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infraction à la discipline militaire, que rendait plus grave encore l'insertion de ces rodomontades dans le journal officiel 1.

Le ministre des affaires étrangères, Walewski, ne craignit pas de s'associer à ces manifestations, en expédiant au gouvernement an_lais une note pour réclamer des mesures contre les complots des réfugiés. Il fit, toutefois, déclarer au gouvernement anglais, par l'ambassadeur français, Persigny, que la publication du Monter: était le résultat d'une inadvertance, excuse bien invraisemblable,

磐 * Voici quelques extraits de ces adresses militaires :

⚫ Cet odieux et lache attentat a rempli nos cœurs d'indignation, de umas roux, contre ceux qui deviennent les complices de ces sanguinaires a chistes en leur donnant asile.

.... De si criminels attentats ne se renouvelleront pas; mais si, par talité, Votre Majesté était ravie à la France, vos ennemis, qui sont aussi ce de la patrie, trouveraient, à l'encontre de leurs desseins, le dévouemeď inaltérable de l'armée, qui les écraserait s'ils voulaient mettre obstacle àļ transmission régulière de la couronne à vos successeurs...

Le général commandant la 19• division militaire,

« BAZAINE,»

⚫ Les bêtes féroces qui, à des époques périodiques, quittent le sol étrange pour venir inonder de sang les rues de votre capitale, ne nous inspirent du dégoût, et si Votre Majesté a besoin de soldats pour atteindre ces homm jusque dans leur repaire, nous la prions très-instamment de désigner 82 régiment pour être l'avant-garde de cette armée.

« Le colonel,

« CASTAGNY. »

Dans nos cœurs virils, l'indignation contre les pervers, succédat notre gratitude envers Dieu, nous porte à demander compte à la terre l'impunité où git le repaire de ces monstres qui s'abritent sous ses lois. • Ordonnez, Sire, et nous les poursuivrons jusque dans leurs places des reté.

« Le colonel du 59′ régiment de ligne,

« HARDY. »

• Que les misérables sicaires, agents subalternes de pareils forfaits, repa vent le châtiment dù à leur crime abominable; mais aussi que le repaire|| infâme où s'ourdissent de si infernales machinations soit détruit à tout ¿«| mais.

Le général commandant la 2 division militaire,

« Comte GUDIN. »

Il semble impossible de considérer comme amis les gouvernements capables de donner asile à des bandits auxquels on laisse proclamer in nément le régicide.

« Le colonel du 22 de ligne,
MALTAT. »

Lord Palmerton proposa au Parlement des mesures répondant au vœu du cabinet français. Il subit un échec qui l'obligea à quitter le ministère.

De ce moment, l'Angleterre qui, depuis le traité de Paris, n'avait plus qu'une médiocre confiance en Napoléon III, et qui se rappelait les manifestations militaires dont fut précédé le coup d État du 2 décembre, se mit en garde contre l'éventualité d'un tentative de descente sur ses rivages. Elle éleva et arma des défenses le long de son littoral, augmenta sa flotte et organisa rapidement des corps de volontaires pour la défense intérieure.

H. LOI DE SURETé générale. Le Corps législatif s'assembla le 18 janvier, jour antérieurement fixé. Le discours impérial d'ouTerture fit d'abord l'éloge du gouvernement, vanta ses alliances, le montra comme l'application vraie des principes de 89. Il ajouta : ... Le danger, quoi qu'on en dise, n'est pas dans les prérogatives excessives du pouvoir, mais plutôt dans l'absence des lois répressives... Vous obligerez tout éligible à prêter serment à la Constitution avant de se porter candidat... La pacification des esprits devant être notre but constant, vous m'aiderez à rechercher les moyens de réduire au silence les oppositions extrêmes et faclieuses. En effet, n'est-il pas pénible, dans un pays calme et prospère, respecté en Europe, de voir, d'un côté, des personnes décrier nn gouvernement auquel elles doivent la sécurité dont elles jouissent, tandis que d'autres, ne profitent du libre exercice de leurs droits politiques que pour miner les institutions? >>

Ce grossier sophisme reproduit la prétention de tous les gouvernements d'être seuls aptes à faire le bonheur des peuples et de faire considérer comme factieux et coupables tous ceux qui ne s'inclinent pas devant l'infaillibilité du pouvoir.

