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pèce de mauvaises et fausses nouvelles, en exploitant et exagérant soit des fautes inévitables, soit l'effet de mesures imposées par la nécessité. C'étaient les hommes d'ordre » qui poussaient alors in désordre. Un jour, des négociants, voulant que la prorogation les échéances commerciales fût portée de six jours à trois mois, sayaient d'effrayer le gouvernement par la menace de fermer urs fabriques, leurs magasins et de jeter sur le pavé leurs oujers et leurs employés. Le gouvernement résista, et la menace ne pas exécutée. Un autre jour (16 mars), le décret sur la garde fionale ayant supprimé les compagnies improprement dites d'é, les gardes qui en faisaient partie se réunissent militairement ans fusils toutefois) et se portent vers l'Hôtel de Ville pour exiger maintien d'une puérile distinction. A la hauteur du Pont-auance, ils trouvent le quai intercepté par une masse d'ouvriers, @voqués la veille au soir, sur le bruit que la manifestation était pigée contre certains membres du gouvernement. Une collision Mût engagée si le général Courtais ne fût intervenu. Une partie gardes nationaux put arriver jusqu'à l'Hôtel de Ville où leurs légués furent reçus par Arago et Marrast qui leur firent sévèreat sentir le ridicule et l'imprudence de leur conduite et déclarent que le décret ne serait pas modifié. Les délégués et les stres se retirèrent confus, au milieu des rires dont la foule saluait a dénoûment de cette tentative à laquelle on donna le nom de manifestation des bonnets à poil à cause de la coiffure des companies supprimées.

Arago avait dit aux délégués que leur manifestation en provoqueat une autre en sens contraire. Celle-ci, eut lieu le lendemain 17. e longues colonnes d'ouvriers, parties des Champs-Élysées, se endirent en bon ordre, par les quais, à l'Hôtel de Ville. Leur tention n'était que de témoigner leur sympathie au gouverneent et surtout à ceux de ses membres contre lesquels avait été, Usait-on, organisée la manifestation de la veille. Mais les délégués

furent introduits dans l'Hôtel allèrent au delà de ce but; ils >mandérent impérativement que les élections de la garde natioades fussent retardées et que toute troupe militaire fût éloignée de ∙ris. Le gouvernement refusa d'obtempérer à une sommation nenaçante et promit seulement d'examiner la pétition en ce qui conmait les élections. La manifestation se dirigea alors, par la Bastille, ar les boulevards qu'elle parcourut silencieusement et se sépara Ix Champs-Élysées. Une partie alla au ministère de l'Intérieur.

Ledru-Rollin leur représenta avec énergie combien l'éloigneme de la troupe serait une mesure blessante pour l'armée qui n'av pas mérité d'être ainsi traitée.

Ces deux manifestations eurent le regrettable résultat de faire écla une sorte de séparation entre des habitants d'une même ville et a d'aggraver les dissidences personnelles au sein du gouvernemen

Ce fut, dès lors, un parti pris d'incriminer tous les actes du vernement et de fomenter la division parmi ses membres, en sant la majorité modérée à la minorité violente et en acc celle-là de se laisser dominer par celle-ci. On propageait, à des les mauvaises nouvelles, exagérées quand elles étaient vraies, ventées quand les véritables manquaient; on feignit des alar que l'on n'avait pas; on affecta la gêne, on réduisit ses dépens on renvoya ses domestiques, on vendit avec ostentation argenter bijoux, on déserta Paris.

