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cien membre du gouvernement de 1848, furent élus (20 mars 1864). Cette élection donna lieu, contre le comité composé de treize personnes, qui s'en était occupé, à des poursuites judiciaires. Dans le procès qui s'ensuivit, dit des Treize, le ministère public assimila le comité électoral à une association illicite. Le tribunal correctionnel exhuma des lois tombées en désuétude. Les membres du Comité, qui pour la plupart étaient de savants jurisconsultes, ne soupçonnaient pas qu'elles pussent être remises en vigueur. Conformément à l'avis du ministère, les membres du comité furent condamnės. Cette jurisprudence fut confirmée en appel et en cassation.

Le Corps législatif vota, le 3 mai, une loi sur les coalitions dont le rapport fut présenté par M. Émile Ollivier qui se sépara, avec M. Darimon, de ses collègues de la gauche. Cette divergence sur un sujet spécial, révélait une scission plus profonde sur la polifique générale.

La session fut close le 28 mai.

En décret du 31 août institua une médaille militaire, commémorative de l'expédition du Mexique.

§ VI. LE CORPS LÉGISLATIF." L'OPPOSITION. L'OPINION PUBLIQUE. -Les élections générales, les élections partielles, la composition du nouveau Corps législatif, donnent à cette session un caractère tout particulier. Bien que rien ne soit changé dans la constitution, une transformation considérable commence à s'opérer dans le gouvernement impérial vis-à-vis de la Chambre et vis-à-vis de la France. Les législatures ne sont plus une série de conciliabules intimes dont le seul but semble être de louer l'œuvre du gouvernement quelle qu'elle soit. Le temps n'est plus ou après avoir paraphrasé le discours du trône en transformant chacune de ses phrases en un sujet d'éloge pour l'empereur, on délibérait à bouche fermée sur tous ses vœux et sur tous ses caprices, en votant en trois ou quatre jours le budget général de l'État.

Dès les premiers jours, une opposition énergique s'était manifeste, revendiquant les libertés et les droits de la nation. Elle avait pour principaux interprètes de grands orateurs qui avaient fait leurs écoles en des temps plus libres. C'étaient le plus souvent MM. Thiers, Jules Favre, Berryer, qui étaient chargés des grandes attaques et à côté d'eux des hommes de talent, tels que MM. Ernest Picard, Glais-Bizoin, Bethmont, qui, à défaut de la grande ampleur oratoire, apportaient dans le débat une logique incisive. La phraséologie emphatique de M. Rouher et des hommes de son école, les

réparties plus ou moins spirituelles de Morny ne suffisaient plus, et si le nombre des votants donnait tort à l'opposition en pratique, déjà, au sein de l'assemblée même, l'opposition produisait sur les esprits une réelle impression. A côté des députés purenient serviles, on sentait déjà, plutôt qu'on ne distinguait clairement, cen qui votaient par discipline de parti, par crainte de la révolution, dont les orateurs officiels agitaient sans cesse le spectre devant eux, en feignant de prendre les observations des orateurs les moins révolutionnaires pour des menaces d'émeutes.

Si le mouvement des idées gagnait peu à peu sur une portion de la Chambre, l'action en était beaucoup plus directe, beauc plus rapide, beaucoup plus profonde sur l'esprit public. Pour le hommes qui avaient vécu sous les gouvernements parlementaires, ce nouvel état de chose n'était que la continuation d'un système violemment interrompu depuis 1851 jusqu'à l'avènement du groupe des cinq, vaillamment repris par eux jusqu'en 1860 et développe enfin par les nouveaux élus; mais, à côté de ces hommes, la géné ration nouvelle, celle qui avait atteint l'âge de raison durant ce périodes de silence, éprouvait une impression toute différente. Le jeunes gens qui avaient alors entre vingt et trente-cinq ans, (c'est à-dire la partie la plus ardente de la nation), assistaient à un spec tacle tout nouveau pour eux. Ce leur fut, au premier abord, un sujet de grand étonnement. Tous ceux que les mœurs joyeuses di temps n'avaient pas entièrement absorbés — et ils étaient malhea reusement peu nombreux, — suivirent avec un singulier intérêt les débats législatifs. La liberté de la parole et de la presse supprimées jusqu'alors, reparaissait sous une nouvelle forme et la tribune du Palais-Bourbon devint pour eux une sorte de chaire d'histoire cotemporaine; ils comprirent où en était tombée la France, ce qu'elle; avait été, ce qu'elle pourrait redevenir. Étrangers aux actes des temps antérieurs, innocents de l'état actuel, ils apprenaient ce qu'était l'empire et commençaient à le juger. Aussi l'opposition, peu nombreuse encore dans la Chambre, allait-elle chaque jour grossissant dans le pays; elle prenait une part plus active que ja- mais aux élections complémentaires.

