Page images
PDF
EPUB

et de trente ans dans tout autre cas (p. 522); et de trente ans toujours, suivant MM. Aubry et Rau sur Zachariæ (t. IV, p. 689). C'est la question de savoir si l'article 1304 s'applique à d'autres actions que celles qui dérivent des conventions, à l'action par exemple en nullité d'une acceptation de succession (art. 783) ou d'une reconnaissance d'enfant naturel, question très-grave et très-complexe dont le moment n'est pas venu.

Par la ratification ou renonciation.... Pourvu qu'elle soit donnée à l'époque où elle peut l'être, c'est-à-dire en cas de vices du consentement, après qu'ils ont cessé, et après le décès de celui qui a fait la reconnaissance, en ce qui concerne ses héritiers ou successeurs. Car nul ne peut renoncer qu'à ce qui lui appartient; or, avant le décès de son auteur, l'héritier présomptif n'avait aucun intérêt né et actuel (arg. de l'article 187); il n'avait aucune action; donc, sa ratification ou renonciation serait sans objet; et si on prétendait qu'elle s'applique à ses espérances de succession future elle ne serait certes pas moins nulle sous ce rapport (art. 791, 1130, 1600).

452. — Mais au contraire, l'action en nullité de la reconnaissance ne me paraît susceptible ni de prescription ni de renonciation, lorsqu'elle s'attaque à la sincérité même de la reconnaissance; car l'état des personnes est inaliénable et imprescriptible (art. 6, 328). Sans doute les droits pécuniaires attachés à tel ou tel état, et les actions. qui en dérivent, n'ont pas le même caractère; et sous ce rapport, l'action en nullité de la part des héritiers ou successeurs de l'auteur de la reconnaissance s'éteindra presque toujours par la prescription de trente ans, à dater du décès de cet auteur; car au bout de trente ans, leur action en pétition d'hérédité serait prescrite; et on ne voit pas trop quel intérêt ils auraient ensuite à contester la reconnaissance. Mais de la part de l'enfant qui veut contester la filiation, que la reconnaissance lui attribue, ou de la part de l'auteur de la reconnaissance, qui veut contester

[ocr errors]

celle qui a été faite de son enfant par une autre personne, l'action doit être toujours et en tout temps recevable.

No 4.

Quels sont les effets de la reconnaissance?

453. Ce n'est pas ici le lieu de parler des effets généraux de la filiation naturelle; il ne s'agit, en ce moment, que des effets de la reconnaissance elle-même, considérée comme moyen de preuve de cette filiation.

454. La reconnaissance, une fois faite, est désormais irrévocable; ce n'est point une offre, ce n'est point une libéralité qui ait besoin d'être acceptée et qu'on puisse jusque-là retirer et reprendre (art. 932, 1121); c'est une déclaration pure et absolue, que la loi, qui l'autorise, accepte pour ainsi dire elle-même au nom de l'enfant et de la société, et qui ne peut plus être rétractée.... — Rétractée, bien entendu, volontairement et par le seul fait de son auteur; sauf le droit qui peut lui appartenir d'en demander lui-même l'annulation en justice.

455. C'est toutefois une question controversée et très-difficile que celle de savoir si ce principe est applicable à la reconnaissance qui aurait été faite dans un testament authentique.

La révocation du testament emporterait-elle aussi la révocation de la reconnaissance?

Non, a-t-on répondu : le testament est un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens, et qu'il peut révoquer (art. 895). Telle est la seule disposition vraiment testamentaire et révocable; or, la reconnaissance d'un enfant naturel n'est point une disposition de biens, elle n'est point un legs (art. 967); elle n'est point enfin une disposition testamentaire; donc elle n'est pas révocable, lors même qu'elle se trouve dans un testament. Que l'on doute si la reconnaissance d'un enfant naturel peut être faite par testament, cela est autre chose (supra, n° 404).

Mais si une fois on concède qu'elle peut être ainsi valablement faite, il faut bien la prendre pour ce qu'elle est, et lui laisser sa nature propre, son caractère esseni ellement irrévocable. Or, aucune loi n'empêche de conigner dans un testament des déclarations et même des onventions qui ne constitueraient point des dispositions testamentaires, et qui n'en conserveraient pas moins, à cette place, leur nature spéciale.

On se récrie: le testament qui renfermait la reconnaissance a été révoqué?

Quant au fond, la réponse est toujours qu'on n'a pu révoquer que ce qui était révocable; et quant à la forme, il suffit de remarquer que la révocation d'un acte testamentaire ne le dépouille pas de sa force probante, à ce point même que le testament d'abord révoqué pourrait revivre lui-même par la révocation de l'acte révocatoire (Cass., 22 mars 1837, Devillers, Dev., 1837, I, 305; Dijon, 8 mars 1838, mêmes parties, Dev., 1838, II, 134; Cass., 7 février 1843, Bigot, Dev., 1843, I, 573).

