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les réparations d'entretien, il est aussi tenu, à la différence de cet usufruitier, de faire également (mais seulement comme mandataire de la femme et sauf son recours) les grosses réparations; de sorte qu'il serait responsable des détériorations survenues par le défaut de ces grosses réparations, aussi bien que de celles provenant du défaut des réparations d'entretien. Réciproquement, tandis que l'usufruitier ne pourrait réclamer aucune indemnité pour les dépenses, si considérables qu'elles fussent, de mise en culture d'un terrain, de meilleure distribution d'une maison, ou pour tous autres travaux d'amélioration (art. 599), le mari, au contraire, aurait droit à récompense; car ce n'est pas pour lui seul, comme l'usufruitier, qu'il fait des travaux de ce genre: c'est pour la famille, c'est dans l'intérêt du ménage, c'est pour la femme dont il est le mandataire légal. C'est pour lui non pas seulement un droit, mais un devoir, de tirer des biens dotaux le meilleur parti possible (1).

Chargé d'intenter toutes les actions, le mari serait responsable de toutes les prescriptions qu'il laisserait accomplir, soit pour les meubles (qui sont toujours prescriptibles), soit pour ceux des immeubles dont la prescription, commencée avant le mariage, avait encore assez de temps à courir après la célébration pour qu'il fût facile de l'interrompre.

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1563. Si la dot est mise en péril, la femme peut poursuivre la séparation de biens, ainsi qu'il est dit aux articles 1443 et sui

vants.

I. Lorsque la femme voit sa dot compromise, elle peut, comme sous la communauté ou l'exclusion de communauté, faire prononcer la séparation de biens d'après les règles développées sous les art. 1443 et suivants. Les effets que produit cette séparation ont été suffisamment expliqués sous l'art. 1554, nos V et VI.

SECTION III.

DE LA RESTITUTION DE LA DOT.

1564. Si la dot consiste en immeubles,

Ou en meubles non estimés par le contrat de mariage, ou bien mis à prix, avec déclaration que l'estimation n'en ôte pas la propriété à la femme,

Le mari ou ses héritiers peuvent être contraints de la restituer sans délai, après la dissolution du mariage.

1565. Si elle consiste en une somme d'argent,

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Ou en meubles mis à prix par le contrat, sans déclaration que l'estimation n'en rend pas le mari propriétaire,

(1) Dig. (liv. 24, t. 3, 7, 8 16); Toullier (XIV, 324); Duranton (XV, 463); Tessier (note 938); Troplong (no 3594); Caen, 5 déc. 1826; Bastia, 29 déc. 1856 (Dev., 57, 2,

La restitution n'en peut être exigée qu'un an après la dissolution.

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1. Ce n'est pas seulement la dissolution du mariage qui donne lieu à la restitution de la dot; c'est aussi la séparation de biens (1); et on comprend que la restitution se fait, selon les cas, soit par le mari, soit par les héritiers du mari, soit à la femme, soit aux héritiers de la femme, soit encore au tiers constituant, si telle était la stipulation du contrat.

Quand la dot, au moment où naît l'obligation de la restituer, consiste en objets dont la femme est restée propriétaire, les choses à restituer se trouvant là dans la main du mari ou de ses héritiers, aucun délai n'est nécessaire et la remise doit se faire immédiatement. Quand, au contraire, la femme n'est que créancière, soit d'une somme d'argent, soit d'une quantité de choses fongibles : ainsi quand le mari a reçu en dot, soit de l'argent, soit tant de pièces de vin qu'il doit rendre en même nombre et qualité; quand il a reçu des meubles sur estimation, en sorte qu'il en est devenu propriétaire à la charge d'en restituer le prix (art. 1551); quand il a reçu des immeubles, mais que ces immeubles ont été estimés avec déclaration que l'estimation en faisait vente (art. 1552); quand des rentes, créances ou autres biens meubles non fongibles ont été livrés sans estimation, mais que le mari les a vendus comme il en avait le droit (art. 1554, no II), en sorte qu'il n'en doit plus le prix; quand enfin des immeubles restés d'abord la propriété de la femme, mais déclarés par le contrat aliénables sans remploi, ont en effet été vendus ainsi; comme alors le mari ou ses héritiers sont seulement débiteurs de sommes ou de quantités qu'ils peuvent ne pas avoir à leur disposition, la loi leur accorde un délai d'une année pour la restitution. Bien entendu, s'il y avait à restituer, tout à la fois, des biens dont la femme serait propriétaire, puis des sommes ou quantités dont elle serait créancière, le terme d'un an existerait pour les dernières et non pour les premiers.

L'action de la femme ou de ses représentants dure trente années à compter du jour où la restitution doit se faire, c'est-à-dire de la dissolution ou de la séparation, pour certains biens, et de l'expiration de l'année suivante, pour les autres (2).

1566.- Si les meubles dont la propriété reste à la femme ont dépéri par l'usage et sans la faute du mari, il ne sera tenu de rendre que ceux qui resteront, et dans l'état où ils se trouveront.

