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Ou l'enfant difforme, acéphale ou autrement, n'est né viable; et alors il n'y a pas de question;

pas

Ou il est viable; et dans ce cas, aucun texte ne nous autori e à le mettre de plein droit hors la loi. L'idiotisme le plus organique, l'imbécillité la plus absolue, ne sont que des causes d'interdiction (art. 489); et nous devons être justement effrayés d'une doctrine qui, après avoir créé, sans pouvoir les définir, ces prétendus monstres, va jusqu'à commander leur destruction par le meurtre! (Rauter, Traité de droit criminel, t. II, no 440 et 448; comp. notre Traité des successions, t. I, n° 182.)

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N° 2. Par qui l'action en désaveu peut-elle être formée ?

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113.- Le Code Napoléon accorde l'action en désaveu au mari seul d'abord, et ensuite, après lui, à ses héritiers (art. 346, 317).

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A. Au mari seul d'abord, parce qu'en effet il est le principal intéressé, soit comme victime personnellement de l'outrage," soit comme chef et représentant de la famille et du patrimoine dont le désaven doit écarter l'enfant.

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-Aussi la loi remet-elle cette action dans ses mains, en le constituant exclusivement juge du parti qu'il lui eon'viendra de prendre. Il peut donc agir, ou dévorer l'injure en silence, ou pardonner mêmel Le mari pourra désavouer l'enfant, dit l'article 312...; et si en effet il garde le silence, nul ne peut se saisir d'une action qui, par des raisons de haute convenance et de moralité, ne doit appartenir qu'à lui!

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Probatam enim a marito uxorem et quiescens ma« trimonium non debet alius' turbare atque inquietare...» (L. 26, ff. ad Legem Juliam de adult.).

414. Que ses créanciers donc ne puissent pas l'in

tenter, cela est d'autant plus certain qu'on n'aperçoit pas quel intérêt ils y pourraient avoir. (Comp. notre Traité des Contrats ou des Obligations conventionnelles en général, t. II, no 65).

115. Mais supposez ceci : Paul, alors sans enfants, a fait à Pierre une donation entre-vifs. Il part ensuite; et après plusieurs années passées au loin, en pays étranger, il revient et trouve un enfant que sa femme a eu pendant son absence. Il est notoire que cet enfant n'est pas le sien, et le succès de l'action en désaveu serait incontestable. Mais Paul ne la forme pas; et, tout au contraire, il notifie à Pierre la naissance de cet enfant pour qu'il ait à lui rendre l'objet donné (art. 960).

N'est-ce pas là, direz-vous, un scandale? Peut-on permettre au mari d'exploiter ainsi sa propre honte? et le donataire entre-vifs n'a-t-il pas alors intérêt à intenter l'action en desaveu?

Intérêt ? oui sans doute, mais l'intérêt ne suffit pas; il faut avoir, en outre, qualité pour agir en justice; or le donataire n'a pas qualité; car l'action en désaveu est, dans tous les cas, personnelle au mari (art. 316, 317); et c'est là une règle très-sage qui protége l'honneur et le repos des familles, et qui rachète ainsi chaque jour certaines applications regrettables sans doute, mais infiniment rares, et dont les meilleures règles, dans leur inévitable généralité, ne sont presque jamais exemptes. (Comp., notre Traité des Donations entre-vifs et des testaments, t. III, n° 741, 742; Agen 6 févr. 1869, Rouede, Dev., 1869, II, 203.)

116. Est-ce à dire toutefois que le tuteur du mari interdit ne pourrait pas intenter, au nom de celui-ci, l'action en désaveu?

La Cour de Colmar avait en effet refusé cette action au tuteur (21 janvier 1841, Taillandier, Dev., 1844, II, 627); et cette opinion a été aussi professée doctrinalement (Zachariæ, Aubry et Rau, t. IV, p. 584; Dupret,

Revue de droit français et étranger, 1844, p. 725; Bedel, de l'adultère, no 80) :

1° Il faut distinguer, a-t-on dit, parmi les différents droits, ceux qui prennent leur origine dans le droit naturel de ceux qui n'ont été créés que par les lois positives; les premiers, essentiellement personnels, ne peuvent être exercés que par chacun en son propre nom; tandis que l'exercice des autres peut être délégué à un représentant par la loi civile qui les a créés; or, le mariage est principalement fondé sur le droit naturel, le mariage, avec toutes ses conséquences, l'autorité maritale, l'autorité paternelle, etc.; donc, les droits qui en dérivent ne peuvent être exercés que par celui-là même auquel ils appartien

nent.

