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jeu par un banquier genevois nommé Jecker, qui voulait se faire rembourser des bons émis par lui pour le compte d'un prétendu gouvernement mexicain, n'ayant jamais eu d'existence légale Jecker offrait le partage du remboursement à ceux qui s'emploie raient pour le lui faire obtenir; or, il y avait, à la cour des Tuileries, des gens toujours à l'affût d'un ou de plusieurs millions à gagner sans peine.

Sous l'inspiration des aventuriers mexicains de Paris, Napo léon III s'éprit de l'idée de faire monter sur le trône futur de Mexique l'archiduc Maximilien d'Autriche, qui avait exercé ave quelque succès la fonction de vice-roi de la Lombardo-Vénétie, ( qui était présentement en une sorte de disgrâce à son château de Miramar, sur les bords de l'Adriatique.

L'idée était étrange, car, si la maison d'Autriche a jadis régné suj l'Espagne et sur le Mexique, colonie espagnole, le souvenir en depuis longtemps effacé et les populations de l'Amérique espa gnole ont eucore bien moins d'affinité avec l'Autriche que celles de l'Espagne même, puisque la langue en usage dans le pays la langue espagnole.

Chacune des trois puissances devait contribuer à l'expéditi dans une proportion différente: l'Espagne envoyait 6,000 hommes la France 3,000, l'Angleterre 1,000 seulement. Ces forces devaien agir de concert. Les Français étaient commandés par l'amiral Jarien de la Gravière, qui était, en outre, plénipotentiaire, ave M. Dubois de Saligny. Les Espagnols avaient pour chef le général Prim, chargé aussi des pleins pouvoirs de sa souveraine. Les An glais étaient sous les ordres du commodore Dunlop, assisté de M. Wyke, plénipotentiaire.

Tandis que l'on discutait encore à Londres et à Paris sur la portée de certains articles de la convention du 31 octobre, uneflotte espagnole, secrètement préparée à l'île de Cuba, parut tout à: coup devant la Vera Cruz et s'empara, sans résistance, de cette, ville, qu'abandonnèrent les autorités et la plupart des habitants. (8 décembre).

A cette nouvelle, le gouvernement anglais fit déclarer au cabinet espagnol qu'il n'entendait pas que les troupes alliées fussent em ployées à priver les Mexicains du droit de choisir un gouverne ment selon leur goût.

La République mexicaine avait pour président Bénito Juarez, de race indienne, régulièrement élu, qui, après trois ans de guerre

civile, avait réussi à expulser le gouvernement insurrectionnel. Juarez représentait le parti libéral, c'est-à-dire la grande majorité du peuple mexicain. Les réfugiés de France étaient les débris du parti clérical.

Les forces anglaises et françaises arrivèrent à la Vera Cruz le 1 janvier 1862. Juarez, voulant tenter une conciliation, envoya vers elles le ministre des affaires étrangères, Doblado, muni de pleins pouvoirs par le congrès mexicain.

Les commissaires européens devaient adresser au Mexique une note collective. La prétention de M. de Saligny d'y insérer une clause relative au remboursement des bons Jecker, qu'il évaluait à 60 millions, rendit l'accord impossible. On décida que chacun enverrait une note séparée.

Après quelques négociations avec le gouvernement mexicain, Prim, à qui ses deux collègues donnèrent pleins pouvoirs, et Doblado se rencontrèrent au village de la Soledad, où ils signèrent une convention autorisant les troupes alliées à occuper Orizaba pour y attendre, jusqu'au 15 avril, dans une contrée salubre l'issue des négociations entamées. Si ces négociations échouaient, les alliés devaient reprendre leurs positions primitives. Cette convention portait expressément que les alliés ne voulaient rien tenter contre l'indépendance, la souveraineté et l'intégrité du Mexique. Les collègues de Prim y donnèrent leur adhésion.

Le 8 avril, une conférence ouverte à Orizaba, entre les commandants alliés, ne produisit aucun accord. Les commissaires français ne cachèrent plus la résolution de ne pas traiter avec le gouvernement républicain. L'Angleterre et l'Espagne se dégagèrent de l'action commune; la France resta seule engagée dans l'expédition à ses risques et périls.

