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et changer le résultat des élections futures. C'était une des opéra tions de ce que M. de Montalembert appelait l'expédition Rome à l'intérieur. » Dans la discussion de cette loi, M. Thier laissa échapper le mot de « vile multitude » qu'on lui a justemer reproché depuis et que, plus tard, il a noblement rétracté. lak du 31 mai. proposée, votée par l'Assemblée (433 voix contre 2 appuyée par le gouvernement, ne devait servir qu'à frapper bient cette même Assemblée et à motiver, sans la justifier, l'abstenti de la population ouvrière dans la résistance au 2 décembre. § V. SIGNATURE DES JOURNAUX. Une disposition de loi oblig les journaux à la signature de tous les articles. Cette prescrip n'avait jamais été nécessaire pour que l'auteur d'un article inc miné en revendiquât la responsabilité. Elle abaissa le niveau de presse en suscitant des ambitions de mauvais aloi qui cherchère par le scandale une notoriété qu'elles ne pouvaient gagner par talent. Jamais pareille obligation n'a été imposée à la presse aucun autre pays qu'en France.

§ VI. VOYAGES DU PRÉSIDENT. Au mois d'août, le préside fit un voyage en Bourgogne, en Franche-Comté, à Lyon, où il p testa publiquement contre les projets de coup d'État qu'on attribuait. A Besançon, à Colmar, à Strasbourg, il rencontrad manifestations sympathiques. Il y reproduisit ses protestation avec plus d'énergie encore 1. A Strasbourg, il dit : « J'ai respe je respecterai la souveraineté du peuple, même dans ce que son e pression peut avoir de faux et d'hostile. - (C'est à la constitutio de 1848 que ces mots faisaient allusion. Si j'en ai agi ainsi c'est que le titre que j'ambitionne le plus est celui d honnête homme Je ne connais rien au-dessus du devoir. » (22 août.) A Cherbourg il rappelait avec complaisance les services du premier empire, promettait de satisfaire aux vœux des populations si celles-ci vott laient bien « fortifier le pouvoir et écarter les dangers de l'avenir. Il ajoutait « Une grande nation ne se maintient à la hauteur de ses destinées que lorsque les institutions elles-mêmes sont d'accord avec les exigences de sa situation politique et de ses intérêts matériels. » (6 septembre.) Ainsi, là il professait le respect absola" de la légalité; ici, il dénonçait indirectement les institutions lé gales comme faisant obstacle aux destinées de la nation.

1 Voir la Politique impériale, exposée, par les discours et proclimates de l'empereur Napoléon III, depuis le 10 décembre 1848 jusqu'en ferier 1868. In-8°, Paris, chez Plon.

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La majorité de la Légis

§ VII, L'ASSEMBLÉE ET LE PRÉSIDENt. lative et le Président poursuivaient un but commun : la destruction de la République; mais, ce pas franchi, la communauté de vues cessait. La majorité voulait le rétablissement de la monarchie légitime ou constitutionnelle: le Président visait à la restauration de Temp re de Napoléon. De là, des divergences dans la conduite de celle-là et de celui-ci. La majorité tendait à restreindre l'action personnelle du Président par tous les moyens que lui donnait la yons'itution. Elle venait de lui accorder, avec mauvaise grâce (par 6 voix de majorité) un supplément de frais de représentation et le avait toute confiance dans le général Changarnier, investi du louble commandement de la garde nationale et de l'armée de aris; elle comptait sur lui pour l'accomplissement effectif de ses projets. Le Président semait la parole napoléonienne dans ses oyages et passait, au camp de Satory, près Versailles, des revues accompagnées de distributions de comestibles, dans lesquelles il était accueilli par les cris de « Vive l'empereur ! » dont quelques colonels Jonnaient l'exemple. Un ordre du jour du général Changarnier appela aux troupes que le silence est de devoir sous les armes novembre 1850). La destitution de ce général fut résolue. En attendant, le général Neumayer, qui avait fait spontanément observer cette règle par sa division, fut mis en disponibilité. Une société, dite du 10 décembre, était organisée pour suivre le Président en toutes ses sorties, crier sur son passage Vive l'empereur! et assommer à coups de gourdins ceux qui poussaient un autre cri.

