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organisation normale. La majorité dépensa son temps à la recherche de combinaisons ayant pour objet de prolonger le provisoire.

Pendant ce temps, les monarchistes du dedans et du dehors de l'Assemblée tentaient encore une fois d'accomplir la fusion entre les deux branches bourbonniennes. Mais le comte de Chambord répondit, le 5 février : « Je n'ai ni sacrifices à faire, ni conditions à recevoir. J'attends peu de l'habileté des hommes et beaucoup de la justice de Dieu. Ce nouvel échec irrita de plus en plus les monarchistes.

§ II. PROJETS DU GOUVERNEMENT. LOI DU 13 MARS. — Fatigué des lenteurs de la Commission des Trente, M. Thiers fit présenter, le 5 février, par M. Dufaure, un projet de résolution portant que, cà bref délai », il serait statué, par des lois spéciales : 1a sur la composition et le mode d'élection d'une nouvelle Assemblée, 2 sur l'établissement d'une seconde Chambre, 3 sur l'organisation du pouvoir exécutif pour le temps qui s'écoulerait entre la dissolution de l'Asemblée actuelle et la constitution des deux Assemblees futures.

Les mots « à bref délai » épouvantèrent la majorité de la Commission qui y vit la menace d'une prochaine dissolution; elle rejeta le projet Dufaure. Cette rupture avec le gouvernement causa une vive alarme dans le public: on appréhendait une nouvelle crise, qui arrêterait encore les affaires.

Le 19, après quinze jours de réflexion, la Commission se ravisa, et, par 19 voix contre 7, présenta un nouveau projet ainsi for mulé:

« L'Assemblée ne se séparera pas sans avoir statué sur l'organisation et le mode de transmission des pouvoirs législatif et exé cutif, sur la création et les attributions d'une deuxième Chambre et sur la loi électorale. » Le soin de préparer des projets de loi sur les trois points ci-dessus indiqués était confié au gouvernement.

Le rapport fut rédigé et lu par M. de Broglie. Il proposait d'adopter le système que voici: Le président de la République communique avec l'Assemblée par messages lus à la tribune par un ministre. Il peut cependant être entendu, après en avoir annoncé l'intention par un message. Aussitôt ce message reçu, la discussion est suspendue et ne peut être reprise dans la séance où le président a été entendu. Nulle délibération en sa présence.

Le président promulgue les lois urgentes trois jours après l'a

doption, et les lois non urgentes dans les trois mois; il peut, dans des délais fixés, et par messages motivés, demander une nouvelle délibération pour les premières, et l'ajournement à deux mois de la deuxième lecture pour les secondes.

Le président a le droit d'être entendu sur les interpellations relatives à la politique extérieure; sur la politique intérieure, il ne peut l'être que d'après l'avis motivé du conseil des ministres transmis à l'Assemblée, et suivant les règles de l'article premier.

La future Assemblée n'entrera en fonctions qu'après la séparation de l'Assemblée actuelle. »

En somme, la commission, organe de l'Assemblée, voulait deux choses d'abord, écarter M. Thiers des séances, se soustraire à l'influence de sa parole; puis, retarder indéfiniment l'heure de la dissolution.

La discussion, ouverte le 27 février, se prolongea jusques et y compris le 13 mars.

Dès le premier moment, le gouvernement s'était rallié au projet de la commission. M. Dufaure le soutint, tout en faisant entendre que la dissolution devrait suivre de près la libération du territoire (qui, alors, n'était prévue que pour 1875).

M. Thiers fit aussi, à ses adversaires, des concessions excessives. Il ne voulut pas disputer les points qui le touchaient directement, ne voyant pas, ou ne voulant pas voir, qu'on s'attaquait moins à sa personne qu'à l'idée plusieurs fois exprimée par lui que la République était le gouvernement inévitable, nécessaire, indispensable. Le 13 mars, la loi fut votée par 407 voix contre 225 et 65 abstentions.