En apprenant le débarquement des Espagnols à la Vera Cruz, Napoléon III avait fait partir de France le général Lorencez, avec un supplément de troupes. Lorencez arriva au Mexique (3 mars), amenant plusieurs émigrés, entre autres le général Almonte, traître à la Constitution de son pays. Tous, ils lui promettaient la soumission des populations et l'adhésion des troupes mexicaines. Lorencez résolut de marcher sur Mexico. Le 28 avril, il força les défiles du Combres et arriva devant Puebla, ville de 60,000 habitants, defendue par deux forts et barricadée à l'intérieur. Le ♪ mai, il fit donner l'assaut au fort de Guadalupe. Les Français furent repousés avec perte de 200 morts et 300 blessés. L'armée rentra le 16, à

Orizaba, où il fallut se tenir sur la défensive, en gardant difficilement les communications avec la Vera-Cruz.

Au mois de juillet 1862, le général Forey, conduisant de nouveaux renforts, vint prendre le commandement de l'expédition. A cette occasion, Napoléon III lui écrivit, selon ses habitudes, une lettre qui, selon l'usage aussi, fut rendue publique. Il n'y était plus question des anciens traités, mais bien de constituer au Mexique un gouvernement régulier pour soustraire le pays à une poignée de gens qui l'opprimaient. C'est le langage habituel des interven tions étrangères. Au mois de février 1863, Forey fait le siége Puebla, qui dure deux mois et pendant lequel il bat, à San Lorenz, une armée mexicaine envoyée au secours de la ville. Le 10 juin 1865 l'armée française entre à Mexico. Aussitôt, Forey nomme une junte 35 personnes chargées d'élire un triumvirat qui, à son tour, con voquera une assemblée de 215 membres, pour déterminer la form du gouvernement. Le triumvirat est composé d'Almonte, du géne ral Salac et de l'archevêque de Mexico. Le 7 juillet, l'assemblée choisie par ces personnages, vota l'établissement d'un empire mex cain et décerna la couronne à l'archiduc Maximilien d'Autriche qu ne se décida à l'accepter que le 10 avril 1864.

Ce dernier, avant de partir pour ses lointains États, conclut are Napoléon III, un traité (10 avril 1864) en vertu duquel l'armée fran çaise devait être immédiatement réduite à 25,000 hommes et pro gressivement diminuée à mesure que s'organiserait l'armée mexi caine. Le Mexique devait rembourser à la France tous les frais de l'expédition fixés, jusqu'au 1′′ juillet 1864, à la somme de 270 mil lions de francs. A partir de ce jour, l'entretien du corps d'occupa tion devait être à la charge du trésor mexicain, à raison de 1,000 francs par homme et par an. Le même trésor devait couvrir les dépenses d'un service de transport, opéré tous les deux mois, à raison de 400,000 francs aller et retour. Le gouvernement mexicain devait contracter pour remplir ces engagements, un emprunt au moyen duquel il payerait à la France 66 millions en titres de cet emprunt au taux d'émission, puis une annuité de 25 millions jusqu'à complète libération de la dette et des créances françaises.

Au mois d'octobre (1863) le commandement en chef de l'expédition avait été donné au général Bazaine. Forey rentra en France avec le titre de maréchal.

CHAPITRE IX

Session de 1862. — M. Renan. Le jubilé de 1562. — Rome et l'Italie. — Guerre d'Amérique. - Lettres, Arts. — Industrie.

§ I. SESSION DE 1862. — En ouvrant la session de 1862, Napoléon III, après s'être félicité des relations amicales qu'avait récemment cimentées son entrevue avec le nouveau roi de Prusse, ne parla guère que de mesures financières et engagea le Corps législatif à voter les projets de lois qui lui seraient présentés pour réaliser la réforme financière résultant du décret du 24 novembre précédent (27 janvier). Pour la première fois il parla de la guerre du Mexique et déclara qu'il avait reconnu le gouvernement du roi d'Italie.

