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tails de l'entrevue sont restés quelque peu obscurs, mais le fait même a été considéré comme une réconciliation des deux branches de la maison de France ». § IV. LIBÉRATION DU TERRITOIRE. Pendant qu'on renversait M. Thiers, le traité signé au mois de mars avec l'empire d'Allemagne s'exécutait aux échéances convenues. L'occupation étrangère refluait progressivement, et, le 20 septembre 1873, il ne restait plus un seul soldat allemand sur le territoire laissé à la France. M. Thiers reçut, à cette occasion, des départements délivrés, les plus touchantes marques de reconnaissance. Le gouvernement voulut d'abord s'opposer aux réjouissances publiques des pays évacués, où le nom de M. Thiers « libérateur du territoire » était partout inscrit sur les drapeaux et les banderolles; mais il dut céder devant les protestations unanimes.

§ V. MESSAGE DU PRÉSIDENT. L'Assemblée ne siégeait pas au moment de l'évacuation du territoire; elle avait pris vacances du 51 juillet au 5 novembre. Le jour même où elle suspendit ses séances, le maréchal de Mac-Mahon lui adressa un message dans lequel, après lui avoir assuré que « l'ordre public ne serait pas troublé », il lui annonçait qu'avant sa rentrée l'occupation étrangère aurait cessé. Le message se terminait ainsi : « Ce bienfait inappréciable est l'œuvre commune du patriotisme de tous. Mon prédécesseur a puissamment contribué, par d'heureuses négociations, à la préparer. Vous l'avez aidé dans sa tàche en lui prêtant un concours qui ne lui a jamais fait défaut, et en maintenant une politique prudente et ferme qui a permis au développement de la richesse publique d'effacer rapidement les traces de nos désastres.

« Enfin, ce sont nos laborieuses populations surtout qui ont hâté elles-mêmes l'heure de leur libération par leur empressement à se résigner aux plus lourdes charges. » § VI. LETTRE DU COMTE DE CHAMBORD. Les vacances furent mises à profit par les représentants qui avaient entrepris d'opérer la restauration de la monarchie. Ils s'efforçaient d'aplanir les difficultés et se heurtèrent aux réponses très-nettes et très-catégoriques du comte de Chambord. Celui-ci leur répondait : « Je ne serai jamais le roi légitime de la Révolution. Je n'ai ni sacrifice à faire, ni conditions à recevoir. » Il maintenait le rétablissement des lois religieuses de l'ancien régime, réclamait ce qu'il considérait comme les droits de la papauté, et se refusait à « laisser arracher de ses

EMPIRE. - TROISIÈME RÉPUBLIQUE. mains le drapeau d'Henri IV et de Jeanne d'Arc ». Les envoyés de la droite ne rapportèrent point textuellement ces propos decisifs, et la confusion allait se prolongeant; alors le chef de la maison de France adressa à l'un d'eux une longue lettre qui fit cesser complétement les interprétations erronées.

Les principes du comte de Chambord étaient rets, et certains monarchistes les auraient acceptés; mais la condition posée de rétablir le drapeau blanc arrêta leur zèle. Les enfants de Louis-Philippe, dont quelques-uns avaient repris du service dans Farmée, maintenaient l'étendard de Valmy. Le descendant de Henri IV refusait de « renier le drapeau d'Arques et d'lvry ». Toutes les tentatives avaient donc définitivement échoué; il fallut dès lors aviser à d'autres moyens.

La lettre du comte de Chambord fut connue à Paris au moment de la rentrée de la Chambre.

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CHAPITRE XV

Le procès Bazaine. — Lettres, Arts, Sciences, In Fare,

SI. LE SEPTENNAT.

