néanmoins sans opposition de sa part, il n'est tenu, à la dissolution du mariage, ou à la première demande de la femme, qu' u'à la représentation des fruits existants, et il n'est point comptable de ceux qui ont été consommés jusqu'alors.

1579. Si le mari a joui des biens paraphernaux malgré l'opposition constatée de la femme, il est comptable envers elle de tous les fruits tant existants que consommés.

1580. Le mari qui jouit des biens paraphernaux est tenu de toutes les obligations de l'usufruitier.

DISPOSITION PARTICULIÈRE.

1581. En se soumettant au régime dotal, les époux peuvent néanmoins stipuler une société d'acquêts, et les effets de cette société sont réglés comme il est dit aux articles 1498 et 1499.

I. Les époux ayant toute latitude pour stipuler telles conventions matrimoniales qu'il leur plaira (art. 1387), ils sont donc parfaitement libres de combiner, comme ils l'entendront, les deux régimes de dotalité et de communauté. De même qu'ils peuvent, comme on l'a vu sous l'art. 1497 in fine, ne prendre du régime dotal que l'inaliénabilité des immeubles de la femme, en se soumettant à la communauté pour tout le reste, ils peuvent aussi faire du régime dotal la base principale de leur association en y ajoutant une simple société d'acquêts.

II. Dans le premier cas, les immeubles de la femme ne prenant de la dotalité que le seul caractère d'inaliénabilité resteraient soumis sous tout autre rapport aux règles ordinaires : ils seraient prescriptibles, et leurs actions pétitoires n'appartiendraient pas au mari, mais à la femme. Quant aux meubles, tous entreraient dans la communauté, conformément au droit commun.

Dans le second cas, au contraire, il faut d'abord distinguer entre les biens constitués en dot et ceux qui ne le sont pas : les immeubles constitués étant entièrement dotaux (sauf pour les revenus, que la stipulation d'une société d'acquêts rend en général communs, au lieu de les laisser exclusivement au mari), ils restent imprescriptibles en même temps qu'inaliénables, et c'est par le mari que les actions même pétitoires sont exercées; les immeubles non constitués, et qui seraient dès lors des paraphernaux sous le régime dotal pur, forment ici des propres de communauté, puisque la propriété en appartient à la femme

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