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par des déclamations vagues et équivoques qui prétendirent prouver qu'au Mexique comme en Italie, à l'intérieur aussi bien qu'à l'extérieur, la politique impériale avait été logique, sage, p triotique. La majorité n'y contredit pas.

§ II. ÉLECTIONS DE 1863. En dépit des réclamations qui avaien été faites au Corps législatif, à plusieurs reprises, et particulièremen lors de la discussion de l'adresse en 1862, le gouvernement avai préparé les élections par des remaniements de circonscriptions Il soutint la réélection des députés qui avaient voté pour lui, excluant tous ceux qui avaient, ne fût-ce qu'une fois, voté contre Le ministre de l'intérieur adressa aux préfets une circulaire pou leur prescrire la conduite à tenir dans la lutte électorale; les pre fets adressèrent une circulaire à tous leurs subordonnés pou amplifier sur celle du ministre et ainsi de suite à tous les échelon de la hiérarchie administrative. Tout les agents du gouvernemen furent mis au service des candidats patronnés par lui et en mêm temps employés à combattre les candidatures qui leur étaient oppo sées. Quelques journaux ayant qualifié d'indépendants les candidat qui n'étaient pas patronnés par le pouvoir, l'administration les aver tit par une note insérée au Moniteur « qu'elle réprimerait sévère ment de pareilles manœuvres. » Défense fut faite de publier de manifestes de comités ou de sous-comités composés de plus vingt personnes et non autorisés par le gouvernement. Vainement une consultation d'avocats déclara-t-elle que c'était faire au suf frage universel l'application des lois sur les sociétés secrètes ou de la loi de sûreté générale, personne n'osa résister à cette intimidation A Paris même, le ministre de l'intérieur et le préfet de la Seine entrèrent personnellement en lice et lancèrent des proclamations pour combattre la candidature de M. Thiers. M. Thiers ne répondit pas un mot à leurs attaques, il ne fit ni profession de foi ni affi ches. Les élections eurent lieu le 31 mai et le 10 juin. Sur 10,004,028 électeurs inscrits, 7,290,170 remplirent leur devour civique, bien qu'une partie des républicains, qui n'admettaient › point qu'on prêtât serment à Louis Bonaparte, se fussent décrles à l'abstention. A Paris, la liste de l'opposition passa tout entière: MM. Jules Favre et Hénon furent élus à Lyon, Berryer et Marie à Marseille, Lanjuinais à Nantes. L'opposition réussit également dans vingt et une autres circonscriptions, ce qui porta le nombre de ses membres à trente-cinq. Les villes donnérent presque toutes la majorité aux candidats opposants dont l'élection échoua

par le vote des campagnes. La victoire numérique était au gouvernement, mais l'opposition obtenait un grand succès moral. Le 24 juin, Persigny, ministre de l'intérieur, donna sa démission, après avoir lancé une circulaire aux préfets pour célébrer le triomphe du gouvernement.

L'effet des élections en général, et surtout des élections parisiennes, fut immense, en France et en Europe. Les candidats offisiels avaient été obligés, pour céder au courant, de déclarer qu'ils rovoqueraient le développement des réformes libérales de l'emereur. Les candidats légitimistes ou orléanistes n'avaient passé qu'avec l'appui des républicains, et c'était aussi un appoint répulicain qui avait fait réussir M. Thiers, bien qu'une autre fraction épublicaine eût porté et soutenu jusqu'au bout une autre candiature. L'esprit de liberté se réveillait donc partout et Paris se délarait contre l'empire.

Pour faire face à cette situation nouvelle, un décret du 23 juin apprima l'institution oiseuse des ministres sans portefeuille, rera au ministère d'État ses attributions administratives qui furent parties entre d'autres ministères. Billault fut nommé mistre d'État, M. Duruy ministre de l'instruction publique, M. Bou

ministre de l'intérieur, M. Béhic ministre de l'agriculture. roche prit la justice avec les cultes, en échange de la présience du conseil d'État, donnée à M. Rouher.

