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ment. Le ministre, saisi du dossier, devra prononcer la confirmation sur l'avis de la section d'agriculture du Conseil d'État. Si le ministre confirme l'opposition, sa décision doit être signifiée à l'intéressé dans les six mois de la signification de l'opposition, faute de quoi, il peut défricher. La procédure ne saurait donc le tenir dans l'incertitude plus de dix mois.

382. Cette opposition serait annulable si le délai de huitaine n'avait pas été observé pour convoquer le propriétaire à la reconnaissance des bois, sauf, cependant, le cas où celui-ci se serait néanmoins rendu à la convocation. Elle le serait également si le procès-verbal de reconnaissance n'avait pas été notifié à l'intéressé avant la signification de l'opposition. Elle le serait, enfin, si elle n'était pas gravement motivée sur les raisons énumérées en l'article 220 du Code forestier. Dans ce cas, elle pourrait être l'objet d'un recours auprès du ministre ou d'un recours contentieux devant le Conseil d'État.

383. Le propriétaire qui défriche sans obéir à ces prescriptions encourt deux sortes de pénalités : 1o Une amende calculée à raison de 500 francs au moins et de 1 500 francs au plus par hectare de bois défriché; 2o l'obligation, s'il en est ainsi ordonné par le ministre, de rétablir les lieux défrichés en nature de bois dans un délai qui ne peut excéder trois années. Faute de satisfaire à cette obligation, il y serait pourvu à ses frais. Les actions ayant pour but la répression des infractions aux dispositions relatives au défrichement des bois se prescrivent en deux ans à dater de l'époque à laquelle le défrichement aura été consommé (C. F., 225) et la prescription est acquise par ce temps aussi bien en ce qui concerne les poursuites relatives à l'amende qu'en ce qui concerne l'ordre de reboisement (1).

384. Mais ces règles générales présentent des exceptions, et le défrichement peut être opéré sans déclaration préalable dans les cas suivants prévus par l'article 224 du Code forestier : 1° Quand il s'agit de jeunes bois pendant les vingt premières années après leur semis ou leur plantation, sauf ceux qui

(1) Gauvain, Législation rurale, 147.

JOUZIER.

Législation rurale.

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auraient été rétablis sur l'ordre du ministre après un défrichement délictueux; 2o les parcs ou jardins clos ou attenant aux habitations: dans ce cas, il faut réellement qu'il s'agisse de parcs, non de bois, et que l'habitation par son importance justifie la présence d'un parc; 3° les bois non clos, d'une étendue au-dessous de dix hectares, lorsqu'ils ne font pas partie d'un autre bois qui complèterait une contenance de dix hectares, ou qu'ils ne sont pas situés sur le sommet ou la pente d'une montagne. Dans ce dernier cas, il y a à apprécier une question de fait on devra entendre par montagne non pas seulement une éminence d'altitude élevée, mais encore tout relief de terrain quelque peu important avec pente rapide.

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DE LA PROPRIÉTÉ (suite). VI. DES RESTRICTIONS DU DROIT DE PROPRIÉTÉ EN CE QUI CONCERNE

LA CULTURE.

385. Le droit de cultiver se trouve soumis dans certains cas à une réglementation d'où résultent de véritables restrictions au droit d'user et au droit de jouir. Nous examinerons cette réglementation en ce qui concerne la vaine pâture et la culture du tabac seulement (1).

Vaine pâture.

386. Dans l'état primitif de l'industrie agricole, la terre est surtout utilisée en y faisant paître des bestiaux. Pour éviter

(1) La législation concernant le phylloxera et le doryphora, qui pourrait trouver place dans ce chapitre, ne présentera plus, bientôt, qu'un intérêt historique. Nous nous contenterons de signaler les principaux textes qui régissent la matière. Ce sont, pour la France, les lois des 22 juillet 1874, 15 juillet 1878, 2 août 1879, 20 décembre 1887 et 15 décembre 1888. La Convention de Berne du 3 novembre 1881, complétée par la disposition additionnelle du 15 avril 1889; les décrets des 8 juillet et 28 août 1882, 10 sep tembre 1884; les arrêtés ministériels des 13 et 14 juin 1882 et 19 mars 1896. Pour l'Algérie, le régime établi par les lois des 21 mars 1883, 28 juillet 1886, 5-6 mars, 17-26 février 1887, 23 mars 1899 et par les décrets des 12 juillet 1880, 17 juin 1884, 30 décembre 1893, 10 mars 1894 et 3 août 1899.

des frais de garde ou de clôture, elle est mise en commun pour le pâturage. A mesure que naît et se développe le progrès dans l'art de cultiver, des champs sont soustraits au pâturage pour être mis en labour. Puis, au bout de quelques années, épuisés par les récoltes exportées ou salis de mauvaises herbes par l'effet d'une culture négligée, ils sont remplacés par d'autres pris sur le pâturage tandis qu'eux-mêmes y vont faire retour. Ainsi naît l'usage de mettre en commun pour le pâturage tous les champs qui ne sont pas ensemencés, usage susceptible de se perpétuer pendant de nombreux siècles, si on en juge par ce qui se passe dans notre pays même. En effet, que, dans cet état, on reconnaisse au propriétaire d'un champ le droit de le soustraire à l'exercice du pâturage en commun, par la clôture réelle ou symbolique ou même par l'ensemencement, et on se trouvera en présence du droit de vaine pâture tel qu'il est pratiqué de nos jours : la vaine pâture n'est autre chose que le fait, pour les habitants d'une commune, « de mettre en commun, pour le pâturage seulement, les biens sur lesquels il n'y a ni fruits ni semence et qui ne sont pas en défens >> (1), c'est-à-dire qui ne sont pas en état de clôture symbolique ou réelle. Quant au parcours, c'est la vaine pâture exercée d'une commune à l'autre.

