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mation des enfants nés de parents ou alliés à des degrés éloignés, et pour le mariage desquels les dispenses étaient généralement faciles à obtenir; mais le principe même, qui faisait obstacle à la légitimation des enfants incestueux, n'en existait pas moins; et il a été, dans plus d'une occasion, rigoureusement appliqué par les parlements.

On a toutefois déclaré chimérique cette distinction de notre ancienne jurisprudence entre le cas où les dispenses étaient faciles à obtenir et le cas contraire; on a dit que les dispenses n'étaient accordées que par suite de considérations individuelles. - Mais Mais il est impossible de ne pas reconnaître que la proximité plus ou moins grande du degré de parenté ou d'alliance devait exercer nécessairement, en pareil cas, une grande influence; aussi la distinction, que nous rappelors, s'était elle en effet établie par le résultat des arrêts, de la doctrine et des mœurs (Pothier, du Mariage, n° 414; Merlin, Rép., t. IV, v° Légitimation, sect. 11, § 2, n° 9); or, on conçoit combien cette tradition donne de force à notre article 331; on conçoit que les empêchements de mariage pour cause de parenté et d'alliance, ayant été limités à des degrés assez proches, le nouveau législateur n'ait cru devoir, en aucun cas, permettre alors la légitimation.

Je dis, en second lieu, que cette solution-là est ellemême défendue par les plus puissantes considérations. Les auteurs du Code Napoléon ont pu craindre d'encourager, dans le sein de la famille, des espérances coupables; ils ont pu craindre le funeste exemple de la passion et du désordre, trouvant leur moyen de succès et leur récompense dans la violation même des plus saints devoirs; ils ont pu vouloir surtout flétrir le calcul immoral des personnes qui, pour obtenir des dispenses, présenteraient comme une cause grave et comme un titre de faveur leurs relations incestueuses!

L'argument que l'on a déduit de l'article 164 n'est pas en effet, sous ce rapport, admissible; et cela est si

vrai que, d'après le droit canonique lui-même, qui pourtant autorisait la légitimation, il fallait que les parties déclarassent, dans la supplique qu'elles adressaient à la chancellerie romaine, si elles avaient déjà eu commerce ensemble; et en cas d'affirmative, si elles n'avaient fait que céder à l'entraînement de leur passion, ou si au contraire elles s'étaient flattées de l'espoir d'obtenir ainsi plus facilement les dispenses. Et l'Église, dans ce dernier cas, se montrait beaucoup plus sévère, comprenant bien aussi l'immoralité et le danger social de cette honteuse combinaison (d'Héricourt, v° Mariage, art. 3, alin. 19; Code matrimonial, t. II, III part., p. 688).

Ces motifs sont assez graves sans doute pour expliquer comment les rédacteurs du Code Napoléon ont pu adopter ce parti.

Je crois d'ailleurs qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre le cas où l'enfant aurait été conçu avant l'obtention des dispenses et le cas contraire. L'enfant conçu même depuis l'obtention des dispenses n'en est pas moins incestueux; et nul, assurément, ne soutiendrait le contraire, si, en effet, le mariage projeté n'avait pas lieu; or, le caractère de la filiation ne saurait dépendre de l'événement ultérieur plus ou moins incertain et conditionnel de la célébration du mariage. Les dispenses sont accordées pour le mariage et non pas pour le concubinage! (Orléans, 25 avril 1833, Godeau, Dev., 1833, II, 322; tribunal de Prades, 5 mai 1847, Just, D., 1847, III, 190; Douai, 1er juill, 1864, Bourgeois, Dev., 1864, II, 182; Colmar, 13 mars 1866, Blaise, Dev., 1866, II, 199; Delvincourt, t. I, p. 86, note 12; Merlin, Rép. Légitimation, sect. 11, S2, n° 9; Proudhon et Valette, t. II, p. 165 et 168; Duvergier sur Toullier, t. II, n° 933, note a; Marcadé, art. 331, no 2; Zachariæ, Aubry et Rau, t. IV, p. 596; Massé et Vergé, t. I, p. 313; Revue de législ., t. VIII, 37 et 455, articles de MM. Valette et Thiriet; Observations de M. Cabantous, Dev., 1838, II, 149;

p.

Taulier, t. I, p. 404; Ducaurroy, Bonnier et Roustaing, t. I, no 474; Demante, t. II, n° 67 bis, IV-VI.)

Nous ne pouvons nous empêcher de faire une citation spéciale des articles excellents, que M. Bressolles a consacrés à la défense de cette doctrine. (Revue crit. de législ., 1867, t. XXX, p. 193 et suiv. ; et t. XXXI, p. 208 et suiv.; comp. aussi Duvergey, Revue critique, 1872, p. 433 et suiv. ; et Girault, Revue pratique, 1873, p. 269 et suiv.). 355. Tel me paraît être le sens nécessaire de l'article 331, et je ne saurais concéder à MM. Duranton (t. III, no 177) et Dalloz (Rec. alph., v° Filiation, p. 665, n° 4) qu'une décision judiciaire qui admettrait la légitimation d'un enfant incestueux, ne serait pas probablement cassée; je suis très-convaincu qu'elle devrait l'être, tant que le législateur lui-même n'aura pas modifié les articles 331 et 335.

