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prévu, et ce mérite on ne saurait du moins le contester à un cabinet dont ferait partie M. Thiers. »

A la vérité, l'ancien préfet de police accolle à M. Thiers pour la surveiller et le contenir, Persigny et M. Abbatucci. Il y a, du moins. dans cette étrange combinaison, l'indice des nécessités du mo ment'.

Napoléon III résolut de modifier un peu la marche de son g vernement, mais dans une mesure bien restreinte: on rival pas encore imaginé l'empire libéral.

Le 24 novembre, parut, à l'improviste, au Moniteur un decre ayant, en apparence, pour objet de donner satisfaction aux réclar mations de l'esprit public. Il se bornait, en somme, à concéder aux deux assemblées le droit de discuter publiquement une adresse à l'empereur sur tous les points de la politique intérieure et extérieure, à étendre les attributions du ministère d'État, s paré de celui de la maison de l'empereur, à supprimer le m nistère de l'Algérie, à instituer des ministres sans portefeuille pou prendre la parole dans les discussions parlementaires, à établir u compte-rendu officiel des séances, rédigé par les bureaux de chaqu assemblée et obligatoire pour les journaux.

La sûreté générale, détachée de l'intérieur, fut annexée à la pre fecture de police. M. Arrighi de Padone, ministre quelques m en 1859, avait prescrit aux préfets de dresser une liste des gen suspects dans leurs départements. Cette liste devait être tenue jour, par la radiation des morts et l'inscription de ceux qui révèleraient comme ennemis de l'empire. Il fallait éviter les er reurs de 1858. M. de Persigny maintint cette mesure *.

Ce décret, premier pas rétrograde dans la voie ouverte par 2 décembre, fut accompagne d'un remaniement ministériel rendit le portefeuille de l'intérieur à Persigny. Celui-ci lança u circulaire des plus libérales; tous les avertissements donnés au Journaux furent levés, toutes les poursuites commencées furent si arrêtées. On put croire un instant qu'une faible liberté allait en être rendue; on fut bientôt détrompé; rien ne fut changé au rẻja gime de la presse, et M. de Persigny usa, comme par le pass de toutes les rigueurs administratives.

1 Papiers saisis aux Tuileries, publiés par Robert Halt. La liste des suspects, de Paris, trouvée en 1870 à la préfecture de p a été publiée par M. de Kératry. (Le 4 Septembre et le gouvernemen Défense nationale.)

§ V. LETTRES. En 1860, Sainte-Beuve publie le dernier volume de Port-Royal, Châteaubriand et son groupe littéraire, et commence la longue série de ses Lundis; publication de Étienne Marcel, par M. Perrens; Histoire de Jeanne d'Arc, par M. Wallon. Nomination de Lacordaire à l'Académie française.

Mort du maréchal Reille, de l'amiral Perseval-Deschênes, du jurisconsulte Vatimesnil, ancien ministre de la Restauration, et un des prisonniers du 2 décembre..., du peintre Decamps.

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§ VI. ÉTATS-UNIS. — L'élection, à la présidence des États-Unis, d'Abraham Lincoln, appartenant aux États du Nord et connu comme adversaire de l'esclavage (6 novembre) sert de prétexte aux esclavagistes pour provoquer un mouvement séparatiste. Le 20 décembre, la Caroline du Sud se déclare indépendante et commence les hostilités de la longue guerre de la sécession.

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La Lettre au prince Napoléon. Mort de Fêtes de cour. Lettres.

§1. SESSION DE 1861. La session législative de 1861 fut ouverte le 4 février. Le Sénat avait été convoqué quelques jours plus lit (22 janvier) pour faire un sénatus-consulte d'après le décret du 24 novembre. L'assemblée du Luxembourg se montra moins libérale encore que le décret.