Le discours du trône » fut suivi de près des mesures qui y Maient annoncées. Le 1er février, fut présenté un projet de Jo, dite de sûreté générale, punissant de peines rigoureuses les

its nouveaux de provocation non suivie d'effet à des attentats contre le gouvernement, de manœuvres ou intelligences soit à l'inFerieur, soit à l'étranger; de fabrication, débit ou distribution de matières explosibles et de poudres fulminantes. Tout condamné pour un de ces délits pouvait être, par simple mesure administrative, interné soit en France, soit en Algérie, ou expulsé du territoire. La même mesure était applicable aux condamnés pour réunions illicites, sociétés secrètes, détention d'armes de guerre,

attroupements et pour certains délits de presse, aux condamnés pour participation aux insurrections de juin 1848 (où le bonapartisme avait eu la main), du 13 juin 1849 et à la résistance contr le coup d'État du 2 décembre. C'était un effet rétroactif contraire a tous les principes de législation. Tout interné ou expulsé ay quitté sa résidence obligatoire ou étant revenu en France, pourat être enfermé dans une colonie pénitentiaire.

L'internement et l'expulsion étaient ordonnés par le ministre de l'intérieur, sur l'avis du préfet, du commandant du det ment, du procureur général ou, à défaut de celui-ci, du procureu impérial.

La loi devait cesser d'être en vigueur le 31 mars 1865, si elle n'était prorogée. Ce fut le seul adoucissement introduit par la com mission législative dans le projet du gouvernement.

Cette loi, quoique le rapport passat en revue la situation de divers partis, était entièrement dirigée contre les républicains, Baroche, avocat du gouvernement, le dit très catégoriquement àl tribune; elle ne frappa, en effet, que des républicains. Cepen dant, l'empereur, quand il la fit pressentir; le ministère, quandi la présenta; le rapporteur du Corps législatif (c'était Morny), quat i en proposa l'adoption; les députés, lorsqu'ils la votèrent, 18 février, par 126 voix contre 24, savaient tous qu'il n'avait exist aucune sorte de rapport entre Orsini et les républicains français Elle fut vivement combattue par M. Émile Ollivier. Le premie Bonaparte avait agi ainsi après l'affaire de la machine infernale on tenait à l'imiter jusque dans ses iniquités. La Restauration en aussi sa loi des suspects, en 1815, après les Cent-Jours, ses lon d'exception en 1817 et après le crime de Louvel, en 1820. La me narchie de Juillet eut les siennes, les fameuses lois de septembre 1835, à la suite de l'attentat Fieschi; mais toutes ces lois étaient bien dépassées par la loi de 1858.

De son côté, le Sénat, dès la fin de janvier, avait voté un séna tus-consulte en vertu duquel l'empereur nomma sa l'impératrice ré gente, et lui adjoignit un conseil privé, dont il nomma les membres

Le ministre de l'intérieur Billault et le préfet de police Pietri. ayant donné leur démission à propos de la réorganisation de la police générale, l'empereur nomma ministre de l'intérieur et de la sûreté générale (7 février), le général Espinasse, un des colonels du 2 décembre, militaire ignorant et brutal, ne sachant qu'iber

servilement.

Espinasse fit venir à Paris

§ III. RECRUDESCENCE DE TERREUR. tous les préfets, indiqua à chacun le nombre des arrestations à opérer, leur laissant la liberté de choisir qui bon leur semblerait dans leur département, et leur remit des mandats en blanc : plusieurs furent décernés contre des hommes absents de France ou même morts.

On vit alors, pour la seconde fois depuis six ans, des citoyens, notés parmi les plus honnêtes et les plus honorables, arrachés à leur foyer, à leurs affaires, à leur pays, emmenés comme des malfaiteurs, les menottes aux mains, jetés dans les bagnes, accouplés à des voleurs, à des assassins, puis transportés en Afrique 1. Plus de deux mille citoyens furent arrêtés, quatre à cinq cents furent déportés en Algérie. Les einbarquements durèrent jusqu'en février 1859.