Le message du 12 novembre, la noinination du général d'Hautpoul au gouvernement de l'Algérie, un commandement plus important donné au général Neumayer, semblaient devoir mettre fin a cette espèce de guerre sourde. Dans le même messa.e, le Président disait aussi : « Je dispose seul de l'armée, aux termes de la constitution» et c'était, en effet, de ce côté qu'il tournait tous ses efforts, tous ses soins. Les chefs militaires les plus renommés d'alors, les plus connus, les plus aimés du soldat, Cavaignac, LaDoricière, Bedeau, Changarnier, Charras, étaient membres de Assemblée et aucun d'eux ne se fût prêté à un coup d'État bonapartiste. On résolut, à l'Élysée, de « faire des généraux », et ce fut en Afrique que l'on entreprit cette culture. De là, l'expédition de Zaatcha (novembre 1849) qui ne fut pas sans difficultés et pendant quelle un des cousins du président, Pierre Bonaparte, déserta on poste; plus tard, l'expédition de la petite Kabylie qui servit à

faire une réputation au général Saint-Arnaud (mai, juillet 1854 § VIII. LETTRES. SCIENCES. L'année 1850 n'offre guère, 4 point de vue littéraire, que la publication de Madame de Longu ville, qui ouvre la série des études de Victor Cousin sur le dix-se tième siècle. En revanche, il faut y inscrire la mort de Balzac et o de Gay-Lussac.

Inauguration du service transatlantique entre New-York d

Havre

CHAPITRE VI

Préparatifs de lutte. l'intérieur.

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Révision de la Constitution.

Expédition de Rom Candidature démocratique pour la présidence. - Minde tions d hostilité. Rappel de la loi du 51 mai. Proposition des qu tions. Discours du Président.

§I. Le 2 janvier 1851, un journal, ami de l'Élysée, publia instructions militaires émanées du général Changarnier quis blaient mettre en doute l'autorite de l'Assemblée. Un autre cousin président, Jérôme Bonaparte, dénonça ces instructions à la trib et proposa un ordre du jour qui blâmait le général Changarnier lui-ci se justifia aisément et l'Assemblée, sans attendre les expl tions promises par le ministre de la guerre, adopta un ordre du témoignant de sa confiance dans le général Changarnier. Le min tre de la guerre et, après lui, tous ses collègues, donnèrent le démission, ce qui amena un remaniement ministériel dans lequ le portefeuille de la guerre fut donné au général Regnault de Sain Jean-d'Angely, très-dévoué à la politique du président. Peu jours après le double commandement du général Changarnier divisé; l'armée de Paris fut confiée au général Baraguay d'Hiller qui avait refusé de servir dans les journées de Juin, et le com mandement de la garde nationale donné au général Perrot (10 ja vier 1851).

Ce coup d'autorité soulève à l'Assemblée un débat violent. rappelle les paroles du Président pendant son voyage, les revues de Satory, les cris insurrectionnels. M. Baroche, au nom du gouver nement, affirme que le pouvoir exécutif n'a pas excédé ses droits et reproche aux légitimistes et aux orléanistes d'être allés, ceux-la à Wiesbaden, auprès du comte de Chambord, ceux-ci à Claremont

prés de la famille d'Orléans, dont le chef, Louis-Philippe, était mort le 28 août 1850.

Berryer déclare qu'il est allé à Wiesbaden afin d'amener la fusion entre les deux branches des Bourbons, seul moyen de salut pour la France: il conjure la majorité de ne pas se briser, « car, S'écrie-t-il, si elle se brise, je déplore l'avenir réservé à mon pays; e ne sais pas quels seraient vos successeurs, je ne sais pas si ous auriez des successeurs; ces murs resteront debout peut-être, dais ils ne seront habités que par des législateurs muets... Je dis ue si la majorité est brisée, nous aurons à subir, en France, ou mutisme d'une démagogie, la violence comme elle s'imposera, ule mutisme qu'un absolutisme absurde tentera de placer sur le ays. M. Thiers, à son tour, rappelle tous les services que la ajorité a rendus au Président, en favorisant son élection, en apayant son gouvernement, en lui donnant la loi du 31 mai; il atribue aux manifestations inconstitutionnelles le désaccord survenu ntre le pouvoir exécutif et le législatif. Selon lui, c'est l'exécutif ui doit céder, sinon tout est perdu. « Je n'ajoute qu'un mot, dit I. Thiers en finissant, il n'y a que deux pouvoirs, si l'Assemblée ède, il n'y en aura plus qu'un, la forme du gouvernement sera hangée. Soyez-en sûrs alors, les mots viendront plus tard; quand? je ne sais ; peu importe, le mot viendra quand il pourra: l'empire est fat.»

