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Les diverses branches de l'art ont eu aussi leurs pertes sensibles: Henri Regnault, peintre, tué à Buzenval; Morel Fatio, peintre et conservateur du Musée de marine, mort subitement, le 5 mars 1871, en voyant des Prussiens dans le Louvre; Auber et Carafa; Vaudoyer et Duban, architectes.

Science et Industrie. La science et l'industrie, se prêtant mutuellement un concours dévoué, ont rendu de grands services pendant la guerre, et ont fait merveille pendant le siége de Paris, en fabriquant des canons, des mitrailleuses, des fusils, des munitions, des engins de défense, en augmentant les ressources de l'alimentation et construisant des moulins pour faire de la farine, en créant un service de ballons, une poste aérienne de pigeons voyageurs, en dirigeant, la nuit, la lumière électrique sur les travaux des assiégeants, en appliquant la photographie à des dépêches microscopiques, et pour bien d'autres travaux 1.

La science subit aussi, pendant ces années désastreuses. des pertes sensibles: Gustave Lambert; le mécanicien Cail; Piobert, de l'Institut; le maréchal Vaillant; le voyageur Lejean; l'astronome Laugier.

Il faut noter aussi la mort de plusieurs célébrités de l'étranger, dont les œuvres et le nom appartiennent à la civilisation universelle les romanciers anglais Ch. Dickens et Lytton Bulwer; l'historien anglais Groote; le grand agitateur italien qui a fait l'unité de l'Italie, Joseph Mazzini; l'américain Morse, qui a perfectionné le télégraphe électrique; Seward, le compagnon de Lincoln, qui faillit être assassiné le même jour que l'illustre président; Benito Juarez, le président de la République mexicaine, qui lutta, sans désespérer, pour l'indépendance de sa patrie; le lieutenant de la marine américaine Maury, connu par ses travaux géographiques; le poëte et romancier italien Manzoni; l'économiste anglais Stuart Mill; le voyageur anglais Livingstone.

Voir la Science au siége de Paris, par M. Ernest Saint-Edme (librairie Dentu) et le Compte rendu des opérations pour la mouture du grain pendant le siége de Paris, publie par le ministère de l'agriculture et commerce.

CHAPITRE XVI

Le ministère de Broglie. Les septennats. Les mandements. L'évêque de Strasbourg. - la proposition Dahirel. La seconde Chambre. Chute de M. de BrogheLoi municipale. Les bonapartistes. - Proposition Périer. - Pendant les vacances.- Reprise de la session.

La loi des maires.- La Commission des Trente.

§ I. LE MINISTÈRE DE BROGLIE.- Le ministère débuta par une déclaration par laquelle il promettait de se vouer à une œuvre « de préservation sociale » et, puisque l'ordre matériel existait, de rétablir en outre « l'ordre moral ». Une loi, votée par la même majorité qui avait fait le 24 mai, remettait aux conseils munici paux l'élection des maires. M. de Broglie ne crut pas pouvoir administrer utilement avec une telle loi; il présenta, le 18 novembre, un projet de lo conférant au gouvernement la nomination des maires, soit par le Président de la République, soit par les préfets. Le projet retirait aux maires la police municipale, pour les préfets, sous-préfets ou un délégué spécial.

en investir

L'ajournement de la discussion, demandé par un député de la droite, fut voté, le 8 janvier 1874, par 268 voix contre 226, malgré l'opposition du ministère, qui, en dépit de cet échec, resta en fonctions. Le 12, l'Assemblée revint sur son vote du 8 et remit à l'ordre du jour la loi des maires, qui fut adoptée, le 30, avec cette seule modification que le gouvernement ayant la faculté de prendre les maires en dehors du Conseil municipal, ne pourrait les prendre en dehors des électeurs communaux.

En application de cette loi, le gouvernement remplaça un grand nombre de maires précédemment choisis parmi les membres républicains des conseils municipaux.