Et néanmoins la femme pourra, dans tous les cas, retirer les linges et hardes à son usage actuel, sauf à précompter leur valeur, lorsque ces linges et hardes auront été primitivement constitués avec estimation.

(1) Pont et Rodière (II, 607); Troplong (IV, 3600).

(2) Voy. Toulouse, 13 août 1827; Grenoble, 10 mars 1827; Aix, 21 avr. 1836 (Dev., 28, 2, 42; 29, 2, 81; 36, 2, 463).

AN

I. — En principe, l'usufruitier, à la fin de son usufruit, n'est tenu de rendre les choses qu'autant qu'elles existent encore et dans l'état où elles se trouvent, pourvu que leur détérioration ou leur perte ne lui soit pas imputable (art. 589). Notre article applique ce principe à tous les meubles autres que les linges et hardes. Quant à ces derniers, ils sont l'objet d'une règle spéciale qui apporte au droit commun une double dérogation.

Si les linges et hardes ont été livrés au mari dans les conditions ordinaires de l'usufruit, c'est-à-dire en demeurant la propriété de la femme, celle-ci, qui devrait, d'après le principe ci-dessus, se contenter de ce qui peut rester de ses linges et vêtements usés, pourra prendre, au contraire, en leur lieu et place, les linges et vêtements qui sont actuellement à son usage, quoiqu'ils soient d'une bien plus grande valeur, non-seulement par leur meilleur état, mais aussi, peut-être, par leur plus grande importance.

Si, au contraire, le trousseau a été livré sur estimation, la femme, qui, d'après les principes, n'aurait droit qu'au prix de cette estimation, pourra prendre à son choix, d'après notre article, ou ce prix, ou les linges et vêtements actuellement à son usage. Et comme cette règle de notre article est écrite dans une pensée de faveur pour la femme et pour qu'elle puisse, s'il lui plaît, conserver toujours sa garde-robe actuelle, sans avoir rien à débourser (comme le prouve l'hypothèse précédente), on ne doit pas hésiter à dire que, si les linges et hardes étaient d'une valeur plus considérable que le chiffre de l'estimation faite du trousseau dans le contrat de mariage, la femme pourrait néanmoins les prendre sans payer la différence en plus. A plus forte raison faut-il décider que, si cette valeur était inférieure au chiffre de l'estimation, la femme aurait le droit de se faire payer la différence en moins le choix conféré à la femme doit, dans la pensée du législateur, lui donner parfois un avantage, jamais une perte (1).

1567.

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:

Si la dot comprend des obligations ou constitutions de rente qui ont péri, ou souffert des retranchements qu'on ne puisse imputer à la négligence du mari, il n'en sera point tenu, et il en sera quitte en restituant les contrats.

1568. Si un usufruit a été constitué en dot, le mari ou ses héritiers ne sont obligés, à la dissolution du mariage, que de restituer le droit d'usufruit, et non les fruits échus durant le mariage.

I. - Ces deux articles ne sont que l'application du principe, rappelé sous l'article précédent, que l'usufruitier n'est tenu de rendre, quand on n'a pas de faute à lui reprocher, que ce qui reste de la chose soumise à l'usufruit. Si des créances ou des rentes, même viagères, se trouvent diminuées ou anéanties sans le fait du mari, celui-ci doit tout

(1) Cass., 1er juill. 1835 (Dall., 35, 1, 384).

simplement rendre non pas les contrats, comme dit en style de vieux procureur l'art. 1567, mais les titres, les écrits, les actes qui constatent le droit; il n'a à restituer aucune partie des intérêts ou arrérages perçus. De même quand c'est un usufruit qui s'est éteint aux mains du mari sans faute de sa part, celui-ci n'a qu'à rendre l'acte constitutif et non aucune partie des fruits. Il en serait autrement si la dot avait pour objet non pas le droit d'usufruit, mais les fruits à recueillir, constitués principaliter et comme capital: ces fruits seraient alors la dot même, non les fruits de la dot, fructus dotales, potiusquàm dotis fructus, comme le disait Fabre; et c'est alors la totalité des fruits perçus que le mari aurait à restituer (1).

1569. Si le mariage a duré dix ans depuis l'échéance des termes pris pour le payement de la dot, la femme ou ses héritiers pourront la répéter contre le mari après la dissolution du mariage, sans être tenus de prouver qu'il l'a reçue, à moins qu'il ne justifiât de diligences inutilement par lui faites pour s'en procurer le payement.