§ III. ÉVACUATION DU territoire. Tandis que l'Assemblée dressait, autour du pouvoir présidentiel, ces mesquines entraves, M. Thiers complétait l'œuvre de patriotisme qu'il s'était imposée en signant la paix de Francfort: il hâtait le moment où la France allait être délivrée de l'occupation étrangère.

Le 16 mars 1873, le Journal officiel publia la note suivante :

« Un traité d'évacuation du territoire français, fruit de longues négociations, vient d'être signé aujourd'hui même, 15 mars, å cinq heures du soir, à Berlin.

« Sur les trois milliards qui restaient à payer à l'Allemagne, l'un a été entièrement soldé cet automne. Le second, déjà versé en grande partie, sera complétement acquitté du 1er au 5 mai pro

« Le troisième et dernier milliard (cinquième de l'indemnité totale) sera versé au trésor allemand en quatre payements égaux, les 5 juin, 5 juillet, 5 août, 5 septembre de la présente année. « En retour, l'empereur d'Allemagne, s'était engagé :

« A évacuer, au 1o juillet prochain, les quatre départements des Vosges, des Ardennes, de la Meuse et de Meurthe-et-Moselle, aus que la place et l'arrondissement de Belfort. Cette évacuation devra pas durer plus de quatre semaines.

« Pour gage des deux payements restant à accomplir, la place de Verdun, avec son rayon, continuera seule d'être occupée jusqu'au 5 septembre. A partir de cette date, elle sera évacuée en deux se

maines. »

La dépêche était arrivée le 15, après la clôture de la séance parlementaire, et le 16 étant un dimanche, l'Assemblée ne reçut communication officielle du traité que le 17. En dépit des explica tions insérées dans l'Officiel, elle s'en montra très-froissée. Le n'était pas, sans doute, le sentiment général; cependant, quand M. Christophle, du centre gauche, proposa de déclarer que M. Thiers avait bien mérité de la patrie, cette motion derint l'objet d'un débat confus où se croisèrent diverses propositions qui aboutirent à cet ordre du jour :

« L'Assemblée nationale, accueillant avec une patriotique satis faction la communication qui vient de lui être faite,

«Et heureuse d'avoir accompli une partie essentielle de sa tâche,

avec le concours généreux du pays,

« Déclare que M. Thiers, président de la République, a bien mé

rité de la patrie. »

Le premier paragraphe fut voté à l'unanimité; sur le second, la gauche s'abstint, donnant pour raison que la libération anticipée était le résultat de cet emprunt de trois milliards dont l'Assemblée avait laissé toute la responsabilité au gouvernement: l'Assemblée n'avait donc guère droit à en partager l'honneur. « Vous ne voter

pas cela, vous! » s'écria la droite.

Sur le troisième paragraphe, la droite s'abstint, et la gauche, lui rejetant ironiquement son mot, lui cria: « Vous ne votez pas cela,

vous! »

§ IV. L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE.

- M. Jules Simon avant mo

difié le programine des classes dans les lycées, afin d'y pouvoir de velopper l'étude des langues vivantes et de la géographie, la droite

en prit prétexte pour attaquer en lui le membre du

gouvernement

de la défense nationale, le ministre républicain de M. Thiers et le philosophe anticlérical.

En conséquence, une interpellation eut lieu le 20 mars, qui fut présentée et soutenue par M. Johnston et Fabbé Dupanloup. M. Jules Simon défendit son œuvre. Le vote lui fut favorable, la réforme put vivre encore un peu.

SV. PETITIONS BONAPARTISTES. succédaient rapidement.

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Les séances tumultueuses se

Le 29 mars, au nom d'une commission où les légitimistes étaient en majorité, M. Depeyre vint faire un rapport sur une pétition adressée à l'Assemblée par M. Jérôme Bonaparte, contre l'expulsion dont il avait été l'objet le 16 octobre précédent. D'autres péti. tions, venues d'Ajaccio, appuyaient la première.

Le rapporteur concluait à un ordre du jour exprimant des réserves sur l'obéissance aux lois et le respect de la liberté individuelle; c'è.ait impliquer que le gouvernement avait manqué à l'une et à l'autre.

