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cours de circonstances trompeuses que le temps a éclaircies; la justice a partagé son erreur; aujourd'hui, plus calme, plus juste, il en gémit, et il voudrait la réparer. N'est-ce pas, avant tout, dans son intérêt que cette chose a été jugée? Il aurait pu ne pas former la demande en désaveu; pourquoi ne pourrait-il pas renoncer au jugement?

Cette doctrine pourtant, quoique Merlin semble la professer (Quest. de droit, t. VIII, v° Légitimité, S8), n'est pas, à mon gré, admissible: si la partie, qui a triomphé, peut renoncer à la chose jugée en sa faveur, ce n'est que sous la réserve des droits acquis aux tiers, par l'effet même du jugement; or, la décision qui a prononcé le désaveu, a exclu l'enfant de la famille paternelle et maternelle; le droit est désormais acquis à tous de regarder l'enfant comme adultérin; donc, le mari ne saurait les en priver. Est-ce que, par exemple, cet enfant, après la renonciation du mari à la chose jugée, pourrait réclamer les successions qui, par l'effet du désaveu, ont été recueillies par d'autres à sa place? C'est dans les mains du mari, sans doute, que l'action a été exclusivement remise; il en est l'arbitre souverain en ce sens qu'il peut l'exercer ou ne pas l'exercer; mais, dès qu'il l'exerce, c'est au nom de tous les intérêts qui s'y rattachent. L'effet du jugement sera donc absolu et irréparable.

182. Il faut en dire autant même du cas où le jugement aurait été rendu au profit d'un tuteur représentant le mari interdit; celui-ci, relevé de son interdiction, ne pourrait plus y renoncer.

183. Cette solution me paraîtrait aussi rigoureusement applicable au jugement qui aurait admis le désaveu formé par les envoyés en possession même provisoire des biens du mari absent, si les envoyés avaient exercé l'action en désaveu en tant qu'elle se trouvait dans les biens de l'absent, comme ses représentants, et si la décision judiciaire avait en effet statué d'une manière absolue sur cette action elle-même (voy, toutefois Merlin, loc. supr.).

Il en serait toutefois autrement dans le cas où, en fait, les envoyés en possession n'auraient conclu qu'à ce que l'enfant fût déclaré illégitime quant à présent, et eu égard seulement aux biens par eux obtenus (voy. notre Traité de l'Absence, no 268).

184.

Tout ce qui précède est inapplicable à la contestation de légitimité.

De quel principe avons-nous déduit les effets absolus ou relatifs, suivant les cas, de la chose jugée en matière de désaveu? de la présomption légale de légitimité, qui protége l'enfant; or, l'individu dont on conteste la légitimité, dans l'acception technique de ces mots, n'a en sa faveur aucune présomption; et tout intéressé a également qualité pour combattre en son propre nom sa prétention; donc alors chacun plaide pour soi; donc le jugement rendu sur une contestation ne peut profiter ni nuire à d'autres qu'à ceux qui y ont été parties ou à leurs repré

sentants.

Mais dans quels cas une personne aura-t-elle été représentée ? Nous nous expliquerons bientôt sur cette théorie (infra, no 312 et suiv.).

CHAPITRE II

DES PREUVES DE LA FILIATION DES ENFANTS légitimes.

SOMMAIRE.

185.- La preuve de la filiation légitime est soumise à des conditions plus sévères que la preuve de la filiation naturelle. Motifs de cette différence.

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187 - Le Code Napoléon admet trois sortes de preuve de la filiation légitime le titre, la possession, la preuve testimoniale sous

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certaines conditions.

188. Division de ce chapitre.

185. Nous avons dit que la filiation légitime et la filiation naturelle différaient sous le double rapport

des effets qu'elles produisent; 2° de la manière dont elles peuvent être prouvées.

C'est sous ce second point de vue que nous avons maintenant à nous occuper de la filiation légitime.

Un individu soutient que telle femme est sa mère; eh bien! la preuve qu'il devra fournir, sera plus ou moins difficile, suivant que cette femme était ou n'était pas ma riée à l'époque de la conception, dont il se prétend issu; et, chose étrange à première vue peut-être ! les conditions de preuve seront moins sévères pour la filiation légitime que pour la filiation naturelle.

Cette différence est pourtant fondée sur les plus sérieuses considérations.

La filiation légitime, c'est la famille! Or, la société tout entière est intéressée à la formation des familles qui la constituent et la conservent.

La filiation légitime produit des droits de la plus haute importance, dont il fallait prendre garde de priver l'enfant.

La filiation légitime enfin n'a rien que d'honorable pour l'épouse et pour le mari, qui en sont les au

teurs.

Bien différente est la filiation naturelle!

La société n'a certes point d'intérêt à la révélation des fautes qui la produisent.

L'intérêt de l'enfant lui-même est beaucoup moins précieux.

