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s'ouvrir d'un frère interdit peut-être et qui ne peut pas tester. Et il faudrait que les parents, que toute la famille du mari fussent témoins de cette spoliation, sans pouvoir l'empêcher? L'article 317 a donc seulement, pourrait-on dire, prévu le cas le plus ordinaire, lorsqu'il a supposé que l'instance en désaveu s'engagerait presque toujours sur la succession du mari entre ses héritiers et l'enfant; mais il n'a pas voulu consacrer la doctrine qui refuse l'action en désaveu à l'héritier renonçant (Delvincourt, t. I, p. 34, note 13).

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Je persiste tout à fait à croire qu'il l'a consacrée : l'article 317 n'accorde l'action en désaveu qu'aux héritiers du mari; or, l'héritier qui renonce, est censé n'avoir jamais été héritier (art. 785); donc, il ne saurait avoir cette action en cette qualité. Il ne pourrait plus l'avoir que comme parent; et dès lors il faudrait que l'opinion qui précède l'accordât à toute la famille, à tous les parents, proches ou éloignés du mari; car leur titre est le même et leur intérêt éventuel à peu près semblable. Or, ce serait là retomber dans le système qui avait d'abord prévalu, et d'après lequel l'action en désaveu appartenait à quiconque avait, intérêt; système complétement repoussé par l'article 317, qui place exclusivement l'action en désaveu dans, la succession du mari, pour ne la transmettre qu'à ceux qui lui succèdent. Aussi ne fait-il courir le délai qu'à compter de l'époque où cet enfant se serait mis en possession des biens du mari, ou de l'époque où les héritiers seraient troublés par l'enfant dans cette possession. L'hypothèse d'un légataire universel colludant frauduleusement avec l'enfant, cette hypothèse est sans doute fort grave; mais d'abord, remarquez que le légataire uni versel est lui-même convié par son propre intérêt à mettre en œuvre cette action en désaveu, qui doit lui conserver la totalité de son legs; et, quant à la fraude, elle fait exception à toutes les règles. Un titre du Digeste consacrait cette exception tout exprès pour notre manière (lib. XI,

tit. xvi, de Collusione detegenda)., Les parents du mari pourraient donc dénoncer la fraude, et soutenir que le légataire universel, aux mains duquel se trouvait cette action en désaveu, qui intéressait toute la famille du mari, l'a trahie de concert avec l'enfant (comp. Cass., 3. mars, 1874, Louriou, Dev. 1874, I, 201).

133. Et cette preuve, je l'admettrais, même de la part du parent le plus éloigné du mari, contre le parent plus proche qui, appelé à la succession, aurait ainsi trahi la famille dont la loi le constituait le représentant ; preuve difficile, j'en conviens, mais qui pourtant ne serait pas impossible, si par exemple la cause de désaveu résultait de l'éloignement du mari à l'époque de la conception.

Remarquons enfin que la doctrine contraire aurait ellemême de très-lâcheuses conséquences, puisque l'action en désaveu appartenant alors à tous les parents du mari sans exception, aucun d'eux ne serait jamais représenté par les autres; et l'enfant pourrait être ainsi exposé à autant d'actions en désaveu qu'il y aurait de membres de la famille. Or c'est là précisément ce que la loi n'a pas voulu (Proudhon, t. II, p. 57; Toullier, t. II, n° 835; Duranton, t. III, no 72).

134. Que la mère ne puisse pas elle-même soutenir que son propre enfant n'appartient pas à son mari, et n'est que le fruit de l'adultère, c'est là une vérité morale d'évidence; aussi, aucun texte ne lui accorde-t-il cette monstrueuse faculté. (Comp. Trib. civ. de la Seine, 8 juill. 1860, Brulart, Gazette des Tribunaux du 12 juill. 1860.)

155.Ses héritiers ne l'auraient pas davantage; car ils n'ont pas pu la recueillir dans sa succession, et aucun texte non plus ne leur accorde personnellement l'action en désaveu pour leur propre compte.

L'opinion contraire est toutefois soutenue par Merlin (Rép., t. VII, v° Légitimité, sect. IV, § 1, n° 1), et surtout par Delvincourt (t. I, p. 84, note 13).

Mais nous y avons d'avance répondu; ce n'est pas sans doute qu'il n'eût été possible d'accorder aux héritiers de la mère cette action, quoique la mère elle-même ne l'eût pas; car la règle que les héritiers n'ont pas d'autres droits que ceux de leur auteur n'est pas absolue. Certains droits au contraire naissent directement au profit des héritiers, comme par exemple la réserve et l'action en réduction; et ici en particulier on aurait pu considérer comme personnelle la fin de non-recevoir, qui empêche la mère de former l'action en désaveu, et décider d'ailleurs qu'il ne lui appartenait pas de placer dans la famille un enfant adultérin; cela même eût été logique dans le système qui accordait l'action à tous les intéressés. Mais c'est toujours notre même argument: ce système n'a pas été adopté (Toullier, t. II, n° 835; Duranton, t. III, no 77; Zachariæ, Aubry et Rau, t. IV, p. 584; Massé et Vergé, t. I, p. 302; Demante, t. II, no 43 bis, VII).

