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et le revenu à la communauté d'acquêts (1). Quant aux meubles, qu'ils soient ou non constitués, ils seront également dans une position différente de celle que leur donne le premier système, puisqu'ils y sont toujours communs et qu'ils ne le seront jamais ici : ils ne le seront pas en cas de constitution, puisqu'ils seront alors dotaux; ils ne le seront pas davantage quand on ne les a pas constitués, puisque la communauté de simples acquêts laisse propres aux époux leurs meubles aussi bien que leurs immeubles (art. 1498).

III. Nous venons de dire que, dans ce cas de combinaison du régime dotal et d'une société d'acquêts, les revenus des biens dotaux appartiendraient, en général, à la communauté et non point au mari personnellement. Il en sera, en effet, ainsi ordinairement, mais non pas nécessairement. S'il résultait, soit d'une clause spéciale du contrat, soit de l'ensemble de ses dispositions, que la pensée des contractants a été de restreindre leur société d'acquêts (en outre des gains provenant de leur industrie) aux revenus des seuls biens non dotaux, et de laisser ainsi la plénitude de ses effets ordinaires à la constitution dotale, il est clair que cette convention s'exécuterait comme toute autre, et que les revenus communs seraient seulement ceux des paraphernaux de la femme et des biens personnels du mari. Mais cette position étrange, dans laquelle le mari aurait la jouissance exclusive de certains biens de la femme, alors qu'il n'a pas même celle de ses biens propres, ne saurait être admise en principe. Stipuler purement et simplement une société d'acquêts, c'est suivre la règle de l'art. 1498, c'est mettre en commun les revenus de tous les biens sans distinction. Lors donc que des époux, en déclarant d'abord adopter le régime dotal, stipulent ensuite une société d'acquêts, les effets de la seconde clause ne viennent pas seulement s'ajouter à ceux de la première, ils les changent en un point, en enlevant au mari le droit de jouissance personnelle que lui confère la constitution de dot.

APPENDICE.

Sur l'art. 4 de la loi du 18-25 juin 1850, relative à la Caisse de retraites.

La caisse de retraites a été créée, sous la garantie du gouvernement, pour mettre les ouvriers économes à même de se ménager une res

(1) On dit souvent à l'école (et ce langage est reproduit dans les Répétitions écrites de M. Mourlon, 3e Examen, p. 141) que ces derniers biens sont tout ensemble dotaux et paraphernaux : dotaux, en ce que c'est le mari qui en a l'administration et la jouissance; paraphernaux, en ce qu'ils sont aliénables et prescriptibles. C'est une grave inexactitude, car ces biens n'ont rien ni de dotal, ni de paraphernal. Ils ne sont dotaux en rien, pas même pour l'administration ou la jouissance, puisque si le mari en jouit, ce n'est pas pour lui personnellement, mais seulement comme chef de la communauté d'acquêts et pour le compte de cette communauté, et que c'est aussi en cette qualité qu'il les administre, ce qui fait qu'il n'a pas les actions pétitoires immobilières. Ils ne sont pas non plus paraphernaux, puisque ni l'administration ni la jouissance n'en appartiennent à la femme. Ce sont, encore une fois, des propres de communauté.

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source assurée pour leurs vieux ans. Au moyen du versement successif de sommes minimes, dont le déposant ne reçoit pas l'intérêt, la caisse servira plus tard à celui-ci, mis par l'âge ou par quelque accident hors d'état de travailler, une rente viagère calculée sur l'importance des versements et sur les chances de mortalité à raison de l'âge de ce déposant. C'est par la loi des 8 mars, 12, 18 et 25 juin 1850, que cette caisse a été créée. Or, les paragraphes 3 et suivants de l'art. 4 de cette loi, en réglant l'effet des versements faits par un époux, avant ou pendant son mariage, apportent à plusieurs des principes qui viennent d'être étudiés dans ce titre, des dérogations que nous devons signaler. Ces paragraphes sont ainsi conçus :

Le versement opéré antérieurement au mariage reste propre à celui qui l'a fait.

Le versement fait pendant le mariage par l'un des deux conjoints profite séparément à chacun d'eux pour moitié.

En cas de séparation de corps ou de biens, le versement postérieur profite exclusivement à l'époux qui l'a opéré.

En cas d'absence ou d'éloignement d'un des deux conjoints depuis plus d'une année, le juge de paix pourra, suivant les circonstances, accorder l'autorisation de faire des versements au profit exclusif du déposant. Sa décision pourra être frappée d'appel devant la chambre du conseil.