Certes, les républicains pouvaient conspirer contre le conspirateur du 2 décembre. De 1852 à 1858, il y avait eu de nombreux procès pour sociétés secrètes ou complots contre Louis Bonaparte (affaires de la rue de la Reine-Blanche, de l'Opéra-Comique, de l'Hippodrome, etc.); ni la police correctionnelle ni le jury ne s'étaient montrés indulgents; les conspirateurs, réels ou supposés, avaient été condamnés, et bon nombre d'entre eux se trouvaient encore en prison ou en fuite au 14 janvier 1858. Il n'y avait donc pas ombre de prétexte pour leur infliger une peine nouvelle. A plus forte raison, était-il impossible de motiver les arrestations d'hommes entièrement étrangers à ces sociétés ou complots. La terreur bonapartiste fut aussi impitoyable que la terreur blanche, mais plus hypocrite à la guillotine sanglante elle substitua ce qu'on a justement appelé la guillotine sèche : la mort au loin et ignorée.

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IV. PROCÈS D'ORSINI. Orsini, Pieri et Rudio comparurent devant la Cour d'assises, le 25 février 1858, avec fermeté, mais sans forfanterie. Orsini soutint qu'il n'avait voulu tuer l'empereur que parce que, seul, il rendait impossible l'indépendance italienne. Son défenseur, M. Jules Favre, dans une plaidoirie éloquente et digne, sans chercher à faire l'apologie de son client, s'attacha exclusivement à mettre en relief les sentiments de patriotisme qui l'avaient entrainé. Il donna lecture d'une lettre qu'Orsini avait écrite à

Voir Les Suspects en 1838, par Eug. Ténot et Antonin Dubost, in-8°. (Librairie Le Chevalier.)

l'empereur le 11 février, non pour solliciter aucune grâce à son profit personnel, mais pour adjurer l'empereur de rendre la liberté à l'Italie.

Le 26, sur la déclaration du jury, les trois accusés furent con damnés à mort. Ils se pourvurent en cassation. Orsini avait besoin de ce délai pour mettre ordre à ses affaires de famille. Il rédige un testament où il s'occupait surtout du sort de ses deux jeunes filles,âgées alors de six et de cinq ans, et de laisser un souven quelques amis ainsi qu'à son défenseur.

Le pourvoi fut rejeté le 9 mars. Le 12, la peine de Rudio fet com muée en travaux forcés à perpétuité. Le 15, Orsini et Pieri late exécutés. Le premier cria sur l'échafaud: « Vive l'Italie! Vive République!» Pieri cria: « Vive la France! >>

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§ V. ÉLECTIONS A PARIS. Au cours de ces événements, tre circonscriptions de Paris furent convoquées pour rommer des de putés en remplacement de Cavaignac, de Goudchaux et de M. Ca not, démissionnaires par refus de serment. L'élection eut lieu partie le 27 avril, en partie le 10 mai, à cause d'un scrutin sa résultat. Dans deux circonscriptions furent élus MM. Jules Fav et Ernest Picard. Paris protestait ainsi contre la loi de terreur contre l'empire même. Le troisième élu fut le candidat du gou vernement, le général Pérot, qui n'eut que quelques centaines voix de majorité sur son concurrent, M. Liouville, lequel, pour lant, n'avait pas même fait de profession de foi.

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§ VI. RETRAITE DE M. ESPINASSE. Le ministre Espinasse, ayan voulu contraindre les administrations hospitalières des départe ments à échanger leurs biens-fonds contre des rentes sur l'État souleva une telle réprobation qu'il dut se retirer. Il eut pour suc cesseur M. Delangle (14 juin).

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§ VII. FETES A Cherbourg. Les adresses des colonels avaient laissé entre l'Angleterre et la France une froideur qui inquiétai les intérêts matériels. Au mois de mars, le maréchal Pélissier fut envoyé, comme ambassadeur, à Londres. Le Moniteur déclara que, la France ne faisait aucun préparatif extraordinaire de guerre puis, Napoléon III invita la reine Victoria aux fêtes d'inauguration des digues de Cherbourg (du 4 au 7 août) et, en sa présence,: prononça un discours très-pacifique. Ces démonstrations rassuré rent les esprits.

§ VIII. MORT DE LA DUCHESSE D'ORLÉANS. Le 18 mai, mourut, à Claremont, la duchesse Hélène d'Orléans. Cette princesse avait

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