Il ne faut pas confondre ce mode d'utilisation du sol avec quelques autres, voisins à certains égards, mais nettement différents au fond, savoir: 1° le pâturage sur les biens communaux qui consiste à conduire les animaux non sur les terres des particuliers d'une manière réciproque, mais sur des terres appartenant à la commune et soumises au régime de l'utilisation collective; 2o le pâturage dans les bois, véritable servitude exercée sur la propriété d'autrui; 3o la vaine pàture établie sur un héritage déterminé, qui présente le même caractère que la précédente et permet au propriétaire d'un héritage d'envoyer ses troupeaux paître sur un autre héritage, sans qu'il y ait réciprocité pour le propriétaire de celui-ci.

387. La vaine pâture est un mode peu avantageux d'exploiter le sol. Outre que l'industrie pastorale, par elle-même, ne nour

(1) Gauvain, Législation rurale, Paris, 1890, Firmin Didot.

rit pas un aussi nombreux personnel, par unité de surface, que la culture arable, le mode d'utilisation en commun, à peu près exclusif de toute amélioration, est incapable de donner un produit brut élevé. Aussi, déjà à la fin du xvIIe siècle, la vaine pâture avait-elle cessé d'être en rapport avec la densité de population de notre pays. L'Assemblée nationale, qui eut à cette époque l'obligation de la réglementer par la loi des 28 septembre-6 octobre 1791, prit le soin d'en interdire toute extension nouvelle en décidant qu'elle ne continuerait de s'exercer que dans les lieux où elle était fondée sur un titre particulier, ou autorisée par la loi ou par un usage immémorial; elle eut le soin, aussi, d'en réglementer assez étroitement l'exercice là où elle existait (L. 28 septembre-6 octobre 1791, S. IV, art. 3). Depuis cette époque, le législateur ne s'est jamais départi de cette attitude vis-à-vis de la vaine pâture et il est même allé plus loin que la Nationale Constituante. La loi du 22 juin 1854 a supprimé la vaine pâture en Corse et la législation actuelle renferme toutes les dispositions nécessaires pour favoriser l'extinction complète de cette institution. Elle rencontre, il est vrai, des résistances. De nos jours comme en 1789, il existe des raisons, parmi lesquelles le droit des pauvres tout particulièrement, pour maintenir la vaine pâture. La preuve en a été fournie par ce fait, que sa suppression absolue sur les prairies naturelles, prononcée par la loi du 9 juillet 1889, a soulevé des réclamations telles qu'il a fallu l'année suivante (L. 22 juin 1890), en permettre le rétablissement. Mais ces deux lois ont réalisé une véritable purge de la vaine pâture.

388. La suppression déjà prononcée à l'égard des prairies artificielles par le décret de 1789 demeure acquise. Sur les terres (loi de 1889) et sur les prairies naturelles, ces lois la supprimaient en principe : elle devait cesser d'exister dans le délai d'un an à dater de leur promulgation, sauf la faculté dans ce même délai d'en réclamer le maintien au profit d'une commune ou d'une section de commune (non de particuliers isolés). La réclamation pouvait être présentée par le conseil municipal ou bien par un ou plusieurs ayants droit, au préfet qui, dans ce dernier cas, devait prendre l'avis du conseil muni

cipal. Faute par celui-ci de répondre dans les six mois, la loi ordonne de poursuivre la procédure et de soumettre la demande au conseil général dont la délibération est définitive si elle est conforme à l'avis donné par le conseil municipal. En cas de divergence, la question devait être portée devant le Conseil d'État et résolue par décret. Enfin, dans le cas où aucune réponse n'aurait été donnée à une réclamation dans le délai d'un an à dater de la promulgation de la loi de 1889 pour les terres, de 1890 pour les prairies, la vaine pâture continue à s'exercer jusqu'à ce qu'une décision soit intervenue.

389. Sauf cette dernière éventualité, cette procédure ne présente plus aucun intérêt quant au maintien de la vaine pâture; sous ce rapport, ses effets sont épuisés. Mais elle présente un réel intérêt pratique en ce qu'elle est appelée à présider à la suppression de la vaine pâture dans les communes où elle a été maintenue: le conseil municipal, mais lui seul, et non pas les ayants droit, pourra toujours en demander la suppression après enquête de commodo et incommodo et sa proposition donnera lieu à la même procédure que la demande en maintien quand il était permis de l'exercer. La suppression de la vaine pâture n'est donc plus qu'une question de temps. Quant au parcours, il a été supprimé sans réserve (L. 9 juillet 1889).

390. En aucun cas la vaine pâture ne peut s'exercer sur les prairies artificielles, ni sur une terre ensemencée, ou couverte d'une production quelconque faisant l'objet d'une récolte, tant que la récolte n'est pas enlevée, non plus que sur les terres en état de clôture. D'ailleurs, le propriétaire conserve toute liberté pour changer son assolement et clore des terres qui ne l'étaient pas. Est réputé clos, tout terrain entouré soit par une haie vive, soit par un mur, une palissade, un treillage, une haie sèche d'une hauteur d'un mètre au moins, soit par un fossé de 1,20 à l'ouverture et de 0,50 de profondeur, soit par des traverses en bois ou des fils métalliques distants entre eux de 33 centimètres au plus et s'élevant à un mètre de hauteur, soit par toute autre clôture continue et équivalente faisant obstacle à l'introduction des animaux. (L. 9 juillet 1889-6). Les clôtures symboliques elles-mêmes,

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