D'après l'art. 1401, 1o, toutes sommes versées à la caisse de retraites, avant le mariage, par une personne qui se marie en communauté, seraient tombées dans cette communauté comme étant des valeurs mobilières; et c'est à la communauté qu'aurait appartenu plus tard la rente viagère, une fois venu le moment de la servir. Or on voit que, d'après la loi du 18 juin 1850, il en sera différemment, puisque cette loi fait demeurer propre à l'époux le versement par lui fait avant le mariage, d'où la conséquence que la rente viagère qui lui sera due plus tard, et qui sera la représentation des sommes versées, sera de même propre au déposant. Du reste, si ce n'est pas alors à la communauté qu'appartient la rente, c'est toujours à elle, bien entendu, qu'appartiendront les arrérages qui écherront pendant la durée du mariage; car si la loi de 1850 déroge au principe qui attribue à la communauté les biens mobiliers des époux, elle ne modifie pas celui qui lui attribue les fruits des propres. L'unique effet de la disposition consistera donc en ce que la dissolution de la communauté laissera la rente entière, pour les années ultérieures, à l'époux qui a fait les versements antérieurs au mariage, au lieu d'en faire passer la moitié à son conjoint ou aux héritiers de celui-ci, conformément aux principes généraux.

Le même article de loi déroge également à d'autres principes de notre titre. Il déclare, en effet, que « le versement fait pendant le mariage par l'un des deux conjoints profite séparément à chacun d'eux par moitié. »

Or cette disposition, que l'on pourrait, au premier coup d'œil, croire conforme aux principes pour le cas de communauté, mais qui s'en écarte même pour ce cas, ainsi qu'on va le voir, s'en écarte d'ailleurs, et d'une manière évidente, pour les trois autres cas d'exclusion de communauté, de séparation de biens et de régime dotal. Sous l'exclusion de communauté et pour les biens dotaux, tous les fruits, revenus et bénéfices recueillis pendant la durée du mariage appartenant exclusivement au mari, c'est au mari seul qu'eût profité, d'après les principes ordinaires, tout versement fait pendant le mariage, et la loi de 1850 déroge dès lors à ces principes en attribuant le profit au mari et à la femme, chacun pour moitié. Elle y déroge également pour le cas de séparation de biens ou de paraphernalité, puisque chacun des époux conservant alors la jouissance et l'administration séparées de ses biens, le versement eût dù, d'après les principes, profiter exclusivement à l'époux déposant. La même disposition, enfin, se trouve être exceptionnelle pour le cas même de communauté, puisque, d'après les principes ordinaires, les versements n'eussent profité aux deux conjoints, chacun pour moitié, que comme bien commun, en sorte que la femme, après la dissolution, n'eût eu sa part, c'est-à-dire celle des deux rentes viagères qui est établie sur sa tête, qu'à la condition d'accepter la communauté, tandis que, le versement profitant ici à chacun des conjoints pour moitié séparément, en sorte que cette moitié reste sa chose personnelle et propre, la femme aura toujours sa rente, comme le mari la sienne, soit qu'elle accepte, soit qu'elle renonce. Et pour le cas où, comme la loi le permet, le déposant aurait stipulé le remboursement du capital à ses héritiers lors de son décès (sauf à n'avoir, bien entendu, qu'une rente viagère moins considérable et calculée seulement sur les intérêts), la moitié du capital afférente à la femme reviendrait toujours à ses héritiers, par la même raison, soit qu'il y eût acceptation ou renonciation, au lieu d'appartenir au mari pour ce cas de renonciation.

Du reste, la règle qui attribue pour moitié à chaque époux le bénéfice de tout versement fait pendant le mariage cesse de s'appliquer lorsqu'il intervient entre les conjoints un jugement de séparation de corps ou de biens à partir de ce jugement, chaque versement profite exclusivement à l'époux qui l'a fait. Cette nouvelle règle, pour ce qui est du jugement de simple séparation de biens, paraît peu en harmonie avec la précédente et pourrait faire douter de la portée que nous venons de donner à celle-ci. Car si la séparation de biens résultant d'un jugement rend personnel à chaque époux le versement opéré par lui, la séparation de biens établie par le contrat ne devrait-elle pas produire le même effet? Ne devrait-on pas admettre dès lors que la loi, en parlant ici du cas de séparation de biens, entend aussi bien parler de la séparation établie par le contrat que celle résultant d'un jugement? Nous ne le pensons pas; car, outre que le second de nos quatre paragraphes parle absolument de tout versement fait pendant le mariage, sans aucune distinction du régime sous lequel le déposant peut être marié, le contexte du troisième paragraphe indique bien d'ailleurs qu'il n'entend