Le 5 novembre, l'Assemblée ayant repris sa session, M. de Broglie, vice-président du conseil des ministres, donna lecture d'un message du président de la République, qui. après avoir signifié la libération complète du territoire, rappehit à l'Assemblée qu'elle avait mis à l'ordre du jour l'étude des lois constitutionnelles. Puis, faisant allusion aux tentatives diverses qu avaient occupées le temps des vacances, le message disait :

« Votre pouvoir es idonc entier et rien n'en peut entraver l'exercice; peut-être pourtant penserez-vous que l'émotion causée par ces discussions si vives est une preuve que, dans l'état présent des faits et des esprits, l'établissement d'une forme de gouvernement, quelle quelle soit, qui engage définitivement l'avenir, présente de graves difficultés. Peut-être trouverez-vous plus prudent de conserver à vos institutions le caractère qui leur permet de rallier, comme aujourd'hui, autour du pouvoir, tous les amis de l'orare sans distinction de parti.

« ... Pour donner au repos public une garantie sure, il manque au régime actuel deux conditions essentielles dont vous ne pouvez.

sans danger, le laisser privé plus longtemps: il n'a ni la stabilité, ni l'autorité suffisantes.

« Quel que soit le dépositaire du pouvoir, il ne peut faire un bien durable si son droit de gouverner est chaque jour remis en question, et s'il n'a devant lui la garantie d'une existence assez longue pour éviter au pays la perspective d'agitations sans cesse renouvelées.

Avec un pouvoir qui peut changer à tout moment, on peut assurer la paix du jour, mais non la sécurité du lendemain: toute grande entreprise est par là même rendue impossible, le travail languit, la France, qui ne demande qu'à renaître, est arrêtée dans son développement.

• Dans les relations avec les puissances étrangères, la politique ne peut acquérir l'esprit de suite et de persévérance, qui seul à la longue inspire la confiance et maintient ou rétablit la grandeur d'une nation.

«Si la stabilité manque au pouvoir central, l'autorité aussi lui fait souvent défaut. Il n'est pas suffisamment armé par les lois pour décourager les factions et même pour se faire obéir de ses propres agents ».

Immédiatement après cette lecture, le président de l'Assemblée lut la proposition que voici :

Le pouvoir exécutif est confié pour dix ans au maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta, à partir de la promulgation de la présente loi.

Ce pouvoir continuera à être exercé dans les conditions actuelles, jusqu'aux modifications qui pourraient y être apportées par les lois constitutionnelles.

« Une commission de trente membres sera nommée sans délai, en séance publique et au scrutin de liste, pour l'examen des lois constitutionnelles.-- Signé : Général Changarnier, de Champvallier, d'Audiffret-Pasquier, Gaslonde, Anisson-Duperron, Baragnon, etc. L'Assemblée, avec l'adhésion du gouvernement, déclara l'urgence sur cette proposition qui fut renvoyée à l'examen d'une commission nommée par les bureaux.

Le 15 novembre, M. Édouard Laboulaye, rapporteur de cette commission, déposa son rapport, contenant un contre-projet que la majorité de la commission avait adopté; il était ainsi formulé :

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Président de la République, lui sont continués pour une période de cinq ans au delà du jour de la prochaine législature.

« Art. 2. Ces pouvoirs s'exerceront dans les conditions actuelles jusqu'au vote des lois constitutionnelles.

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Art. 3. La disposition énoncée en l'article premier prendra place dans les lois organiques et n'aura le caractère constitutionnel qu'après le vote de ces lois.

« Art. 4. — Dans les trois jours qui suivront la promulgation de la présente loi, une commission de trente membres sera nommée dans les bureaux pour l'examen des lois constitutionnelles présentées à l'Assemblée nationale les 49 et 20 mai 1873. »

Devant l'hostilité de la Commission, les ministres remirent leurs démissions au Président de la République qui différa de les accepter ou de les refuser jusqu'après le vote de l'Assemblée.

La discussion fut fixée au 20 novembre. Il y eut, ce jour-là, une séance de jour et une séance de nuit.