La loi nouvelle devait cesser d'être en vigueur dès que l'Assemblée aurait voté une loi générale d'organisation municipale. Le gouvernement, encouragé par un premier succès, déposa aussitôt un projet de loi exigeant des électeurs municipaux trois ans de résidence ou le payement d'une des contributions directes; la nomination des maires était, d'ailleurs, maintenue au gouvernement. Le projet fut renvoyé à la Commission des Trente.

§ II. LA COMMISSION DES TRENTE.

L'élection de cette com

mission, instituée par la loi du 20 novembre précédent, avait été

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des plus difficiles. Au premier scrutin treize membres seulement avaient pu être nommés. La droite prétendant en exclure absolument les gauches, celles-ci rendirent nuls les scrutins ultérieurs en refusant d'y prendre part. La droite dut alors consentir à nom mer deux membres du centre gauche. Cette concession amena un nombre suffisant de votants pour compléter la commission.

§ III, LES SEPTENNATS. La majorité du 24 mai était composée des éléments les plus opposés; de là des discussions byzantines sur le septennat personnel ou le septennat impersonnel.

Suivant les partisans du premier, le pouvoir institué le 20 novembre était exclusivement personnel au maréchal de Mac-Mahon; suivant une autre opinion, la loi du 20 novembre avait institué pour sept ans une présidence de la République, confiée, jusqu'en 1880, au maréchal de Mac-Mahon, mais devant, soit à cette date, soit en cas de mort ou de démission, être transmise, pour une période de sept ans, à un autre citoyen élu par l'Assemblée, et ainsi de suite, de sept en sept années. Les républicains purent se rallier à cette opinion, qui, en fait, consacrait la République.

Le ministère se bornait seulement à affirmer que le maréchal exercerait ses fonctions jusqu'au terme légal. C'est ce que proclama lui-même le Président de la République, dans un discours qu'il adressa au tribunal de commerce de Paris (4 février 1874). M. de Broglie énonça la même résolution de faire respecter la loi du 20 novembre, dans une circulaire du 19 février, destinée à entraver une manifestation bonapartiste annoncée pour le 16 mars, jour anniversaire de la naissance du fils de l'ex-empereur. De son côté, le ministre de la guerre interdit à tout officier de se rendre, sans son autorisation, à Chislehurst.

§ IV. LES MANDEMENTS.

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Ce n'était pas seulement dans les choses de l'intérieur que le ministère se voyait entravé par ses alliés, c'était aussi dans celles de l'extérieur.

L'empire d'Allemagne avait obtenu de son Parlement des lois qui mécontentaient le clergé catholique allemand. Celui-ci, arguant de la liberté religieuse, refusait d'obéir à ces lois et invitait les populations catholiques à y résister. Le gouvernement impérial sévit contre les prélats récalcitrants. Plusieurs évêques français publièrent des mandements favorables aux évêques d'outre-Rhin. Le gouvernement impérial représenta au gouvernement français que la France, étant en paix avec l'Allemagne, ne pouvait tolérer de pareilles provocations à la révolte, venant de fonctionnaires fran

çais et se produisant sous l'état de siége. M. de Fourtou, ministre des cultes, recommanda aux évêques la modération, dans une circulaire que publia le Times. Ces incidents donnèrent lieu à des bruits de guerre, que le ministre des affaires étrangères désavoua, dans un discours à l'Assemblée nationale (20 janvier).

§ V. L'ÉVÈQUE DE STRASBOURG Par un étrange contraste, tandis que les évêques allemands luttaient contre l'empire germanique, l'évêque français de Strasbourg s'inclinait devant lui.

Les élections des députés alsaciens au Reichstag avaient eu lieu le 1er février. Catholiques et protestants s'étaient entendus pour nommer des candidats résolus à revendiquer la patrie française. Au nombre des quinze élus figuraient les deux évêques de Strasbourg et de Metz, avec d'autres prètres. Au Reichstag, M. Teutch, député de Saverne, demanda que les populations annexées fussent consultées sur leur incorporation à l'Allemagne. Cette réclamation, appuyée seulement par les députés danois et polonais, fut rejetée injurieusement. C'est alors que l'évêque de Strasbourg — il s'appelle Raës déclara que les catholiques ne se tenaient pas pour engagés par la protestation de M. Teutch, et ne méconnaissaient pas la valeur du traité de Francfort.

