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qu'il a eu lieu, il puisse être reconnu et réparé. Les magistrats, en cas de contestation, examineront seulement de plus près la sincérité de la reconnaissance, lorsqu'elle aura été faite par une personne incapable de contracter (infra, no 430).

Remarquons d'ailleurs que les effets pécuniaires de la reconnaissance dérivent de la loi, et que, sous ce rapport, l'auteur de la reconnaissance ne s'oblige pas luimême directement. (Comp. Paul Baret, Histoire et critique des règles sur la preuve de la Filiation naturelle, 3° partie). 388. De cette doctrine, je conclus que la reconnaissance d'un enfant naturel peut être valablement faite :

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1° Par une femme mariée, sans autorisation de son mari ni de justice (voy. notre Traité du Mariage et de la Séparation de corps, n° 187; Rolland de Villargues, des Enfants naturels, no 241);

2° Par un mineur non émancipé, sans l'autorisation de son tuteur, autorisation d'ailleurs tout à fait étrangère à l'organisation de notre tutelle française (Bruxelles, 4 février 1844, Carton, Sirey, 1811, II, 199; Cass., 22 juin 1843, mêmes parties, Sirey, 1813, I, 281; Rouen, 10 mars 4845, Duthil, Sirey, 1815, II, 117; Cass., 4 nov. 1835, Goëthy, Dev., 1835, I, 785; Douai, 17 mars 1840, L... C. R..., Dev., 1840, II, 255; Orléans, 16 janv. 1847, dame D..., D., 1847, II, 17; Merlin, Quest. de droit, t. VIII, v° Paternité, § 2; Toullier, t. II, n° 962; Proudhon, t. II, p. 181; Duranton, t. III, n° 258; Zachariæ, Aubry et Rau, t. IV, p. 669; Massé et Vergé, t. I, p. 318; Loiseau, p. 483; Richefort, t. II, no 259; Cadrès, no 32, Taulier, t. I, p. 423; Demante, t. II, n° 62 bis, XIII et XIV);

3o Par un mineur émancipé, sans l'assistance de son curateur (Aix, 3 déc. 1807, Étienne, Sirey, 1807, II, 693);

4° Par une personne interdite judiciairement pour cause d'imbécillité, de démence, ou de fureur, si elle se

trouve dans un intervalle lucide (voy. notre tome II, n° 127, p. 185; Loiseau, p. 487), et a fortiori par une personne interdite légalement (art. 29 C. pén.; voy. notre tome I, n° 192);

5° Par une personne pourvue d'un conseil judiciaire, sans l'assistance de ce conseil; d'autant plus que les articles 499 et 513, qui déterminent limitativement les actes pour lesquels cette assistance est requise, n'y comprennent pas la reconnaissance d'un enfant naturel (Douai, 23 janv. 1819, Boulanger, Sirey, 1820, II, 102; Allemand, du Mariage, t. II, p. 268).

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389. C'était, avant la loi du 31 mai 1854, qui a aboli la mort civile, un point contestable que celui de savoir si l'individu mort civilement pouvait reconnaître un enfant naturel.

Le mort civilement, en effet, était désormais retranché de sa famille; pour lui, plus de droits de successibilité, plus de tutelle (art. 25; voy. notre Traité de la Publication, des Effets et de l'Application des lois en général, etc., n° 208); or, si la mort civile brisait les liens déjà existants, ne s'opposait-elle pas a fortiori à la formation de nouveaux liens de parenté? (Loiseau, p. 490; Richefort, t. II, n° 266; Massé et Vergé sur Zachariæ, t. I, p. 319.)

Pourtant la parenté est un fait indépendant de la loi positive, qui ne saurait précisément le détruire. La loi positive, sans doute, peut en repousser la preuve ou la destituer des effets civils, comme elle a fait pour la filiation adultérine ou incestueuse; mais c'est là une exception pour laquelle un texte est nécessaire. En général la societé elle-même est intéressée à ce que la preuve de la filiation soit établie; c'est son élément le plus puissant d'organisation et d'ensemble, ou plutôt c'est sa base elle-même la plus essentielle; or, aucun texte ne défendait, ni directement, ni indirectement, à l'individu frappé de mort civile, de reconnaître un enfant

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naturel. Mais les liens de famille étaient brisés! Pas tout à fait; car nous savons que l'obligation alimentaire continuait de subsister réciproque entre le mort civilement et ses parents ou alliés (voy. notre tome I, no 204); or, cette obligation alimentaire est un des effets importants de la reconnaissance; donc, il pouvait se réaliser dans la personne du mort civilement. Ajoutez que la reconnaissance d'un enfant naturel par le mort civilement pouvait aussi fournir à l'État le moyen d'exercer équitablement le droit que lui confère l'article 33. (Comp. Zachariæ, Aubry et Rau, t. IV, p. 670.)