A ce groupe croissant se joignaient chaque jour davantage, ceux des hommes déjà mùrs, qui n'avaient ni oublié, ni pardonné. Le gouvernement sentait bien que, s'il n'était pas encore en présence d'une haine irréconciliable, il avait déjà devant lui une vigoureuse hostilité.

Il ne s'y trompait pas. Voyant qu'il lui était impossible de reprendre le régime de l'arbitraire absolu, il s'efforçait de persuader que l'empereur était le promoteur de la liberté. « Les élections de 1863, selon vous, disait M. Rouher, - signifient liberté. Eh bien! qui a donné le signal de la liberté en 1860? N'est-ce pas l'Empereur qui a le premier arboré ce drapeau, non pour le laisser ensuite tomber dans la misère et dans la boue, mais pour en fixer la hampe dans les lois. » Ces paraphrases pompeuses faisaient sourire les gens qui avaient la moindre notion de la langue française, et ne persuadaient personne. Les promesses vagues que l'on faisait d'étendre plus tard la liberté trouvaient d'autant plus d'incrédules, qu'elles étaient sans cesse démenties par les discours et par les faits.

C'est là le châtiment de ceux qui ont pris le pouvoir par la violence, qu'ils ne peuvent s'y maintenir que par l'arbitraire et par la force. Ils finissent toujours par voir qu'il n'y a de durable que la liberté et qu'il leur est impossible de subsister à côté d'elle.

Puisque l'empire des Napoléons s'est fait une sorte d'orgueil de ressembler à l'empire romain, c'est encore à l'histoire des Romains que l'histoire des Français empruntera de parti pris, l'explication de l'impuissance où il était de se rajeunir et de trouver de nouvelles forces.

⚫ Cependant, par suite de la faiblesse naturelle à l'homme, les remèdes sont moins prompts que les maux; et de même que les corps sont longtemps à croître et se détruisent en un instant, de même il est plus facile d'étouffer le génie et les talents que de les ranimer. L'indolence elle-même a des douceurs qui séduisent, et l'inaction, qui pèse d'abord, finit bientôt par charmer. Que sera-ce donc si pendant quinze ans (c'est une large part de la vie de l'homme), un grand nombre de citoyens sont tombés, les uns victimes d'accidents imprévus, les plus généreux victimes de la cruauté du prince? On peut nous compter, nous qui survivons pour ainsi dire, non-seulement aux autres mais à nous-mêmes, après avoir perdu, au milieu de la vie, tant d'années, pour arriver en silence, les jeunes gens à la vieillesse, les vieillards aux dernières limites de leur course. » TACITE, traduction Ch. Louandre, tome II, pages 367-368.

§ VII. GUERRE DE DANEMARK. En même temps que l'esprit public commençait à s'intéresser aux affaires intérieures, il était

sollicité par un grave conflit qui s'élevait entre le Danemark et l'Allemagne. En 1863, une querelle était survenue entre le Danemark et la Confédération germanique, à propos d'une de ces questions obscures de succession que provoquent les principautés unies sous un même souverain, mais à des titres dife rents. Il s'agissait du duché de Sleswig et du duché de Holstein.. La question avait été réglée dans un traité signé à Londres, en 1852, par l'Autriche, la Prusse, la Russie, la France, l'Angleterre et la Suède. Ce traité transférait au duc de Sleswig-HolsteinGlucksbourg le droit à la succession du roi de Danemark, qui n'avait pas d'enfants: c'est ce roi lui-même qui avait provoqué combinaison. La Russie, qui avait quelques droits éventuels sur le duchés, y renonça; le duc d'Augustenbourg, qui en avait aussi, vendit au Danemark. Les duchés devinrent ainsi partie intégrante de la monarchie danoise.