parler que de la séparation de biens venant se substituer, après coup et pendant le mariage, à un régime différent, puisqu'il met d'une part cette séparation de biens sur la même ligne que la séparation de corps, et qu'il parle ensuite du versement postérieur à l'événement survenu d'une séparation de corps ou de biens. Il paraît donc certain que c'est uniquement après la séparation prononcée par jugement que chaque époux a le bénéfice exclusif du versement opéré par lui, et que la règle qui attribue à chacun des conjoints séparément la moitié du versement fait par l'un d'eux s'applique pour tout régime indistinctement, et aussi bien quand les époux se seront mariés avec séparation de biens que sous tout autre régime. La pensée du législateur a sans doute été que, d'une part, la séparation judiciaire suppose une plus grande division d'intérêts et de sentiments que la séparation contractuelle, et que, d'autre part et surtout, la caisse de retraites s'adressant spécialement à la classe ouvrière, l'application de la loi au régime de séparation contractuelle (comme au régime dotal ou à l'exclusion de communauté) ne serait qu'une exception fort rare, la classe pauvre se mariant toujours sans contrat et dès lors en communauté légale. Mais pour être rare, le cas n'est toutefois pas impossible: il peut certes bien arriver que de simples ouvriers fassent un contrat; il peut arriver aussi que des personnes fort aisées ou même riches au moment de leur mariage se trouvent ruinées plus tard; enfin, il se peut aussi que des personnes qui ont toujours été et sont encore dans l'aisance fassent elles-mêmes des dépôts à la caisse de retraites pour parer à toute éventualité. La question ci-dessus posée et résolue pourrait donc se présenter plus d'une fois.

Une dernière disposition formulée par le paragraphe final de l'article vient modifier, pour un cas qu'il était sage de prévoir, la règle de l'attribution à chaque époux pour moitié des versements opérés par une personne mariée. Quand l'un des conjoints est depuis plus d'une année, soit absent (dans le sens du titre iv, liv. Ier), soit seulement éloigné de son domicile, le conjoint présent peut, si le juge de paix le trouve à propos d'après les circonstances, être autorisé par ce magistrat à faire des versements qui lui profiteront exclusivement. La décision rendue à cet égard, sur la demande du conjoint présent, peut être frappée d'appel devant le tribunal civil, qui devra statuer en chambre du conseil.

XCI.

RÉSUMÉ DU TITRE CINQUIÈME.

DU CONTRAT (PÉCUNIAIRE) DE MARIAGE.

DEUXIÈME PARTIE.

DES RÉGIMES SANS COMMUNAUTÉ.

On distingue trois régimes exclusifs de toute communauté de biens entre les époux: 1° l'Exclusion pure et simple de toute communauté; 2o la Séparation de biens; 3° le Régime dotal.

CHAPITRE PREMIER.

DU RÉGIME Exclusif de comMUNAUTÉ.

XCII. Lorsque deux futurs époux, sans adopter par leur contrat ni le régime dotal, ni même la séparation de biens, déclarent néanmoins ne vouloir pas être communs, il en résulte un système particulier dans lequel le mari, en sa qualité de chef, recueille seul les émoluments, administre seul tous les biens et se trouve seul chargé de subvenir aux besoins de la maison.

Ainsi le mari, qui conserve, bien entendu, la jouissance de tous ses biens et tout le produit de son travail, quel qu'il soit, devient aussi l'usufruitier de tous les biens de la femme; et c'est à lui qu'appartiennent, non pas seulement les loyers des maisons, les fermages ou récoltes des biens ruraux, et tous les fruits quelconques des biens ordinaires de celle-ci, mais aussi les gains ordinaires provenant de cette industrie, puisque ce sont aussi des fruits, des produits dont le travail de la femme est le principe producteur, le capital. C'est à tort qu'on voudrait considérer les objets d'art, de science ou de littérature que ferait la femme comme formant un capital, en sorte que la propriété en resterait à la femme, le mari ne pouvant en réclamer que la jouissance; car, encore une fois, ce ne sont là que des fruits que le talent et l'industrie font naître et renaître successivement, comme les fruits ordinaires naissent et renaissent du bien matériel qui les produit (art. 1530-32, n° II).

Le mari prend donc tous les fruits venant du chef de la femme; et ce n'est pas comme mandataire de celle-ci, ainsi qu'on le dit quelquefois, c'est par son droit propre, jure mariti, tellement que, une fois les charges de l'usufruit remplies, et les besoins du ménage satisfaits, c'est à lui que le reste des fruits appartient et que demeure, comme sa propriété personnelle, toute acquisition faite avec l'excédant. Quant à la femme, elle peut bien voir sa fortune s'augmenter par des successions ou donations (ou encore par la découverte d'un trésor); mais elle ne pourrait rien acheter qu'au moyen de capitaux lui appartenant déjà. Si

T. VI.

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