Le discours du trône fit naturellement l'éloge du décret et engagea sénateurs et députés à profiter de la discussion de l'adresse pour passer en revue les questions politiques afin de pouvoir se liTrer ensuite aux affaires, comme si, dans un État, les questions politiques et les questions d'affaires n'étaient pas étroitement liées. Au Sénat, la constitution du royaume d'Italie fut violemment attaquée par des orateurs cléricaux auxquels le prince Napoléon répondit avec non moins de violence. M. Billault désavoua à peu près le discours du cousin de l'empereur, s'efforça de démontrer que le gouvernement français avait tenu la balance égale entre Victor-Emmanuel et Pie IX, et adjura le Sénat de donner une adhésion éclatante à la politique impériale, afin de répudier ainsi les outrages dirigés contre le chef de l'empire. C'est à des publications cléri cales que Billault faisait allusion.

Des amendements, proposés en vue d'introduire dans l'adresse une revendication du pouvoir temporel, soutenus par Barthe, fu rent combattus par Billault et rejetés par 71 voix contre 61.

Dupin et, après lui, Billault, s'élevèrent contre les abus de l'agiotage et l'immixtion des hommes publics dans les spéculations indus trielles. Un procès en instance contre un banquier, alors renommé M. Mirės, et qui révéla des faits scandaleux, était la raison de ca doléances. Billault annonça une enquête sévère dont, depuis, ne fut plus question. Le mal était le produit naturel du régim impérial. L'activité individuelle, repoussée des affaires politiques se rejetait sur les jeux de bourse.

Au Corps législatif, la politique équivoque de l'empire fut cer surée très-rudement par des orateurs de gauche et des orate de droite. Le président Morny coupa court au débat en demandas un vote de confiance qui fut docilement donné.

La discussion ne fut pas moins vive au sujet des questions inte rieures. MM. Jules Favre, Émile Ollivier, Ernest Picard présente rent, sur divers sujets, des amendements qui ne furent pas a cueillis.

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C'est dans cette discussion qu'à M. Picard, réclamant pour la pitale un conseil municipal formé par l'élection et demandant ministère: « Quand nous rendrez-vous Paris? » Billault répondit « Nous ne vous le rendrons pas. Nous le reprendrons, dit le député parisien Vous le reprendrez? répliqua Billault; si c'est avec : majorité de la Chambre, vous attendrez longtemps; si c'est par force, vous attendrez toujours. » Ce toujours ne dura pas dix ans Dans la même discussion, M. Émile Ollivier, un des cinq, fit un pas de conversion vers l'empire.

L'adresse, entièrement favorable au gouvernement, fut votée pa 213 voix contre 131. A voir ces deux chiffres, on pourrait croine qu'une opposition s'était formée dans la Chambre. Il n'en est rien tout au contraire; parmi ces derniers figurent un grand nombre de députés qui voulaient faire comprendre à l'empereur que les concessions libérales qu'il faisait étaient, selon eux, préjudiciables aux intérêts bien entendus de l'empire.

Le discours du prince Napoléon provoqua une brochure du duc d'Aumale intituléc Une leçon d histoire de France, qui fut saisie et valut à l'imprimeur et à l'éditeur une condamnation pour excitation à la haine et au mépris du gouvernement. L'auteur était hors d'atteinte et ne fut pas même mis en cause. Le bruit courut alors que

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le duc avait offert au prince une rencontre qui ne fut pas acceptée. Le bruit n'était pas vrai, mais personne ne trouva le refus invraisemblable.

Dans ce même discours, le prince Napoléon avait dit : « Que des légitimistes ou des républicains exaltés, venant d'Angleterre, essayent donc de faire, avec mille ou quinze cents hommes, une descente sur nos côtes, nous les fusillerons bel et bien. »>

§ II. MORT DE CAVOUR. Le Royaume d'Italie. - Le 6 juin 1861, mourut le comte de Cavour, presque au lendemain de la fête nationale par laquelle les Italiens célébraient la conquête de leur indépendance à laquelle il avait pris une si grande part.

Quelques jours plus tard, le 23 juin, le gouvernement français reconnut officiellement le nouveau royaume, non sans réticence et équivoque, et rétablit les relations diplomatiques, interrompues depuis l'annexion des Romagnes. Plus habile, le cabinet anglais avait notifié sa reconnaissance dès le 25 mars.