I.-En principe, c'est à la femme, puisqu'elle est demanderesse, à prouver que la dot dont elle réclame la restitution a été reçue par le mari ou que celui-ci n'a manqué de la recevoir que par sa faute. Mais quand le mariage a duré dix ans au moins depuis le moment où la dot devait être payée, la loi présume, au profit de la femme et de ses héritiers, le payement ou la faute; en sorte que le mari (ou ses héritiers) se trouve tenu de restituer, sans qu'on ait aucune preuve à faire contre lui, si lui-même ne fait pas tomber la présomption en prouvant qu'il n'a point reçu la dot, quoiqu'il ait fait dans ce but des diligences convenables, mais restées sans effet. Ces diligences, au surplus, n'ont nullement besoin, comme l'enseigne Toullier (XIV, 276), d'être des poursuites judiciaires. Il s'agit là de personnes entre lesquelles res non sunt amarè tractanda: des demandes et démarches réitérées, quoique amiables, devaient être ici suffisantes, et telle est, en effet, la pensée du Code, puisqu'il n'exige pas des poursuites, mais de simples diligences. C'est aux magistrats à décider, en fait, si le mari a fait ce qu'il pouvait faire eu égard aux circonstances et à la qualité des personnes qui avaient promis la dot (2).

Il va sans dire que quand la dot était payable par fractions et à différents termes, la présomption n'existerait que pour celles des fractions dont le terme de payement aurait été suivi de dix années de mariage lors de l'événement qui donne lieu à la restitution. Il va sans dire aussi que la présomption ne pourrait pas être invoquée par le constituant, débiteur de la dot. D'une part, en effet, les présomptions légales ne doivent pas s'étendre, et celle-ci n'est écrite que pour la femme ou ses

(1) Favre (C. 5, 7, 20); Pothier (Commun., 292); Tessier (note 1079); Troplong (no 3652); Pont et Rodière (II, 393 et 615).

(2) Tessier (II, p. 253); Devilleneuve (45, 2, 229); Troplong (no 3063); Pont et Rodière (II, 636).

héritiers. D'un autre côté, la loi ne dit pas que le mari est censé avoir reçu, elle dit seulement qu'il est tenu de payer, ce qui s'explique aussi bien par la présomption d'une négligence qui le rend responsable que par celle d'une réception effective de la dot. Or si la femme peut trèsbien argumenter de la faute du mari pour rejeter sur celui-ci la perte qui résulte de sa négligence, il est clair que le constituant ne peut pas argumenter de la négligence de son créancier pour échapper au payement de sa dette. L'action du mari contre ce constituant durerait donc trente années (1).

II. La règle de notre article s'applique-t-elle également quand c'est la femme qui s'est dotée elle-même? M. Duranton (XV, 566) et M. Troplong (no 3658) répondent affirmativement; mais nous ne saurions partager leur sentiment.

Il est vrai que notre article ne distingue pas, et que le droit romain (nov. 100), où se trouve la première origine de notre disposition, ne distinguait pas non plus; mais il n'y a rien à induire de là pour notre question. Et d'abord, la novelle avait en vue un cas tout différent du nôtre celui où le mari voulait prouver contre la quittance qu'il avait donnée dans le contrat. Quant à notre règle, ce n'est pas dans la novelle qu'elle a été prise, mais dans la jurisprudence que le Parlement de Toulouse avait établie, en modifiant profondément le droit romain sur ce point. Or, ce Parlement n'appliquait pas la règle quand c'était la femme qui s'était dotée de suo. Et, en effet, nous venons de voir, et MM. Duranton et Troplong reconnaissent, comme tout le monde, que la présomption ne peut pas profiter au constituant, au débiteur de la dot; or c'est précisément la femme qui est ici constituante et débitrice. Que la négligence du mari ne fasse pas perdre à la femme la dot qu'un tiers lui avait promise et qu'un mari diligent eût obtenue, c'est chose juste; mais que cette femme puisse se faire payer par son mari une dot qu'elle-même devait livrer et n'a pas livrée, ce serait trop inique (2).

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1570. Si le mariage est dissous par la mort de la femme, l'intérêt et les fruits de la dot à restituer courent de plein droit au profit de ses héritiers depuis le jour de la dissolution.

Si c'est par la mort du mari, la femme a le choix d'exiger les intérêts de sa dot pendant l'an du deuil, ou de se faire fournir des aliments pendant ledit temps aux dépens de la succession du mari; mais, dans les deux cas, l'habitation durant cette année, et les habits de deuil,

(1) Maleville (art. 1569); Toullier (XIV, 277); Merlin (vo Dot, 23, no 8); Delvincourt (III, p. 34); Bellot (IV, 255); Benoît (I, 122); Tessier (I, p. 155); Pont et Rodière (II, 633; Troplong (IV, 3665).

(2) Bretonnier (Quest., vo Dot); Bourjon (II, p. 266); Brodeau, sur Louet (1. D, somm. 19); Toullier (XIV, 277); Tessier (I, p. 156); Odier (III, 1426). — Voy. toutefois les distinctions proposées par MM. Pont et Rodière (II, 635), et Nimes, 23 mars 1866 (J. Pal., 66, 1145). La présomption de payement établie par l'art. 1569 n'a pas lieu lorsque le constituant de la dot est décédé dans les dix ans et que la femme s'est trouvée appelée à la succession. Riom, 20 juin 1857; Grenoble, 25 avr. 1861 (Dev., 58, 2, 47; J. Pal., 58, 462; 62, 1450).

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