La Révolution de Février s'était faite au nom du droit de réun les hommes qu'elle venait de porter au pouvoir avaient tous, la parole ou par la plume, revendiqué ce droit ainsi que le d d'association et la pleine liberté de la presse. Conséquents à le doctrines passées, ils laissaient toute carrière à ces diverses libert Il y eut inévitablement des abus; on en grandit outre mesure portée. Des clubs nombreux s'étaient ouverts. La plupart et les suivis soutinrent, au moins dans les premiers temps, le gouver ment provisoire; mais il s'en trouva d'hostiles. Certains ne fur qu'une misérable parodie des grands clubs de la prem Révolution, comme certains journaux nouvellement crées furent que de grotesques imitations des feuilles les plus violent de la même époque. Peut-être quelques-uns de ces clubs et ces journaux ne furent-ils que des spéculations imaginées par gens intéressés à effrayer l'opinion. Dans les clubs socialistes, prêchait ou le communisme absolu de Cabet, ou des plans de novation sociale tenant plus ou moins du communisme. Or I communisme, dont on fit alors un si grand épouvantail, est un doctrine vieille comme le monde, qui a paru, disparu et inévitable ment reparaîtra encore à différentes époques, sans être jamais ment redoutable, parce qu'elle serait un retour en arrière, not th progrès. Ailleurs, on produisait des motions extravagantes. Il fa bien s'attendre à pareille explosion, après une si complète pression. Les classes populaires ne savaient pas user de la libert quand et comment l'auraient-elles appris? Sait-on manier un

strument dont on ne s'est jamais servi, et apprendrait-on à en faire usage ne l'ayant pas dans les mains? Alors, comme plus tard, les réunions publiques furent abandonnées aux rêveurs ou aux charlatans; les gens sensés ou prétendus tels dédaignèrent d'y prendre la parole et d'appliquer à des idées saines et pratiques ce puissant moyen d'enseignement. N'ayant pas eu le courage nécessaire pour tenter d'en tirer bon parti, ils crièrent de toutes leurs forces contre eux qui en faisaient mauvais emploi.

En journaliste dont l'ambition déçue se vengeait en clameurs aribondes, fut menacé par une émeute populaire qui se porta ers ses bureaux. Ledru-Rollin s'y rendit de sa personne et protégea, anom de la liberté, l'insulteur du gouvernement. Tous les jouraux républicains protestèrent contre une violence qui portait leinte à toute la presse française.

§ III. JOURNÉE DU 16 AVRIL. Les dissidences existant parmi les embres du gouvernement provisoire n'étaient un mystère pour personne. Si la pensée n'était pas venue spontanément à quelques gitateurs de club d'en profiter pour amener une scission éclatante avec l'assistance de la minorité du gouvernement, expulser la majorité, considérée comme trop modérée, cette pensée aurait été tertainement suggérée par les intrigues des journaux réactionnaires pour faire prédominer les tendances attribuées à la majorité sur celles de la minorité. Quoi qu'il en soit on ne peut guère révoquer en doute qu'il ait existé un projet d'éliminer les membres modérés pour former un Comité de salut public ou à Ledru-Rollin, Louis Blanc, Flocon et Albert seraient adjoints Raspail, Blanqui, Kersausie et Cabet. Cette combinaison était connue et peut-être encouragée de quelques amis du ministre de l'Intérieur, mais d'autres y étaient opposés.

Ledru - Rollin, lorsqu'on lui en parla sérieusement, la repoussa avec énergie. Il pouvait désirer plus de fermeté, plus d'élan fans l'attitude du gouvernement; il ne voulait pas se substituer par la force à ses anciens collègues.

L'idée d'un coup d'État populaire persista néanmoins et fut surtout adoptée par Blanqui. C'était pour lui le moyen d'effacer une accusation dont il n'avait pu se justifier. Une publication intitulée Revue rétrospective venait d'imprimer un Rapport sur l'émeute du 12 mai 1839, trouvé dans les papiers de l'ancien ministre de l'Intérieur, Duchâtel. Ce document non signé, était une dénonciation précise et minutieuse contre Barbės, Martin Bernard et quelques

autres républicains; quel délateur avait ainsi renseigné la royauté A la première lecture Barbès s'était écrié : « Ce ne peut être q Blanqui ou moi! » Tout le monde avait accusé Blanqui; on préte dait le reconnaitre à certaines locutions particulières qui lui étaie habituelles. Après une dizaine de jours d'intervalle Blang avait fait une réponse peu satisfaisante: le soupçon restait sur Le dimanche 16 avril était indiqué pour une réunion, au Champ Mars, des délégués de la garde nationale; ils se proposaient f ensuite faire une démonstration de sympathie au gouvernemen Blanqui résolut de mettre l'occasion à profit.

Le 16, au matin, pendant que les délégués procédaient à len élections, le club de Blanqui se rendit au Champ de Mars. même heure, les ateliers nationaux avaient une réunion à l'Hipp drome, près de l'arc de l'Étoile.