Après un débat, auquel prirent part MM. Grévy et Laboulaye, la proposition Changarnier, reproduite comme amendement par la minorité de la Commission, en réduisant les dix ans à sept ans, et rétablissant le titre de Président de la République, d'acord avec le gouvernement, fut adoptée par 383 voix contre 319.

Un second scrutin sur un article additionnel proposé par M. Waddington et ainsi conçu : « La disposition énoncée en l'article premier prendra place dans la loi organique, et n'aura le caractère constitutionnel qu'après le vote de cette loi, » donna les résultats suivants : pour l'adoption, 321; contre, 586.

Un troisième scrutin porta sur l'article 2 du contre-projet de la minorité de la Commission, ainsi conçu: « Dans les trois jours qui suivront la promulgation de la présente loi, une Commission de trente membres sera nommée en séance publique et au scrutin de liste pour l'examen des lois constitutionnelles. » M. Léon Say, au nom de la gauche, demandait que cette Commission fut nommée dans les bureaux. Le scrutin donna les résultats suivants: pour l'adoption de l'article 2 du contre-projet, 369; contre, 524. Enfin, un quatrième scrutin eut lieu sur l'ensemble de la loi et eut les résultats suivants : pour l'adoption, 578; contre, 510.

A l'issue de la séance de l'Assemblée, les membres du bureau se rendirent chez le Président de la République, pour lui faire part de la décision de l'Assemblée lui conferant pour sept années le pouvoir exécutif.

Le 26 novembre, le Président de la République reconstitua son ministère. Furent nommés: M. de Broglie, ministre de l'intérieur, conservant les fonctions de vice-président du Conseil; Garde des sceaux, ministre de la justice, M. Depeyre; Affaires étrangères, M. Decazes; Finances, M. Magne; Guerre, M. le général Du Barrail; Marine, M. le vice-amiral de Dompierre-d'Hornoy; Instruction publique, M. de Fourtou; Travaux publics, M. de Larcy; Agriculture et commerce, M. Deseilligny.

Un décret du Président de la République nomma M. Ferdinand Duval à la préfecture de la Seine.

§ II. PROCÈS BAZAINE. Concurremment avec les essais de restauration monarchique et l'établissement du septennat, un autre événement considérable tint en suspens l'émotion publique durant les mois d'octobre, de novembre et de décembre 1873: c'est le procès du maréchal Bazaine 1.

Le 29 mai 1871, un rapport avait été fait à l'Assemblée nationale sur une pétition signée du colonel du génie Cosson de Villenoisy, et demandant une enquête sur la capitulation de Metz et sur la conduite des généraux qui y avaient participé,

M. Thiers, Président de la République, monta à la tribune et parla en ces termes :

Le maréchal Bazaine demande formellement qu'une enquête soit ouverte pour qu'on juge les événements de Metz. Je crois que c'est un acte de justice qu'on ne peut pas refuser au maréchal Bazaine. Je vous ai transmis sa demande; je laisse à l'Assemblée le soin d'y répondre. »

Le ministre de la guerre déclara, de son côté, que tous les commandants de place ayant capitulé seraient traduits devant des conseils d'enquête.

Le maréchal Bazaine comparut devant un conseil d'enquête, constitué le 30 septembre 1871, et présidée par le maréchal Baraguey-d'Hilliers. Ce conseil procéda à une minutieuse information sur les termes de la capitulation de Metz, dont les conditions sont les mêmes que celles de la capitulation de Sedan 2.

Les débats du procès Bazaine ont été publiés par les librairies Polo, Garnier, Dentu, etc. Le compte rendu sténographique a été imprimé par la librairie du Moniteur universel. 1 vol. in-4°, 800 pages.

* Les procès-verbaux officiels constatent qu'il fut remis à l'ennemi : 1,665 bouches à feu, dont 1,156 rayées; 8,922 affûts de voitures; 3,239,225 projectiles; 419,285 kilogrammes de poudre; 13,288,096 cartouches du modèle chassepot; 9,696,763 cartouches de divers modèles; 124,137 fusils Chas

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