La filiation naturelle, et c'est bien justice, entache l'honneur de la personne, de la femme surtout à laquelle on l'impute.

Le législateur a donc pu et dû soumettre à des garanties plus sévères le mode de preuve de cette dernière filiation.

186. Recherchons d'abord comment peut être prouvée la filiation légitime, c'est-à-dire la filiation d'un individu né de deux personnes légitimement mariées

TRAITÉ DE LA PATERNITÉ.

13

(nous supposons toujours la preuve du mariage préalablement faite).

187.

preuves:

Le Code Napoléon admet trois sortes de

1° Le titre ou l'acte de naissance inscrit sur les registres de l'état civil;

2° La possession d'état;

3° La preuve testimoniale sous certaines conditions.

188.

Ces preuves ont plus ou moins d'autorité,

suivant qu'elles sont réunies ou isolées.

Pour s'en bien rendre compte, il importe d'examiner uccessivement les quatre hypothèses suivantes : 1o Le titre sans la possession d'état;

2° La possession d'état sans le titre ;

3o Le concours du titre et de la possession d'état; 4° L'absence du titre et de la possession.

Deux questions sont à résoudre dans chacune de ces hypothèses, savoir :

--

A. Jusqu'à quel point la filiation légitime est-elle alors prouvée?

B. - De quelle manière la preuve peut-elle être combattue?

SECTION I.

DE L'ACTE DE NAISSANCE SANS LA POSSESSION D'ÉTAT.

SOMMAIRE.

189.

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La filiation des enfants légitimes se prouve par l'acte de naissance régulièrement dressé. Ainsi donc

190.

1o L'acte doit être inscrit sur les registres de l'état civil. Quid, s'il n'était inscrit que sur une feuille volante ?

191.

2o L'acte de naissance doit avoir été rédigé d'après la déclaration des personnes qui avaient mission à cet effet.

192.3° L'acte de naissance doit avoir été rédigé dans le délai déterminé par la loi. Quid, s'il n'avait été rédigé qu'après l'expiration de ce délai?

193..

--
-

Quid, si un homme et une femme mariés déclarent à l'officier de l'état civil que tel individu, aujourd'hui âgé de deux ans ou de six ans, est l'enfant issu de leur mariage? Cette déclaration sera-t-elle un titre suffisant pour prouver la filiation légitime?

194.4° L'acte de naissance doit renfermer les énonciations essen

tielles. Régulièrement, il doit indiquer les noms des père et

mère.

195. Exposé des énonciations plus ou moins irrégulières qui peuvent se rencontrer dans un acte de naissance.

196. Quid, si l'acte déclare que l'enfant est né d'une telle, désignée sous son nom de femme mariée, mais sans indication du mari?

197.- Quid, si l'acte déclare que l'enfant est né d'une telle, désignée sous son nom de femme mariée, et d'un père inconnu ?- ou d'une telle, désignée sous son nom de femme mariée, et d'un individu, autre que le mari, désigné comme père ? ou d'une telle, femme mariée, mais désignée seulement sous son nom de fille, et d'un père inconnu, ou même d'un individu désigné, autre que le mari? — Quid, si l'enfant avait la possession d'état d'enfant de cet individu (autre que le mari) désigné comme père par l'acte de naissance?

198. Il ne faut pas confondre le cas où la maternité de la femmc est prouvée par un acte de naissance, avec le cas où cette preuve ne résulterait que d'un jugement.

199.Quid, dans le cas où la preuve de la maternité résulterait de la possession d'état?

200. L'acte de naissance doit être accompagné de la preuve de l'identité de l'enfant désigné dans cet acte avec celui auquel on prétend l'appliquer.

201. La possession d'état est la meilleure preuve d'identité. - Une possession incomplète et telle qu'elle pourrait alors suffire.

202.

L'acte de naissance prouve toutefois la filiation, indépendamment de la possession d'état.

203. En l'absence de toute espèce de possession d'état, comment peut se faire la preuve de l'identité? la preuve testimoniale est-elle toujours admissible de plano sans aucune autre garantie?

204. De quelle manière et par quels moyens la preuve de la filiation légitime, qui résulte de l'acte de naissance, peut-elle être combattue?

189.-A. La filiation des enfants légitimes se prouve par l'acte de naissance (art. 319; voy. notre t. I, n° 296). Cette preuve est certainement la plus normale et la plus ordinaire. Je dirais volontiers, avec le tribun Lahary, que l'acte de naissance est le passe-port que la loi délivre à chacun de nous dès son entrée dans la société civile (Locré, Législ. civ., t. VI, p. 251).

Par l'acte de naissance, régulier, bien entendu, c'està-dire 1° inscrit sur les registres de l'état civil; 2° d'après la déclaration des personnes qui avaient mission à cet effet; 3° dans le délai déterminé par la loi; 4° enfin avec les énonciations essentielles.

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