390. Nous avons déjà supposé ailleurs dans la personne de l'étranger la faculté de reconnaître un enfant naturel en France (voy. notre Traité précité, no 149). Rien ne s'y oppose, en effet, si la loi étrangère, qui régit à cet égard sa capacité personnelle, l'y autorise elle-même.

390 bis. Il faut aussi, suivant nous, considérer comme valable la reconnaissance d'un enfant naturel faite par un prêtre catholique, soit qu'il s'agisse d'un enfant qu'il aurait eu avant d'entrer dans le sacerdoce, soit même qu'il s'agisse d'un enfant qu'il aurait eu depuis; c'est ici, en effet, une question de droit civil, et non pas de droit ecclésiastique; or, notre droit civil ne met aucun obtacle à ce qu'un ministre du culte fasse une telle reconnaissance. (Comp. notre Traité du Mariage et de la Séparation de corps, t. I, no 131; et notre Traité de l'Adoption et de la Puissance paternelle, n° 54; ajout. Massé et Vergé sur Zachariæ, t. I, p. 319.)

N° 2. En quelle forme, comment et à quelle époque peut être faite la reconnaissance d'un enfant naturel?

391. « La reconnaissance d'un enfant naturel

sera faite dans un acte authentique, lorsqu'elle ne l'aura pas été dans son acte de naissance. » (Art. 334.)

Cette disposition a pour but, avant tout, d'assurer la liberté et la sincérité de la reconnaissance. La présence d'un officier public a paru être une garantie nécessaire contre les violences, les surprises, les manœuvres enfin de toutes sortes, si à craindre dans un tel acte.

Ajoutez que la forme authentique a, en outre, le double avantage :

1° De donner à la reconnaissance une date certaine, condition souvent très-essentielle, comme dans le cas des articles 331 et 337;

2o D'en assurer aussi la conservation et l'irrévocabilité (voy. Exposé des motifs, par Bigot-Préameneu).

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392. Notre article 334, ne désignant pas les officiers publics qui auront le droit de recevoir les actes de reconnaissance, a donné lieu, sur ce point, à des doutes et à des dissidences. Dans le silence du texte, c'est aux principes généraux qu'il faut demander la solution.

Deux conditions constituent un acte authentique ; 1° La compétence de l'officier public relativement à la nature de l'acte dont il s'agit, au lieu dans lequel cet acte est passé, et aux parties qu'il concerne; 2° l'observation des solennités requises (art. 1317).

Chaque officier public a sa part déterminée d'attributions; chacun d'eux est mandataire de l'autorité souveraine pour accomplir certaines fonctions, pour constater certains faits; dans cette limite, et à raison de ces faits, l'officier public imprime l'authenticité à ses actes; au delà, son pouvoir expire; pour tout autre fait, il n'a plus de caractère public (voy. notre tome III, n° 205). Cela posé, quels sont les officiers qui ont qualité pour recevoir les reconnaissances d'enfant naturel ?

Ce sont régulièrement les officiers de l'état civil et les notaires.

393. A. Tout officier de l'état civil peut toujours, dans les limites de sa commune, recevoir un acte de reconnaissance; c'est là, en effet, toujours un acte de l'état civil, destiné à constater des rapports de paternité et de filiation. Aussi la compétence de l'officier de l'état civil avait-elle été d'abord déclarée, à cet égard, exclusive (Locré, Légis. civ., t. IV, p. 31).

Cette compétence est territoriale; et il importe peu qu' 'aucune des parties, ni l'auteur de la reconnaissance, ni l'enfant reconnu, ne soient domiciliés dans la commune de l'officier de l'état civil qui reçoit l'acte (voy. notre tome I, n° 279; Loiseau, p. 451).

594.- La reconnaissance peut être faite soit dans l'acte de naissance de l'enfant, soit dans un acte postérieur, soit dans l'acte de célébration de mariage des père et mère (comp. art. 57, 62, 331, 334):

Dans l'acte de naissance, suivant les formalités requises pour cet acte;

Dans un acte postérieur, qui doit être inscrit à sa date sur les registres (art. 62), et pour lequel il faut observer les formalités en général requises pour tous les actes de l'état civil. Et s'il est vrai que l'absence de témoins ne serait pas une cause de nullité (Paris, 1er fév. 1812, Chrétin, Sirey, 1812, H, 161), je n'hésite pas à penser que c'est là du moins une irrégularité que l'officier de l'état civil doit éviter de commettre (voy. notre Traité de la Publication, des Effets et de l'Application des lois en général, etc., no 282 et 314);

Dans l'acte de célébration de mariage des père et mère, ce qui suppose que l'officier de l'état civil est alors compétent pour recevoir l'acte de mariage lui-même (voy. notre Traité du Mariage et de la Séparation de corps, t. I, nos 206, 207).

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395. — B. D'après l'article 1 de la loi du 25 ventôse an xi, les notaires sont chargés de recevoir tous les actes auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le

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