L'adhésion du gouvernement français n'en fut pas moins accueillie à Rome par des manifestations injurieuses qui amenèrent une altercation des plus vives entre le général français et le ministre des armes du pape. Les journaux catholiques de France demandèrent l'évacuation de Rome. L'empire ne profita pas de l'occasion.

Le gouvernement italien offrit adroitement au Saint-Siége des concessions très-acceptables afin de réconcilier la papauté avec l'Italie. Pie IX les repoussa avec hauteur.

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§ III. FÈTES DE COUR. L'été de 1861 fut marqué encore par plusieurs de ces fètes officielles, si fréquentes depuis que Paris était devenu un centre de plaisirs cosmopolites. Ce fut d'abord Fambassade Siamoise, reçue à Fontainebleau (28 juin), puis l'inauguration du boulevard Malesherbes et du parc Monceaux transformé (15 août); ensuite, les visites du roi de Suède Charles XV et de son frère Oscar, du nouveau roi de Prusse, Guillaume I (6 octobre), pour lequel il y eut gala à Compiègne, du roi des Pays-Bas, Guillaume I, enfin celle de deux princes portugais, dont l'un allait être bientôt le roi de l'ortugal, don Luis I".

Au mois de juin, Napoléon III, qui se flattait d'être un archéologue distingué, alla visiter le mont Auxois pour résoudre la question, toujours controversée, de l'emplacement d'Alésia. L'empereur se prononça pour Alaise contre Alise-Sainte-Reine; mais son avis n'a pas fait loi.

§ IV. RÉFORME FINANCIÈRE. Le 16 octobre, la Revue des Deux

Mondes reçut un avertissement motivé pour un article présentant un tableau inquiétant des finances de la France.

Un mois après, le 14 novembre, le Moniteur publia une lettre par laquelle l'empereur, approuvant un rapport de M. Fould, déclarait renoncer à la faculté d'ouvrir des crédits en l'absence des chambres. Le rapport de M. Fould, imprimé à la suite de la lettre impé riale, attribuait le désordre des finances à cette faculté qu'il représentait comme pleine de dangers sans aucun avantage. Le I de cembre, une autre décision souveraine prescrivit qu'aucun décret, pouvant avoir pour effet d'ajouter aux changes budgétaires, ne se rait soumis à la signature de l'empereur sans être accompagné l'avis du ministre des finances. Jusque-là, chaque ministre ava donc pu faire traite, de son côté, sur le trésor public, sans terit compte de l'équilibre à observer entre la recette et la dépense. là, l'embarras présent, que l'avertissement donné à la Revue des Deux Mondes pouvait bien nier ou dissimuler, pendant quelques jours, mais non faire disparaître.

La mesure du 14 novembre, convertie, le 3 décembre, en sènt tus-consulte, aurait pu produire de bons résultats si Napoléon en imposant à ses ministres l'obligation de consulter le ministe des finances, s'était soumis lui-même à cette règle. Le Sénal. d'ailleurs, rendit la réforme à peu près illusoire, en donnant a ministres la faculté des virements de fonds d'un chapitre à u autre.

§ V. LETTRES.

Le 24 janvier, l'Académie française reçut La cordaire, à qui répondit Guizot. Ce fut le dominicain qui fît l'apë logie de la liberté et de la Révolution de 1789; ce fut le calviniste qui fit le procès à l'une et à l'autre.

Lacordaire ne jouit pas longtemps des honneurs académiques, il mourut avant la fin de l'année.

En 1856, l'empereur avait spontanément fondé un prix de 30,000 francs, que l'Institut tout entier devait décerner, tous les trois ans, à l'auteur de l'œuvre ou de la découverte la plus digne d'honorer le génie national. Des difficultés pratiques empêché➡, rent l'exécution de ce décret: entre autres, il n'y avait pas de crédit au budget pour le payement du prix, dont la liste civile n'entendait pas faire les frais. En 1859, le prix fut rendu biennal et réduit à 20,000 francs, et l'on décida que chacune des acade mies proposerait, à tour de rôle, tous les deux ans, le sujet à cot ronner, sauf ratification par l'assemblée générale de l'Institut.

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