Page images
PDF
EPUB

il

ditaire, même réduit à de simples aliments, n'en serait pas moins un droit de succession nuisible à ceux que la loi a voulu garantir contre les effets de cette reconnaissance. Il peut y avoir sans doute, en cela, peu d'harmonie entre l'article 337 et l'article 762; mais le texte n'estpas formel? Voilà les motifs de mon doute; toutefois si cette opinion paraît rigoureusement logique, je n'hésite pas à reconnaître combien elle est dure, et ne m'étonne pas de l'avantage que la doctrine contraire a obtenu dans la pratique. (Comp. en sens divers, Loiseau, p. 435; Proudhon et Valette, II, p. 146; Toullier, t. I, p. 429; Allemand, t. II, no 859.)

474.- C'est qu'effectivement la reconnaissance ainsi faite pendant le mariage est inefficace, en tant qu'elle pourrait nuire, soit aux enfants issus de ce mariage, soit à l'autre époux.

Aux enfants.... nés avant ou depuis la reconnaissance, légitimes ou légitimés (art. 333), au premier degré ou à un degré inférieur (art. 914; Loiseau, p. 438). La reconnaissance ne saurait en aucun cas leur nuire; et l'enfant naturel ne pourra exercer, à leur préjudice, les droits que lui confère l'article 757; n'y eût-il qu'un seul enfant issu du mariage, l'enfant naturel n'aura rien, et ne pourra pas même demander sa réserve.

475. Il en est de même pour l'autre époux. L'enfant ainsi reconnu ne peut élever contre lui aucune prétention, dont le résultat serait de porter atteinte aux droits qui résultent pour lui de ses conventions matrimoniales ou de la loi.

[ocr errors]

De la loi, dis-je; en effet, aux termes de l'article 767, lorsque le défunt ne laisse ni parents au degré successible, ni enfants naturels, les biens de sa succession appartiennent au conjoint non divorcé qui lui survit; » or, la reconnaissance faite pendant le mariage, étant, en ce qui concerne l'autre époux, déclarée inefficace et comme non avenue, il est vrai de dire qu'en ce qui le concerne, son con

joint ne laisse pas l'enfant naturel qu'il a ainsi reconnu.

Cette solution toutefois a été contestée; on a dit : 1° le droit de succéder est purement légal; il n'a rien de contractuel; l'époux n'a donc pas dû y compter; 2° la disposition finale de l'article 337 ne peut s'expliquer précisément qu'en supposant que, dans le cas où il ne reste pas d'enfants du mariage, l'enfant naturel reconnu pendant le mariage. peut exercer des droits à la succession de son auteur, même au préjudice de l'autre époux; autrement cette disposition n'a plus aucun sens.

Il me paraît facile de répondre :

1° Le droit de succéder est aussi purement légal pour les enfants issus du mariage; et il est vrai de dire aussi, pour ce qui concerne la quotité disponible, qu'ils n'ont pas dû y compter; or, il est certain que la reconnaissance faite pendant le mariage ne peut pas y porter atteinte; donc il en doit être de même pour l'autre époux, auquel cette reconnaissance ne peut pas nuire plus qu'aux enfants.

2o Voilà, il est vrai, ce que l'on nie, en vertu du dernier paragraphe de l'article 337; mais cet argument prouverait beaucoup trop, et l'opinion contraire est ellemême forcée de l'abandonner. Cet argument, en effet, ne tend à rien moins qu'à détruire complétement, au préjudice du conjoint, la disposition principale de l'article 337, qui déclare, en termes très-formels pourtant, que cette reconnaissance ne pourra pas lui nuire, ne pourra à aucune époque, et surtout après la mort de son conjoint, c'est-à-dire à l'époque précisément où ses droits s'ouvrent. S'il faut s'en tenir au dernier paragraphe de l'article 337, la reconnaissance produira son effet, après la dissolution du mariage, s'il n'en reste pas d'enfant; produira son effet, sans aucune distinction, même contre l'époux survivant, et au préjudice des droits qui lui étaient assurés par son contrat; or, personne n'ose aller jusqu'à cette conséquen e, nécessaire pourtant, de l'ar

TRAITÉ DE LA paternité.

31

gument déduit du dernier paragraphe de l'article 337; donc, cet argument ne vaut rien.

Mais alors, comment expliquer ce paragraphe ? Peutêtre ne savait-on pas encore, à l'époque où fut rédigé cet article (21 mars 1803), quels droits seraient accordés aux enfants naturels sur la succession de leur auteur, par des articles décrétés en effet plus tard (art. 757, le 19 avril 1803, et art. 913, le 3 mai 1803; ajout. art. 338). Peut-être les rédacteurs ont-ils été trop exclusivement préoccupés de l'hypothèse la plus ordinaire, de celle où il reste des enfants; peut-être enfin, et cette explication me paraît la plus vraisemblable, ce dernier paragraphe de l'article 337 est-il encore un vestige, mal à propos conservé, des premiers essais de rédaction.