Avant que cette nouvelle combinaison subit l'épreuve de la praque, Billault, qui en était le personnage important, mourut, 13 octobre 1863, à la veille de la session. Il fut remplacé par Rouher qui laissa la présidence du conseil d'État à M. Rouland. Hault n'était ni un homme d'État ni un orateur de premier dre et il eût, c'est probable, médiocrement brillé ailleurs que ins les muettes assemblées de l'Empire; il avait cependant quelles qualités oratoires qu'il ne put transmettre à son successeur ez qui la faconde, la déclamation et l'audace sans scrupules suptaient à la véritable éloquence.

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§ III. INSURRECTION DE POLOGNE. La préoccupation des choses térieures ne désintéressait pas la France d'une lutte qui venait éclater en Pologne. Vis-à-vis de cette nation infortunée, la Russie exécuta jamais les stipulations des traités de 1815. Depuis la déite de la Révolution de 1831, le gouvernement russe parut avoir poussé absolument l'idée de se faire de la Pologne une alliée et oir pris la résolution de l'anéantir absolument.

La Pologne fut successivement dépouillée des débris de son autonomie, de ses couleurs, de ses universités, de son costume,' de sa langue, de son culte. Les enfants furent enlevés pour être transportés au loin, perdant jusqu'à leur nom; plus de 50,000 familles furent, de vive force, transplantées dans les steppes; les jeunes gens furent arrachés à leurs familles par un recrutement forcé qui n'était qu'un dépeuplement mal dissimulé : c'était l'extermination systématique et implacable de toute une nation.

A bout de souffrances, les Polonais se soulevèrent en 1862 pendant plus d'un an, tinrent en échec toutes les forces de la Rus Sie. Le nombre l'emporta enfin et là où le carnage fit le silence, Russie osa redire que régnait l'ordre.

L'Europe assista impuissante, sinon impassible, à cette effroya ble exécution. L'Angleterre eut des velléités d'intervention; l'en pereur des Français, qui avait secrètement favorisé l'insurrection parut disposé à des mesures énergiques; l'Autriche sembla pre à se laisser entraîner, la Russie affecta des intentions conciliantes puis, au dernier moment, se dégagea.

SIV. LETTRES, ARTS, INDUSTRIE. -En 1863, les Lettres françaises font deux pertes considérables: celle d'Alfred de Vigny et celle de Jean Reynaud. M. Renan publie la Vie de Jésus; J.-J. Ampère l'Histoire romaine à Rome; Michelet, la Régence; G. Sand, Made moiselle de la Quintinie. MM. Erckmann-Chatrian commencent, par Madame Thérèse, la série de leurs romans militaires ou na tionaux.

Un décret impérial, modifiant une loi de la Convention, dépouill l'académie des beaux-arts d'une partie de ses attributions, pour les transférer aux bureaux de l'administration.

En prenant possession du ministère de l'instruction publique M. Duruy, qui s'était déjà fait connaître par divers manuel d'his toire, s'efforça d'introduire des réformes utiles et libérales, supprima la bifurcation établie par Fortoul dans l'instruction das-". sique; ses efforts vinrent le plus souvent se heurter à des oppositions. passionnées de la part des amis du gouvernement.

Mort du maréchal Oudinot et du général Bedeau. Le peintre llorace Vernet meurt aussi en 1863, ainsi qu'Eugène Delacroix, Jean Reynaud, Bray, Leon de Wailly, Lucien Arnault, Delesclure, Pitre-Chevalier, Plougoulm, madame Cinti-Damoreau.

Par décret impérial, une exposition universelle de l'industrie est convoquée à Paris pour le 1 mai 1867.

§ V. SESSION DE 1864. L'ouverture des Chambres, fixée au 5 novembre, était attendue avec quelque impatience. On était curieux d'entendre les explications du gouvernement sur les affaires de Pologne et de voir l'attitude du nouveau Corps législatif. Napoléon III présenta un exposé des négociations tout à son avantage, rejetant sur les autres puissances l'échec des tentatives diplomatiques en faveur de la Pologne, oubliant que la défiance générale inspirée par le régime impérial était la cause essentielle de l'échec des négociations. Il remit au jour son projet permanent de congrès des souverains, proclama que les traités de 1815 ont cessé f'exister, qu'un congrès seul pouvait résoudre les questions pendantes, et montra en perspective à l'Europe les deux seules routes où elle pût s'engager le progrès par la conciliation et la paix, ou la guerre par l'obstination à maintenir un passé qui s'écroule.

