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Soit quant aux formes suivant lesquelles il doit l'être; Soit enfin quant aux délais dans lesquels le désaveu doit être aussi formé sous peine de déchéance.

C'est ainsi qu'il doit être, en effet, formé par le mari dans les deux mois à compter du jour de la naissance de l'enfant, ou du moins dans les deux mois à partir du jour où il en a eu connaissance. (Comp. Poitiers, 22 janvier 1857, Doussard, J. du P., 1858, p. 281; Cass., 9 déc. 1857, mêmes parties, Dev., 1858, I, 97; Nancy, 12 janv. 1861, B..., Dev., 1861, II, 307; Duvergier, Rec. des lois, 1850, p. 475, note 3.)

C'est une question controversée toutefois que celle de savoir si c'est au lieu du domicile du mari ou au lieu du domicile de la mère, que doit être convoqué le conseil de famille chargé de nommer un tuteur ad hoc à l'enfant.

La Cour de Toulouse décide que la convocation n'en doit pas moins être faite, dans ce cas, au lieu du domicile du mari (11 juin 1874, Malrieu, Dev., 1874, II, 173).

Tandis que d'autres arrêts décident, plus logiquement, suivant nous, que c'est au lieu du domicile de la mère que cette convocation doit être faite.(Dijon, 24 janv. 1872,A..., D. 1872,II,4; Cass.,19 août 1872, A..., Dev. 1874,1,75.)

55 bis IV. De ce que nous venons de dire toutefois, il ne faut pas, bien entendu, conclure qu'il soit nécessaire que la naissance ait été cachée au mari.

Évidemment non! et notre preuve, à cet égard, est déjà faite (supra, no 55 bis).

Ce que nous constatons seulement ici, c'est que pour que le délai de deux mois coure contre le mari ou ses héritiers, il faut qu'ils aient eu connaissance et même une connaissance positive de la naissance de l'enfant. 55 bis V. Les adversaires du mari peuvent repousser l'action en désaveu par voie d'exception et de défense, en prouvant qu'il y a eu réunion de fait entre les époux.

C'est là, en effet, un moyen qui tend directement à détruire la cause même sur laquelle le désaveu est alors

fondé, en rendant vraisemblable le rapprochement des époux, que le jugement de séparation de corps ou l'ordonnance du président avait rendu invraisemblable. De ce motif même résultent deux conséquences: L'une, relative au caractère et aux circonstances que doit présenter la réunion de fait;

L'autre, relative à l'époque où elle doit avoir eu lieu. 55 bis VI. Et d'abord, il est évident que toute espèce de réunion de fait qui aurait lieu entre les époux, ne saurait fournir une exception contre l'action en désaveu.

Il faut qu'il s'agisse d'une réunion accompagnée de circonstances telles qu'elle rende probable ou tout au moins possible la cohabitation des époux.

Ce n'est pas qu'il soit nécessaire qu'il y ait eu une réconciliation proprement dite, emportant renonciation au jugement ou à l'instance; un simple fait de réunion, même accidentelle, pourrait être admis comme moyen d'exception contre le désayeu. (Comp. notre Traité du Mariage et de la Séparation de corps, t. II, no 536 bis; Demante, t. II, no 40 bis, II.)

Mais il ne suffit pas non plus sans doute que les époux, dans une circonstance quelconque, se soient trouvés en présence, comme par exemple dans l'étude du notaire pour le règlement et la liquidation de leurs droits.

La réunion de fait, dont il s'agit, est donc celle qui aurait eu lieu sans témoins et dans des conditions de nature à permettre un rapprochement intime entre le mari et la femme. (Comp. le jugement du tribunal de Bar-surAube du 1er mai 1853, confirmé par la Cour de Paris le 18 février 1854, Ferdinand, Dev., 1854, II, 85.)

55 35 bis VII. - Quant à l'époque à laquelle cette réunion doit avoir eu lieu, il n'est pas moins certain qu'elle doit être telle que la conception puisse s'y rapporter.

Qu'est-ce que prouverait, par exemple, relativement à la paternité du mari, la réunion de fait entre les époux, si l'enfant était né moins de cent quatre-vingts jours

ou plus de trois cents jours depuis qu'elle aurait eu lieu ?

Évidemment donc, il est nécessaire que l'époque de la conception de l'enfant corresponde à l'époque de la réunion de fait, d'après le système général du Code sur la durée de la plus courte ou de la plus longue gestation. (Comp. supra, n° 47; Demante, t. II, no 40 bis, II; Valette, Explicat. somm. du liv. I du Cod. Napol., p. 173.)