Le projet contenait d'abord trois articles sur ce sujet: l'un (art. 10) d'après lequel celui des époux qui avait eu des enfants naturels d'un autre que de son époux, devait en faire la reconnaissance avant la célébration; l'autre (art. 11), d'après lequel la reconnaissance faite postérieurement au mariage ne pouvait produire aucun effet à l'égard de l'autre époux et des enfants de ce mariage; le troisième enfin (art. 12) d'après lequel: « Après la dissolution du mariage, et s'il n'en reste pas d'enfants, 'époux, qui aurait omis de reconnaître son enfant avant le mariage, pourra en faire la reconnaissance dans les formes prescrites au titre des actes de l'état civil. » (Locré, Légis. civ., t. VI, p. 30.)

Ce dernier article supposait, comme on le voit, le prédécès de l'autre époux; et, c'est sans doute par inadvertance, qu'en supprimant cet article, on lui a emprunté ce membre de phrase, qui ne pouvait plus s'accorder avec la seule disposition que l'on conservait. Il faut effectivement, en ce qui concerne l'autre époux, choisir entre la première et la seconde disposition de notre article 337; il faut que l'une absorbe l'autre ; or, il est évident que la disposition principale et essentielle se trouve dans

la première partie de l'article, et que la seconde n'en est qu'un développement plus ou moins inexact.

Telle est aussi l'opinion de M. Allemand, qui ajoute qu'il serait nécessaire, dans cette hypothèse, qu'un testament du père naturel vînt au secours de l'enfant et lui conférât les droits de légataire universel pour suppléer aux droits d'héritier, dont l'article 337 le priverait. » (Du Mariage, t. II, no 854.)

Toutefois, cette dernière proposition pourrait même

être contestée.

En principe, la loi ne permet pas aux père et mère naturels de faire à leur enfant des libéralités qui modifient, au préjudice des héritiers et successeurs légitimes, les droits qu'elle leur accorde (art. 338, 756, 757, 761, 908, 911).

Or, l'article 337 s'oppose à ce que l'enfant reconnu par l'un des époux, dans les circonstances qu'il détermine, recueille la succession au préjudice de l'autre époux (art. 767).

Donc, l'auteur de la reconnaissance ne peut, par son fait, changer indirectement cet effet de la filiation naturelle, et sacrifier les droits du conjoint à son enfant (comp. Poitiers, 5 mai 1858, Girardias, Dev., 1858, II, 420; Zachariæ, Aubry et Rau, t. IV, p. 691; Massé et Vergé, t. I, p. 328; Demante, t. II, no 65 bis, III. Comp. Cass., 28 mai 1878, Fléchaire, Dev., 1879, 1, 337; et Dalloz, 1878, I, 401; avec le rapport de M. le conseiller Connelly, les Observations de M. Labbé).

476. On a été jusqu'à dire que l'enfant reconnu pendant le mariage par l'un des époux, ne pourrait pas exercer ses droits successifs au préjudice des avantages que l'auteur de la reconnaissance aurait faits à son conjoint pendant le mariage, soit par donation entre-vifs (art. 1096), soit par testament (Duranton, t. III, no 253, Demante, loc. supra cit.).

Mais cette opinion ne nous paraît point admissible : 1° parce que le texte de l'article 337 ne protége que

l'époux contre les effets de cette reconnaissance, l'époux en cette qualité même et considéré comme tel, et non point le donataire ou le légataire; 2° parce qu'en effet les motifs ne sont plus alors les mêmes. On ne peut pas dire que le mariage a été célébré sur la foi de ces avantages, puisqu'ils n'ont été faits que depuis, ni que depuis, ni que l'époux a pu y compter, puisqu'ils étaient toujours révocables. Je crois donc que l'enfant pourrait, dans tous les cas, pour obtenir sa réserve, faire réduire contre l'époux ces sortes de libéralités, sans distinguer même si elles sont antérieures ou postérieures à la reconnaissance; car il n'invoque pas une révocation tacite de ces libéralités par la reconnaissance; il exerce le droit de réserve, qui lui appartient dans la succession de son auteur (Caen, 24 ventôse, an xii, Méry; et Tribunal civil, 17 mai 1842, Lhuillier; Zachariæ, Aubry et Rau, t. IV, p.691; Duranton, t. III, no 253; Marcadé, t. II, art. 337, n° 489). § 11.

477.

Possession d'état sans titre.

SOMMAIRE.

La possession d'état prouve-t-elle la filiation naturelle? — Trois opinions sout en présence:

478.-1° La possession d'état ne prouve la filiation naturelle ni à l'égard du père, ni à l'égard de la mère.

479.

- 2o Elle prouve la filiation naturelle à l'égard de la mère seulement, mais non à l'égard du père.

480. 3. Elle prouve la filiation naturelle non-seulement à l'égard de la mère, mais encore à l'égard du père.

480 bis.Suite.

477. C'est une question difficile et très-controversée que celle de savoir quelle est l'influence de la possession d'état, en ce qui concerne la preuve de la filiation naturelle.

Trois opinions sont en présence:

478. La première enseigne que la possession d'état ne prouve la filiation naturelle, ni à l'égard du père, ni

« PreviousContinue »