Oui, l'empire est fait. M. Thiers et Berryer ont, ce jour-là, dressé acte d'accusation de cette majorité qui, menée par eux, avait réparé le lit de l'empire. Ils avaient dit : « La République est ce qui nous divise le moins,» ils l'avaient comparée à un radeau de uvetage, et c'était eux-mêmes qui avaient dénoué les liens du deau, propagé la division, érigé en principe que, sous la Répu- . Fique, il est licite de préparer le retour de la monarchie. Ils yaient l'abime où l'on allait tomber, mais ils n'accusaient que mbition d'un des pouvoirs et ne voulaient pas voir les fautes anmises par l'autre et dont ils partageaient la responsabilité : ils → devaient voir la vérité qu'à Mazas.

La conclusion du débat occasionné par la destitution du général hangarnier fut un ordre du jour où, malgré les formelles protestions de Baroche contre tout projet inconstitutionnel, l'Assemblée declara qu'elle n'avait pas confiance dans le ministère (18 janvier). vant ce vote, le cabinet se retira et le Président, n'en pouvant prendre un autre ni dans la majorité ni dans la minorité, composa

un cabinet « d'affaires, » c'est-à-dire d'hommes sans signification politique (24 janvier).

Le 2 février, le ministre des finances déposa un projet de k tendant à accorder au Président un supplément de dotation. LAs semblée était disposée à l'accorder si le Président voulait former ministère parlementaire. Cette concession ayant été refusée, le prø jet de loi fut rejeté, malgré l'appui qu'y donna Montalembert.

§ II. REVISION DE LA CONSTITUTION. Cependant l'Assemble avait nommé une commission pour examiner les pétitions relative à la révision de la Constitution, mentionnées par le Président Dijon. Plusieurs modes de révision étaient proposés, soit par pétitionnaires, soit par des représentants. La discussion, ouverte 14 juillet 1851, fut close le 19, sans que les discours pronone de part et d'autre fissent beaucoup d'impression. Aux termes la Constitution, il fallait les deux tiers des voix pour ordonner la vision. Le scrutin donna, sur 750 votants, 446 voix pour la rë sion et 278 contre. Le chiffre des deux tiers n'étant pas atte la révision fut repoussée (21 juillet). Quelques membres de droite, notamment MM. Thiers et de Rémusat votèrent contre. connaissaient-ils tardivement la nécessité de conserver la Rep blique?

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L'expédition

§ III. EXPÉDITION DE ROME A L'INTÉRIEUR. Rome à l'intérieur » se continuait. Le ministre de l'Instruction blique, après avoir expurgé les écoles primaires, les lycées, les a léges, n'épargna pas le plus haut et le plus libre enseignemen il suspendit le cours de M. Michelet au Collège de France. M. de B rieu, le lieutenant de M. Falloux, était logique en agissant ains mais tel était l'affolement de certains esprits libéraux, que M. Ka thélemy Saint-Hilaire, administrateur et professeur du Collège France, de cet établissement que son fondateur, François 1", ava soustrait à la férule universitaire, ne craignit pas de venir déclare les leçons de Michelet «compromettantes pour les plus chers inte rêts du Collège de France, » et de reprocher à son illustre collegu de transformer sa chaire d'histoire et de morale en une chaire 3 politique. Il ne fallait pas qu'une voix indépendante et fière put se lever pour flétrir les crimes contre la morale que la politique inser dans l'histoire.

De son côté, le Président n'omettait pas une occasion de se poset en antagoniste de l'Assemblée. Lors de l'inauguration du chen in de fer de Paris à Dijon (1er juin), répondant à une harangue courasa

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