Le plus important de ces projets était relatif à la conversion des rentes 4 1/2 en 3 pour 100. On fit valoir, à l'appui, de grands avantages qu'en devaient recueillir les rentiers. Le projet fut adopté par 226 voix contre 19. L'opération eut tout le succès qu'on en attendait pour le Trésor; les spéculateurs à la Bourse en tirèrent de beaux bénéfices seuls, les rentiers n'eurent pas les profits qu'on leur avait fait espérer.

Un autre projet demandait une dotation de 50,000 francs pour récompenser le général Cousin Montauban de ses succès en Chine. Le Corps législatif se montra peu disposé à voter une mesure contraire aux habitudes françaises, alors surtout que le général, déjà hommé comte, puis sénateur, pouvait encore devenir maréchal. Ces dispositions, connues de l'Empereur, lui inspirèrent une lettre adressée au général, lequel demandait le retrait de la proposition, si mal accueillie. L'Empereur maintenait ses intentions en termes plus que désobligeants pour l'Assemblée. Celle-ci persista aussi dans son opposition; Napoléon III, prétextant d'un mal entendu, retira le projet de loi (5 mars).

La discussion de l'adresse ramena au Sénat la question religieuse à propos de la situation de l'Italie; les uns défendaient le pape contre l'Italie, les autres attaquaient l'Italie en faveur du pape et de part et d'autre, ce cénacle, composé en majeure partie de vieillards, montra une violence de langage, une audace d'opinions qui se voient rarement dans une assemblée plus jeune. Baroche

rétablit le calme en disant que l'empire était issu de la Révolution, mais pour en être le propagateur, le directeur et le modérateur. A son tour, le président Troplong représenta à ses collègues que de tels entrainements pourraient rappeler des temps monarchiques.» Au Corps législatif, la discussion de l'adresse fournit l'occasion de parler de l'expédition du Mexique; elle fut vivement censurée par M. Jules Favre, qui trouvait les dépenses bien au-dessus des avantages à en retirer; il attaqua énergiquement le projet d'empire mexicain. Le gouvernement venait de rejeter la convention de la Soledad comme « contraire à la dignité de la France de transférer à M. de Saligny les pleins pouvoirs de l'amiral Juren (Moniteur du 3 avril). Billault fit valoir tous les mauvais procéda subis par les nationaux; quant au projet d'empire, il le traita propos d'officiers. Quelques jours après, on connut l'échec Puebla, la retraite des alliés. M. Jules Favre demanda que troupes françaises revinssent comme celles d'Angleterre et d'Es pagne. Billault invoqua alors l'honneur du drapeau, le sang verse, le patriotisme, et avoua le projet relatif à Maximilien. Le Corps le gislatif couvrit ce discours d'applaudissements.

Dans cette même discussion les cinq réclamèrent vainemen qu'un vœu fût émis en faveur de la liberté de la presse, M. Pouyer Quertier, manufacturier rouennais, attaqua vivement le traité du libre échange. Au cours de la discussion du budget, une foule d'abus furent signalés par divers membres qui n'appartenan cependant pas tous à ce que le gouvernement appelait généralement les partis hostiles.

Enfin le compte du budget de 1863 porté à 2 milliards fut voté (celui de 1862, n'était que de 1900 millions, chiffre cependant assez exorbitant déjà.

Après le vote d'une série de lois d'intérêt local ou spécial de la création ou de l'augmentation d'impôts, la session fut close, le 27 juin au Corps législatif, le 2 juillet au Sénat. Le 8, Moruy est nommé duc.

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Si l'intolérance relisavait imposer sa ty

rannie ailleurs. Au mois de février 1862, M. Renan, déjà connu par des travaux de philosophie et de philologie, récemment nommé professeur d'hébreu au Collège de France, ouvrit son cours par une leçon où, suivant la coutume, il exposa le programme qu'il comptait développer. Il y parlait de Jésus-Christ sans lui attribuer

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