Déjà plusieurs pétitions ont été, à cet effet, présentées aux Chambres législatives (Moniteur du 30 janv. 1832 et du 4 mars 1838); mais chaque fois on les a écartées par l'ordre du jour; et cela, chose étrange! sur la demande même des partisans de la légitimation, qui soutenaient qu'une loi n'était pas nécessaire. Nous croyons avoir démontré combien cette confiance est peu fondée.

J'aurais, pour ma part, souhaité une réforme ; ce n'est pas, certes, que je veuille proposer de considérer comme une cause grave devant servir de titre à l'obtention des dispenses, la naissance antérieure d'enfants incestueux.

J'applaudis aux paroles du chef de la justice, déclarant qu'il avait donné des instructions en sens contraire, parce que la faveur accordée à de pareils motifs serait un encouragement à la corruption des mœurs (voy. notre Traité du Mariage et de la Séparation de corps, t. I, no 118).

Qu'on ne prenne donc pas en considération les relations antérieures des parties et l'existence des enfants; bien plus! que ces relations et ces désordres deviennent un obstacle à la concession des dispenses; je le

comprends, et je crois que cela serait moral et exemplaire.

Mais si, malgré l'existence des enfants, les dispenses sont accordées, ne vaudrait-il pas mieux jeter le voile sur tout le passé et l'amnistier complétement? Je crois que la morale et la société ne pourraient alors qu'y gagner; et je conviens que l'opinion contraire est bien forte, lorsqu'elle nous représente cette famille en partie incestueuse, en partie légitime, et ce scandale perpétué indéfiniment par la loi elle-même. On ne peut nier que, sous ce rapport, il n'y ait une différence réelle entre cette sorte d'inceste, qui après tout peut être effacé, et l'adultère dont aucune indulgence ne saurait faire remise.

Au moment où nous constations (dans la troisième édition) l'état encore incertain de la jurisprudence sur ce grave problème, la Chambre civile de la Cour de cassation s'en trouvait saisie par la double admission que la Chambre des requêtes a prononcée des pourvois formés contre les arrêts précités de la Cour d'Amiens, du 14 janvier 1864, dans le sens de l'affirmative (supra, no 352) et de la Cour de Douai, du 1er juillet 1864, dans le sens de la négative (supra, no 354; Comp. Cass., 11 avri 1865, Gazette des Tribunaux du 12 avril 1865).

Nous avons le regret de constater aujourd'hui, dans cette quatrième édition, que ces arrêts ont été cassés. (Supra, no 352.)

356. Un enfant naturel s'est marié; et il est mort laissant des enfants, sans avoir été légitimé par le mariage de ses père et mère. Ceux-ci peuvent-ils ensuite légitimer les descendants de leur enfant prédécédé?

Les légitimer? direz-vous; mais ils sont déjà légitimes. C'est vrai, ils le sont; et il faut même qu'ils le soient pour que la question s'élève. Car l'enfant naturel d'un enfant naturel prédécédé ne pourrait, en aucun cas, être légitimé par le mariage des auteurs de celui ou de celle qui l'a reconnu, la reconnaissance ne créant de lien

juridique qu'entre l'enfant et celui duquel elle émane. Mais ce motif même démontre que l'enfant né du mariage de l'enfant naturel prédécédé n'est légitime que vis-à-vis de ses père et mère; et s'il est vrai, comme je le crois, qu'il ne soit pas civilement étranger aux auteurs de ses père et mère (voy. notre Traité du Mariage et de la Séparation de corps, t. II, no 21), néanmoins il n'est pas dans leur famille, il n'est pas enfin un petit-enfant légitime; car il ne se rattache à eux que par son auteur, lequel n'était envers eux qu'un enfant naturel.

Eh bien! donc, je demande si le mariage subséquent des père et mère de l'enfant naturel prédécédé, ferait entrer les enfants légitimes de celui-ci dans leur famille?

C'était autrefois une question fort agitée, et un parti nombreux parmi les docteurs tenait pour la négative (Pothier, du Mariage, n° 413; Bretonnier sur Henrys, t. III, p. 796; Merlin, Répert., vo Légitimation, sect. 11, § 2, no 12).

L'article 332 a eu pour but de trancher cette controverse; il l'a fait dans le sens le plus favorable à la légitimité, et très-certainement le meilleur,

§ II

Quelles sont les conditions et les formes de la légitimation?

357. — Il n'existe plus qu'un seul mode de légitimation le mariage subséquent des père et mère.... subséquent, c'est-à-dire postérieur à la naissance des enfants (art. 331).

358. Mais aussi, tout mariage qui produit les effets civils, produit en conséquence cette légitimation.

Tels sont certainement aujourd'hui les mariages in xtremis et les mariages tenus secrets (voy. notre t. III, n° 17 et 297).

Notre ancienne jurisprudence, il est vrai, refusait les effets civils à ces sortes d'unions (Pothier, du Mariage,

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