M. Dufaure repoussa cet ordre du jour, et adjura l'Assemblée de ne pas laisser désarmé le gouvernement, qu'aucune loi spéciale ne protégeait.

« Présentez-en une, » cria une voix de la droite.

Sur-le-champ, M. Dufaure déposa un projet de loi interdisant, pendant cinq années, à la famille impériale le séjour de la France.

L'ordre du jour pur et simple sur les pétitions bonapartistes fut voté par 334 voix contre 278; les légitimistes avaient donné leur appui aux complices du 2 Décembre.

SVI. RÉGIME MUNICIPAL DE LYON. Le 31 mars, ce fut une autre bataille: il s'agissait de la municipalité de Lyon. Le 3 février, un membre de la droite, le baron Chaurand, avait demandé l'application, à Lyon, du système suivi à Paris : c'est-à-dire suppression de la mairie centrale, transfert de ses attributions au préfet, division de la ville en six arrondissements municipaux ayant chacun un maire et deux adjoints nommés par le gouvernement, et chargés du service de l'état civil, fractionnement de la ville en trente-six sections, ayant à nommer chacune un seul membre du conseil municipal.

Le 28 février, le gouvernement, qui avait adhéré à cette proposition et en avait appuyé l'urgence, présenta un projet de loi qui maintenait la mairie centrale en admettant les arrondissements et

les officiers d'état civil. Il conjurait l'Assemblée de voter ce projet

sans nul retard.

La combinaison Chaurand devait blesser profondément les citoyens de Lyon; celle du gouvernement était une transaction qui pouvait être acceptée sans grande difficulté; l'Assemblée l'eût as surément votée, si le gouvernement l'eût soutenue avec fermetė. Tout au contraire, M. de Goulard, ministre de l'intérieur, l'abandonua pour se rallier au projet Chaurand, qui avait les préférences de la commission chargée d'examiner les deux combinaisons.

Vainement M. Ferrouillat, député de Lyon, protesta, au nom de ses concitoyens, vainement il remontra qu'on reprenait le régime impérial, vainement il prédit des conflits, la dissolution du conseil, l'intronisation d'une commission, c'est-à-dire de la dictature administrative. Le ministre de l'intérieur soutint le projet, qu après quatre jours de débats irritants, fut voté, le 4 avril, par 461 suffrages contre 175. La majorité, naguère décentralisatrice, retournait vers la concentration à outrance.

§ VII. DEMISSION DE M. GRÉVY. Au cours de cette discussion, une altercation entre deux députés amena un tumulte, par suite duquel M. Grévy, président de l'Assemblée, voyant son autorită méconnue, donna sa démission (1er avril).

Le lendemain, 2 avril, on procéda à l'élection d'un président. La gauche tout entière portait M. Grévy, qui eut 549 voix: le candidat de la droite, M. Buffet, ancien ministre de l'Empire, n'en eut que 251. M. Grévy était donc réélu avec plus de cent voix de majorité. Toutefois, il crut devoir renouveler sa démission.

§ VIII. ÉLECTION DE M. BUFFET. Le 4, un nouveau scrutin eut pour résultat l'élection de M. Buffet avec 304 voix contre 285 dornées à M. Martel qu'appuyait le gouvernement. § IX. INDEMNITÉ DE GUERRE. PROROGATION. L'Assemblée vola ensuite un crédit de 110 millions payable en vingt-six annuites à la ville de l'aris, pour la rembourser de la contribution de 200 millions imposée par l'armistice du 28 janvier 1871, en laissant à la charge de la ville les indemnités pour dégâts causés par les deux siéges (7 avril). Elle alloua aussi 120 millions aux départe ments (mème séance), puis se sépara jusqu'au 19 mai

§ X. ÉLECTIONS PARTIELLES: M. Barodet à Paris, M. Ranc à Lyon. - La demi-session (de novembre à avril) avait été trop tempêtueuse pour ne pas laisser des remous après elle. Précisément, le jour même de la clôture, s'ouvrait la période électorale

des élecpour

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