« C'est donc, dit Demante (loc. cit.), sous la condition sous-entendue de rapport possible entre les deux époques que la loi paraît devoir en général être appliquée. » Puis, le savant auteur ajoute:

« Et toutefois, la condition n'étant pas expresse, et le fait prouvé d'une réunion pouvant, suivant les circonstances, en faire supposer d'autres, je ne sais si, nonobstant le défaut de rapport entre les deux époques, le fait de réunion n'autoriserait pas les juges, selon les cas, à repousser l'action en désaveu. »

Que les juges aient le pouvoir de décider, en fait, d'après les circonstances, que la réunion entre les époux peut se rapporter à l'époque de la conception de l'enfant, nous le croyons également aussi; et dans cette appréciation, qui leur appartient, ils peuvent tenir compte, en effet, de toutes les circonstances, notamment des habitudes et des mœurs de la mère, pour en induire, si elle est honnête, que la réunion de fait, prouvée par elle, lors même que peut-être elle ne coïnciderait pas rigoureusement avec l'époque de la conception, a pu être suivie d'une autre réunion.

Mais toujours faut-il qu'il soit reconnu que la réunion coïncide avec l'époque de la conception.

55 bis VIII. — Reste à savoir si l'exception résultant de la réunion de fait entre les époux est péremptoire elle-même, aussi bien que l'action en désaveu.

En d'autres termes, les juges sont-ils obligés d'admettre cette exception contre l'action en désaveu, lors même qu'il paraîtrait vraisemblable, d'après les circonstances,

que l'enfant est d'un autre que du mari, comme si, par exemple, avant ou depuis la réunion, la femme avait été convaincue d'un fait d'adultère, qui se rapporterait aussi bien ou même mieux encore que cette réunion à l'époque probable de la conception?

L'affirmative résulte bien des termes impératifs de notre loi:

« L'action en désaveu ne sera pas admise, s'il y a eu « réunion de fait entre les époux. »

Et nous avons déjà vu d'ailleurs aussi que, en principe, la preuve de l'adultère de la femme ne suffit pas pour détruire la présomption de paternité du mari, dès que cette présomption existe: Potest enim uxor adultera esse, et impubes defunctum patrem habuisse (supra, no 48). Les magistrats sans doute ont, en fait, com me nous venons de le dire, un pouvoir discrétionnaire d'appréciation sur le point de savoir s'il y a eu, entre les époux, une réunion réunissant les conditions que nous venons d'exposer.

Mais dès que le fait est reconnu, nous ne croyons pas qu'ils aient, en droit, le pouvoir de ne pas admettre alors l'exception qui est opposée à l'action en désaveu. (Comp. Demante, t. II, no 40 bis, III.)

55 bis IX. Est-il besoin de dire que le nouveau paragraphe de l'article 313 ne s'applique qu'aux enfants qui auront été conçus depuis sa promulgation? (Art. 2.)

Voici, à cet égard, comment s'est exprimé le rapporleur, Demante:

« Votre Commission s'est demandé s'il ne conviendrait pas, comme l'avait fait la Chambre des pairs en 1834, de proclamer ici son respect pour le principe de non-rétroactivité, en déclarant les dispositions de la loi nouvelle exclusivement applicables aux enfants conçus depuis sa promulgation. Mais nous avons pensé qu'une déclaration semblable de la part du législateur était tout à fait sans objet; le principe de non-rétroactivité des lois est écrit dans l'article 2 du Code Napoléon ; et

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c'est à la sagesse des tribunaux qu'on doit s'en rapporter pour en faire une juste et saine application. (Comp. Duvergier, Rec. des lois, 1850, p. 475, note 3.)

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De l'enfant conçu avant et né depuis la célébration du mariage.

56. Nous savons que l'enfant conçu avant le mariage est celui qui naît avant le cent quatre-vingtième jour depuis la célébration (supra, no 13-16).

L'article 314 détermine son état :

« L'enfant né avant le cent quatre-vingtième jour du « mariage ne pourra être désavoué par le mari dans les « cas suivants: 1° s'il a eu connaissance de la gros<< sesse avant le mariage; 2° s'il a assisté à l'acte de << naissance et si cet acte est signé de lui ou contient sa « déclaration qu'il ne sait signer; 3°si l'enfant n'est pas « déclaré viable. »

De là résultent trois propositions :

1° Cet enfant naît de plein droit légitime et demeure tel tant qu'il n'est pas désavoué; aucune reconnaissance quelconque n'est exigée de la part du mari; son silence seul suffit pour que l'enfant conserve la légitimité que lui confère le seul fait de sa naissance dans le mariage. La loi présume, et très-justement, que le mari lui-même se reconnaît ainsi l'auteur de la conception antérieure au mariage.

2o Mais le désaveu, dans ce cas, n'est soumis à aucune condition; le mari n'a rien à prouver autre chose, si ce n'est que cet enfant a été conçu avant le mariage, c'est-à-dire à une époque où la présomption qui lui attribue la paternité n'existait pas encore (art. 312, Ir part.). Le désaveu, ainsi formulé, est péremptoire (Liége, 24 fructidor an xi, Degrady, Sirey, 1806, II, 24 ; Cass., 25 août 1806, mêmes parties, Sirey, 1806, I, 952; Merlin, Rép., t. VII, vo Légitimité, sect. 11, § 2, n° 4).

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