La veille, en effet, il avait convoqué tous les souverains à un congrès. Les uns, c'étaient les moins considérables, adhérèrent sans réserve; les autres, Russie, Autriche, Prusse, désiraient que les points à débattre fussent spécifiés. L'Angleterre refusa net et le congrès fut abandonné.

La vérification des pouvoirs au Corps législatif dura près d'un mois, mit à nu tous les abus électoraux et amena l'annulation de six élections.

Au Sénat, l'adresse ne donna lieu à une discussion intéressante que sur les affaires de Pologne. M. Bonjean plaida éloquemment la cause polonaise que soutint aussi le prince Napoléon. Dupin démontra que, si la Pologne était fort à plaindre, il y avait impossibilité de rien faire pour elle. Ce n'était que trop vrai et le Sénat en demeura convaincu. Le prince Napoléon vota seul contre l'adresse, Au Corps législatif, où le débat dura tout un mois, les questions de politique intérieure et extérieure furent traitées avec beaucoup d'éclat par les orateurs de l'opposition, surtout par MM. Thiers, qui prit trois fois la parole, Jules Favre, Émile Ollivier, Ernest Picard, Pelletan, Jules Simon, etc., auxquels se joignirent parfois des membres de la majorité. Mais quand M. Rouher venait affirmer que toujours et partout l'empereur avait bien agi, la majorité s'inclinait et votait.

Le ministre des finances fut bien obligé d'avouer que les expéditions lointaines grevaient le budget d'un découvert de 972 milhons, et que pour y rétablir la régularité, il fallait se résoudre à un emprunt de 300 millions. MM. Thiers et Berryer mirent à nu

la véritable situation des finances; des orateurs de la majorité firent entendre des plaintes ou des remontrances plus respectueuses. Le ministère accusa les uns et les autres d'exagéra tion; l'emprunt fut voté (24 décembre). C'était l'essentiel.

La souscription publique, ouverte en janvier 1864, pour qua torze millions de rentes, produisit, du 18 au 25, pour 219 mil lions de demandes. Le gouvernement présenta ce résultat comme une preuve de confiance en sa sagesse, tandis que c'est un effe naturel de la spéculation.

A propos des affaires étrangères, M. Thiers démontra que l'expë dition du Mexique coûtait 14 millions par mois : « L'honneur mil taire est sauf, dit-il; l'archiduc n'est pas parti; il ne faut pas s'en gager davantage et traiter avec Juarez.

M. Rouher, en lui répondant, proclama que l'histoire de l'expe dition du Mexique serait une page glorieuse. M. Thiers voulut pliquer; on refusa de l'écouter. M. Émile Péreire lui cria: « On assez parlé ici en faveur de l'étranger. »

En ce qui touchait la Pologne, M. de Morny renvoya la question aux futurs contingents.

Dans la discussion du budget, Berryer se plaignit que l'on inscrit aux recettes des payements du Mexique qui n'étaient re moins que certains. M. Rouher soutint l'excellence des calculs of ciels; M. Rouher, s'il avait consulté là-dessus un économiste lustre, son collaborateur au traité de libre échange, M. Michel Ché valier, sénateur, aurait dû savoir à quoi s'en tenir1.

Les faits ont montré de quel côté était la vérité.

Pendant le cours de la session, deux circonscriptions pari siennes eurent à élire deux députés en remplacement de MM. Jules Favre et Hlavin, qui avaient opté pour d'autres départements. Un grand nombre de candidats républicains se présentèrent, mas plusieurs d'entre eux se désistèrent en faveur de ceux qu'ils pen saient devoir obtenir les suffrages les plus nombreux. Parmi les candidatures qui subsistèrent jusqu'au dernier instant, il y a lieu de signaler celle de M. Tolain, qu'une proclamation recommandait sous le titre de « candidature ouvrière. » Les amis du gouvernement obtinrent un nombre de voix trois fois moindre que ses adversaires. Deux républicains, MM. Carnot et Garnier-Pagės, an

Voir le Mexique, par Michel Chevalier. Paris, 1863, pages 403 à 468, De Ressources et de l'Avenir du pays.

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