136. Il est bien entendu que l'action en désaveu appartient individuellement et divisément à chacun des héritiers du mari pour sa part héréditaire (art. 724, 1220). L'un ne représente donc pas l'autre ; et la renonciation, la déchéance, le jugement, par suite desquels un héritier aurait été déclaré non recevable, ne seraient pas en droit, opposables à son cohéritier, quoique en fait l'enfant, déjà accepté par une partie de la famille, eût ainsi beaucoup plus de chances de succès contre le désaveu de quelquesuns seulement des héritiers (Duranton, t. III, n° 71; Zachariæ, Massé et Vergé, t. I, p. 302; Aubry et Rau, t. IV, p. 586).

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137. L'action en désaveu, dans sa transmission aux héritiers ou successeurs universels du mari, change donc, à certains égards, de caractère; tandis que dans la personne du mari, cette action, quoique ayant pour objet plus ou moins actuel un intérêt pécuniaire, se propose surtout la rupture d'un lien de paternité et de filiation, elle a au contraire pour objet principal et direct, dans la

personne de ses successeurs, l'intérêt pécuniaire, un intérêt de succession.

De là cette conséquence que les créanciers des héritiers ou des autres successeurs universels cu à titre universel du mari, doivent pouvoir exercer, au nom de leur débiteur, cette action en désaveu (comp. notre Traité des ConIrats ou des Obligations conventionnelles en général, t. II, no 65; Zachariæ, t. II, p. 333, et t. III, p. 645; Marcadé, art. 317, n° 1).

138. En ce qui concerne l'enfant lui-même, il est bien clair que l'action en désaveu s'attaque toujours directement et principalement à son état, à sa légitimité, par quelque personne d'ailleurs qu'elle soit formée, par le mari ou par ses successeurs. Or la légitimité, l'état lui-même en général est une qualité essentiellement personnelle, à raison de laquelle les créanciers ne sauraient se constituer demandeurs ou défendeurs soit au nom, soit même concurremment avec leur débiteur, au moyen d'une intervention. L'objet même du débat, la filiation, n'est pas, bien entendu, le gage de leurs créances; et il est facile d'ailleurs de comprendre tous les inconvénients qu'il y aurait à permettre à des créanciers de se mêler à de tels procès, et d'y faire valoir des moyens auxquels la partie elle-même ne voudrait peut-être à aucun prix recourir (Cass., 6 juillet 1836, Delamotte, Dev., 1836, I, 633).

N° 3.

- Dans quel délai l'action en désaveu doit-elle être intentée?

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139. Plus l'action en désaveu sera rapprochée de l'époque de l'accouchement, plus on doit espérer qu'elle sera bien jugée; car les faits seront alors mieux connus et les preuves plus faciles. Il importe d'ailleurs de ne pas laisser longtemps l'état de l'enfant exposé à une telle attaque. La durée de l'action en désaveu aurait donc dû

être toujours assez courte; et tel est bien en général le principe, quoique pourtant elle puisse se prolonger dans plusieurs eas. Il faute à cet égard distinguer le mari de ses héritiers.

A. Le mari, lui ne doit guère hésiter en telle occurrence; il convient sans doute de lui laisser le temps de recueillir ses preuves, et même aussi de se consulter; mais s'il' tarde trop à agir, c'est qu'il se reconnaît le père, ou que du moins il pardonne.

La règle générale est donc que le mari doit former le désaveu dans le délai d'un mois à compter de la naissance de l'enfant, c'est-à-dire à compter du jour où l'enfant est sorti du sein de sa mère.

Les premières douleurs, les opérations plus ou moins prolongées de l'enfantement ne font pas, bien entendu, courir le délai; « partus nondum editus, homo non recte « fuisse dicitur.» (L. 9, in fine, ff. ad Leg. Falcid.)

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140.- Le délai est, par exception, de deux mois : 1° si à l'époque de la naissance le mari était absent; 2o ou si cette naissance lui a été cachée.

Les deux mois courent alors à compter de son retour sur les lieux de la naissance dans le premier cas, et de la découverte de la fraude dans le second (art. 316).

Cette prolongation est très-juste, surtout lorsque la naissance de l'enfant a été cachée au mari; car il a même alors beaucoup moins de temps que celui qui, pendant toute la durée de sa grossesse, a pu d'avance préparer son attaque.

Quoique ce motif n'existe pas, du moins avec la même force, lorsque le mari absent a été instruit, avant son retour, de la naissance de l'enfant et même de la grossesse de la femme, le texte ne fait néanmoins jamais courir le délai de deux mois qu'à compter de son retour sur les lieux; c'est là en effet seulement qu'il peut rassembler

se's preuves.

141 — Il est bien entendu que le mot absent n'est

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