2° L'article 450 porte, il est vrai, que le tuteur prendra soin de la personne du mineur et le représentera dans tous les actes civils (ajout. art. 589); mais il est clair, malgré la généralité de ces termes, que le tuteur n'est pas et ne saurait être, de tout point, le représentant du mineur et de l'interdit. Nul, par exemple, ne soutiendra que le tuteur pourrait, en leur nom, reconnaître un enfant naturel, consentir une adoption, faire ou même révoquer un testament, consentir une donation entre-vifs (art. 511). Pourquoi cela? parce que ce sont là des actes qui exigent essentiellement une manifestation de volonté propre, personnelle; parce que ces actes ne constituent pas des faits d'administration du patrimoine et que c'est surtout à cette administration que le tuteur est préposé; or, le droit de désavouer un enfant est, sous ce double rapport, tout à fait semblable à ceux qui viennent d'être énoncés; c'est, avant tout, pour le mari lui même, une question d'honneur dont il doit être le seul arbitre, et l'enfant serait privé d'un puissant moyen de défense s'il ne pouvait pas faire appel à sa conscience et à son

cœur.

3o Qu'arriverait-il dans le système contraire? De deux

choses l'une ou le tuteur, par indifférence ou autrement, ne formerait pas l'action en désaveu dans le mois de la naissance de l'enfant; et alors cette action serait perdue pour le mari, qui, plus tard, rendu à l'exercice de ses droits, ne pourrait pas repousser ce fruit de l'adultère; ou le tuteur agirait; et s'il arrivait qu'il fît ad mettre injustement le désaveu contre l'enfant du mari lui-même, le mal serait irréparable, et le mari n'aurait aucun moyen de rendre à la mère son honneur, à l'enfant sa légitimité.

4° Il faut donc dire que l'action sommeillera pendant toute la durée de l'interdiction; et le délai imparti par l'article 316 ne commencera à courir que du jour où l'action aura pu être formée, soit par le mari relevé de l'interdiction, soit par ses héritiers.

117.- Ne faudrait-il pas, si on admettait ce système, arriver du moins au moyen d'empêcher le dépérissement des preuves que tant de causes feraient le plus souvent disparaître pendant cette longue suspension?

« Finge esse testes quosdam, qui dilata controversia, << aut mutabunt consilium, aut decedent, aut propter temporis intervallum non eamdem fidem habebunt. >> (L. 3, 5, ff. de Carbon. edicto.)

il

Ne pourrait-on pas, en conséquence, proposer d'accorder l'action au tuteur de l'interdit, aux fins de faire déclarer, du moins quant à présent, l'enfant non recevable à se dire légitime? Ce mode de procéder ne concilieraitpas tous les intérêts? celui du mari en lui conservant ses moyens de preuves, et celui de l'enfant qui, n'étant pas irrévocablement déchu de la présomption légale de légitimité, pourrait plus tard l'invoquer encore contre le mari lui-même ou contre ses héritiers. C'est ainsi que l'edictum Carbonianum différait à Rome ces sortes de questions (ff. lib. XXXVII, tit. x). Il est vrai qu'il en résulterait une situation pour longtemps peut-être incertaine, mais l'interdiction, aussi bien que la minorité, ne pro

duit-elle pas, dans beaucoup de cas, cette incertitude? (Art. 2252.) Et quand on voit le législateur réserver aux mineurs le moyen d'attaquer les décisions judiciaires les plus irrévocables, en soutenant que leur tuteur, c'est-à-dire leur propre représentant ne les a pas bien défendus (articles 432, 484 procéd.), faudrait-il s'étonner que, dans cette hypothèse qui met en présence deux parties incapables, un mari interdit et un enfant mineur, on adoptât une forme de procéder qui n'aurait pas des conséquences irréparables? C'est sans doute en ce sens que, pour soutenir l'arrêt de la Cour de Colmar devant la Cour de cassation, on disait « que si le tuteur de l'interdit n'a pas qualité pour introduire l'action, il a peut-être mission de veiller à la constatation des faits et à la conservation des preuves.... (Dev., 1844, I, 634.) 118.

Mais je repousse, en ce qui me concerne,

cette théorie tout entière.

Et d'abord cette action provisoire par laquelle le tuteur désavouerait, quant à présent, l'enfant, que seraitelle autre chose qu'une sorte d'enquête d'examen à futur; c'est-à-dire un mode de procéder qui ne manquait pas certes d'avantages, mais que de plus grands inconvénients encore ont fait depuis longtemps proscrire. L'analogie déduite de l'edictum Carbonianum serait d'ailleurs trèsinexacte; car c'était dans l'intérêt de l'enfant lui-même que le Préteur à Rome différait l'action ad tempus pubertatis; or, le Code Napoléon, au contraire, déclare l'action en désaveu ouverte dès le jour de la naissance; donc, il n'a pas du tout admis cette supposition,

Il faut donc accorder ou refuser nettement au tuteur l'action en désaveu; c'est là déjà un premier argument en faveur de la doctrine qui la lui accorde et qui me paraît effectivement la meilleure :

1° Aux termes des articles 450 et 509, le tuteur représente l'interdit dans tous les actes civils; ce qui comprend nécessairement toutes les actions que l'interdit

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