La Confédération germanique n'avait pas participé à ce traită, mais plusieurs de ses États y avaient adhéré. Le roi Frédéric, auteur du traité, mourut en 1863; le duc de Glucksbourg lui suc céda, sous le nom de Christian IX. A ce moment, M. de Bismark au nom de la Prusse, réclama contre l'annexion des duchės, revendiqua les droits du duc d'Augustenbourg sur le Holstein, sous prétexte que ces duchés faisaient partie de la Confédération germanique, le traité de 1852 était nul en ce qui le concernait. Ca duc avait tenté, en 1848, de s'emparer des deux duchés; la Prusse et l'Autriche l'en avaient chassé et les avaient rendus au Dane mark.

Le Danemark consentit à laisser occuper provisoirement, par les troupes fédérales, le Holstein, qui était allemand, mais refusa de livrer le Sleswig, qui ne l'était pas. La Prusse et l'Autriche ne treevèrent pas cette demi-concession suffisante. Le 1o février 1864, un corps austro-prussien envahit le Sleswig sous prétexte de la retenir comme gage; le 5 février il chassait les Danois du Danewerk; le 18 avril ils s'emparaient de Düppel. Ces deux batailles perdues, obligèrent les Danois à évacuer les deux duchés.

L'Angleterre proposa une conférence pour régler la question. Elle y soutint, avec la Russie et la Suède, le droit du Danemark. La Prusse et l'Autriche demandèrent la séparation des duchés sous le duc d'Augustenbourg. La France, au lieu de s'unir à l'Angle terre, à la Russie et à la Suède, proposa de consulter les popula tions des duchés. La conférence admit cette proposition pour le

Holstein, non pour le Sleswig; la France la maintint, la conférence fut rompue. le 25 juin.

Un illustre homme d'État anglais, M. Disraeli, a résumé en style humouristique les convoitises, la cupidité, la mauvaise foi apportés par tous les membres de cette réunion: « Cette conférence, a-t-il dit, a duré six semaines, juste l'espace d'un carnaval, et ce fut en effet une affaire de masque et de mystifications. >>

A la suite de cet échec de la diplomatie, la guerre recommença, les austro-prussiens envahirent le Jutland, s'emparèrent de l'île d'Alsen; le 27 juillet, l'œuvre de destruction était terminée. Le 30 octobre un traité partageait le Danemark, non pas même au profit de la Confédération germanique, dont les intérêts avaient servi de prétexte à la guerre, mais simplement au profit particulier de la Prusse et de l'Autriche.

Alors la Prusse chassa le duc d'Augustenbourg et occupa les duthés. Ce fait faillit amener la guerre entre la Prusse et l'Autriche; mais ce conflit fut évité par la convention de Gastem (14 août 1865), qui remit le Holstein à l'Autriche et le Sleswig à la Prusse.

Peut-être le gouvernement français n'eût-il pas laissé mettre à éant un traité signé par lui, si la guerre du Mexique n'eût retenu u loin une armée de 30,000 hommes et pesé lourdement sur les finances de la France.

VHI. CONVENTION AVEC L'ITALIE. Cette même année 1864, l'empereur Napoléon III conclut avec le roi d'Italie, le 15 septembre, une convention en vertu de laquelle il devait retirer le corps français occupant Rome, sous les conditions suivantes : l'Italie s'engage à ne pas attaquer le territoire pontifical et à le défendre contre toute attaque venant de l'extérieur; la France retirera ses troupes, à mesure que le pape aura organisé une suffisante force militaire, dans un délai de deux ans; le gouvernement italien De fera pas obstacle à cette organisation, pourvu qu'elle ne devienne pas un motif d'attaque contre l'Italie; l'Italie prendra à Sa charge une part proportionnelle de la dette romaine.

En dehors de la convention, Victor Emmanuel s'était engagé à transférer la capitale du royaume dans une autre ville que Turin, Cette ville devait être Florence. La translation fut, en effet, opérée. Cette convention fut, comme presque tous les actes de la politique impériale, le sujet des interprétations les plus contradictoires. La cour de Rome en fut profondément irritée, et Pie IX y repondit indirectement par une encyclique du 14 décembre, em

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