Les élections terminées, les délégués firent une collecte destin à être offerte au gouvernement et se mirent en marche p l'Hôtel de Ville. Le club Blanqui et une partie des ateliers se gnirent à eux.

Dès la veille, le gouvernement avait été prévenu du projet délégués par Louis Blanc qui en affirmait le caractère pacifiqu mais des rapports de police prétendaient que la démonstratio annoncée n'avait pas d'autre but que l'expulsion d'une partie gouvernement. Le dimanche, de très-bonne heure, Ledru-Rolli était allé chez Lamartine l'assurer de sa résolution de ne pas séparer de ses collègues. Ils sortirent ensemble, Lamartine alla donner l'ordre de mettre la garde mobile sous les armes, Lein allant prescrire à l'état-major de la garde nationale de faire batt le rappel. D'un autre côté, Marrast, faisait mettre l'llôtel de Vill en état de défense.

Les ouvriers, venant du Champ de Mars, dans un ordre et ave une attitude qui avaient déjà démontré à Blanqui l'inanité de ses calculs, marchèrent, sans obstacles, jusqu'au Louvre. A partir de là, ils virent déboucher, presque de chaque rue, des bataillons de gardes nationaux qui suivaient les quais, parallèlement à leur colonne et la coupant parfois. Arrivés à la place de Grève, ils la trouvèrent occupée par un tel nombre de gardes qu'ils durent s'arrêter. Ils obtinrent, à grand'peine, le passage pour une députation charged d'exprimer leur surprise de l'accueil qu'ils recevaient quand ils apportaient au gouvernement un acte d'adhésion et une offrande patriotique. Les adjoints à la mairie firent à cette députation une

réponse plus sévère que juste. Toutefois, Louis Blanc étant survenu ordonna que les rangs des gardes nationaux s'ouvrissent pour laisser défiler les ouvriers devant le gouvernement; l'ordre fut exécuté, mais de manière qu'une ligne de gardes séparait les ouvriers de l'hôtel, comme si l'on craignait qu'ils ne voulussent l'envahir. Ainsi pratiqué, le défilé était moins un honneur qu'une humiiation. La garde nationale criait: A bas les communistes! Mort z communistes! et les bataillons, en regagnant leurs circonscripjous, faisaient partout entendre ce cri que répétaient les curieux. Dans ces bataillons, il y avait bon nombre d'ouvriers. Beaucoup de eux qui criaient ainsi croyaient, probablement, de bonne foi, à un oup de main projeté par les communistes, mais il y avait là aussi ien des bonnets à poil du 16 mars pour lesquels ce cri voulait ire à bas la République! Dès lors, le mot de « communiste » deint une de ces dénominations commodes avec lesquelles on dénonce ux fureurs de la multitude ou aux sévices du pouvoir, selon les amps, les gens que l'on veut perdre.

Le lendemain les délégués du Luxembourg envoyèrent une prostation où, avec dignité et non sans amertume, ils se plaignient des soupçons outrageants de la veille, expliquant, de noueau, leur conduite, et rappelant qu'ils étaient allés à l'Hôtel de ille, comme au Champ de Mars, sans armes, ce qui témoignait de eurs intentions pacifiques.

Le gouvernement répondit par des paroles de confiance et en appelant, à son tour, ce qu'il avait déjà fait en faveur des ouvriers ten promettant de continuer à s'occuper de leur sort.

Une autre proclamation, adressée à la garde nationale, proscrivit s cris de mort et fit appel à la concorde sous le seul cri de: Vive 1 képublique!

Si cette journée déjoua un complot contre la République, elle fut one, en somme, bonne pour la République. Cependant la presse actionnaire l'exploita à son profit et, affectant d'oublier qu'à ce nument, les ouvriers, et ceux-là même qu'on prétendait avoir amcus la veille, faisaient partie de la garde nationale, elle opposa erfidement la garde nationale aux ouvriers, jetant ainsi le gerine in antagonisme qui devait, trois mois plus tard, éclater en guerre ratricide.

§ IV. ÉLECTIONS. Les élections de la garde nationale s'étaient complies avec calme et régularité. Bon nombre d'ouvriers furent boramés officiers.

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