En raison d'ailleurs et en morale, pourquoi donc laisser à l'auteur d'une reconnaissance d'enfant naturel cette faculté de révocation? Ne serait-il pas scandaleux qu'un individu, qui a fait un tel aveu devant un officier public, en demeurât toujours le maître, et pût, au gré de ses caprices, quitter et reprendre la paternité qu'il a reconnue? (Comp. Corse, 5 juill. 1826, Félix G..., D., 1827, II, 65; Amiens, 9 févr. 1826, Finot, D., 1829, II, 263; Bastia, 17 août 1829, G..., D., 1829, II, 229; Duranton, t. III, no 219; Rolland de Villargues, n° 237; Marcadé, t. IV, art. 1035; Zachariæ, Aubry et Rau, t. IV, p. 690; Colmet de Santerre, t. IV, no 181 bis, III.)

J'aimerais mieux pourtant la solution contraire: Est-il donc vrai que tout ce qui est écrit dans un testament ne soit pas indistinctement révocable? Je sais bien que cette doctrine est ancienne, et qu'elle comptait déjà autrefois d'imposants suffrages (Pothier, des Donations test.,

chap. VI, section II, § 3); mais elle n'en était pas moins dès ce temps rejetée par le plus grand nombre des auteurs et des arrêts. On a toujours généralement considéré que les aveux, les reconnaissances de dettes, de dépôt, et toutes les déclarations de ce genre consignées dans un testament, n'engendraient pas d'obligation proprement dite et pouvaient être révoquées, sauf a celui au profit duquel elles avaient été faites à y puiser un commencement de preuve par écrit.

Je ne parle pas seulement des reconnaissances de dettes, qui seraient faites au profit de personnes incapables de recevoir à titre gratuit, ou après l'épuisement de la quotité disponible. Il est par trop clair que ce sont là des dispositions in fraudem legis, qu'on ne saurait maintenir sans rendre illusoires toutes les lois sur les incapacités personnelles et sur la réserve. On connaît le célèbre adage: « Qui non potest donare, non potest confiteri. »> (L. 27, ff. de Probat.)

Je parle des déclarations de dettes, de dépôts, faites même au profit de personnes qui pouvaient recevoir des libéralités du testateur : c'est bien de celles-là que Furgole a dit « qu'elles ne sont ni obligatoires, ni capables d'établir la dette, ni probatoires de la cause de la dette, et qu'elles ne doivent être considérées que comme une libéralité que le testateur a voulu déguiser sous le titre de dette. » (Des Testaments, chap. x1, n° 4 et 48; ajout. Troplong, des Donat. entre vifs et des Testam., t. IV, n° 2054 et suiv.)

Soit, direz-vous, quand il s'agit de l'aveu d'une dette ou d'un dépôt; on peut supposer alors que le testateur a coloré son legs de ce nom, ou qu'il a voulu assurer au légataire l'avantage d'être payé, le cas échéant, par préférence aux autres (art. 927). Mais une reconnaissance d'enfant naturel! Il est évident que le testateur ne l'aurait pas faite, si elle n'était pas vraie. Il n'y a point là d'autre explication possible.

Voilà précisément ce qu'on disait aussi, dans l'ancien droit, des déclarations par lesquelles le testateur s'était reconnu débiteur pour cause illicite d'exactions usuraires ou de dol: «< pro restitutione male ablatorum ; » mais la règle qui conserve au testateur son droit de révocation, n'en était pas moins étendue à ce cas. Et, pour ma part, je considère cette règle comme très-logique et très-salutaire.

Vous dites que les dispositions testamentaires sont les seules révocables, et que les dispositions de biens à titre gratuit sont seules des dispositions testamentaires.

Voici ma réponse : Toute manifestation de volonté, aveu, déclaration, reconnaissance, etc., a uniquement pour principe l'intention, la volonté de celui dont elle émane; et par conséquent elle ne peut avoir d'autre valeur, d'autre étendue que celle que son auteur a voulu lui attribuer; or, celui qui ne consigne un aveu, une reconnaissance quelconque, que dans un testament, celui-là n'a pas l'intention de se dessaisir de cet aveu; sa reconnaissance n'a pas encore, dans sa pensée même, un caractère définitif; donc, vous ne pouvez pas lui attribuer ce caractère, sans la créer vous-même.

Mon testament, c'est ma pensée intime! ma pensée écrite il est vrai, mais pour rester secrète et m'appartenir toujours à moi-même et à moi seul! Et tout ce que je dépose là, est empreint de ce caractère; rien n'est donc achevé, rien n'est donc acquis à personne; le testament n'est qu'un projet. N'objectez pas que la reconnaissance d'un enfant naturel est irrévocable dès qu'elle est faite; - oui, dès qu'elle est faite; mais je nie qu'elle le soit, je nie que la volonté de reconnaître existe comme elle doit exister, définitive, arrêtée, sûre d'elle-même !

C'est ainsi que la Cour de Bourges a décidé, très-justement, qu'une procuration notariée à l'effet de reconnaître un enfant naturel, ne vaut point, par elle seule, comme reconnaissance, bien qu'elle énonce le fait de la paternité, et que cette énonciation participe du caractère con

« PreviousContinue »