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§ VI. PROPOSITion Dahirel. Le 27 mars, M. Dahirel, menarchiste, proposa que l'Assemblée statuât, le 1er juin suivant, sur la forme du gouvernement définitif de la France. L'urgence, demandée par lui, combattue par M. de Broglie et M. de Keidrel, légitimiste, fut repoussée par 327 voix contre 242 (28 mars).

L'Assemblée se mit, le 29 mars, en vacances jusqu'au 11 mai Elle avait voté préalablement, entre autres lois, la prorogation des pouvoirs des conseils municipaux (25 mars), la loi reconnaissant les grades conférés aux princes d'Orléans (28. mars) et, le même jour, une loi relative aux défenses de Paris.

§ VII. LA SECONDE CHAMBRE. Le 29 mars, le jour même de la clôture de l'Assemblée, M. de Broglie saisit la Commission d'un projet de seconde Chambre, qui devait être moitié nommée par le gouvernement, moitié élue par un corps spécial d'électeurs.

§ VII. CHUTE DE M DE BROGLIE. Le temps de la prorogation fut employé en négociations ayant pour but de détacher le centre gauche des autres gauches, pour l'attirer vers le centre droit; tout fut inutile. Les monarchistes étaient irrités contre M. de Broglie, qui, maintenant, voulait établir le septennat comme une mstitution permanente. Aussi revenaient-ils en session avec le pro

jet de le renverser du pouvoir. L'occasion ne tarda pas à s'offrir. L'Assemblée était rentrée le 12 mai.

Le 16, il y eut à décider si la Chambre, en réglant son ordre du jour, donnerait la priorité à la loi d'élections municipales ou à la loi d'élections politiques. M. de Broglie donnait la préférence à la seconde; la droite préférait la première. C'est sur ce point que s'ouvrit le débat ; le ministère en fit une question de cabinet. L'Assemblée repoussa, par 381 voix contre 317, la proposition ministérielle (16 mars). Le cabinet Broglie donna aussitôt sa démission. Les chefs de groupes parlementaires auxquels s'adressa le Président de la République pour constituer un nouveau cabinet ou refusèrent d'accepter cette tâche ou y échouérent. Le Président se résolut alors à former un cabinet d'affaires. La présidence en fut donnée au ministre de la guerre, M. de Cissey. Il y resta trois membres du ministère précédent : M. Decazes, M. Magne et M. de Fourtou, qui fut transféré à l'Instruction publique. SIX. LOI MUNICIPALE. LES BONAPARTISTES. PROPOSITION CASIMIR PERIER. Dans le courant de juin, la Commission des Trente déposa son rapport sur l'organisation municipale. Trois dispositions principales la caractérisaient. L'àge électoral était porté de 21 à 25 ans ; les plus imposés faisaient partie permanente du conseil municipal; la suppression du scrutin de liste. Ces trois dispositions disparurent pendant la discussion. Le ministère obtint la prorogation temporaire du droit de nommer les maires. La loi fut votée, en seconde lecture, le 20 juin.

Le 24 mai, les électeurs de la Nièvre avaient élu député le baron de Bourgoing, attaché autrefois au service de Napoléon III, qui avait fait profession de foi bonapartiste. A l'occasion de cette élection, un député de la gauche, M. Girerd, signala à l'Assemblée un document révélant l'existence d'un comité central de bonapartistes. M. Rouher jura sur l'honneur que ce comité n'existait pas, et provoqua une enquête que l'Assemblée ordonna. Dans les discussions auxquelles donna lieu cet incident, M. Gambetta ayant traité de misérables les hommes de l'Empire, il sut, à son retour à Paris, attendu par des bonapartistes, qui l'insultèrent et dont un porta la main sur lui. L'agresseur fut arrêté, puis jugé et condamné correctionnellement. Ces scènes de violence se renouvelèrent pendant plusieurs jours.

Cependant l'enquête se poursuivait et amenait, de la part de la préfecture de police, les révélations les plus compromettantes pour

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