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intérêt. Ce fait doit évidemment être tenu pour vrai. Aussi l'aveu fait-il foi pleine et entière contre celui qui l'a fait (C. civ., 1356). Mais cette force probante n'est accordée qu'à l'aveu judiciaire et à l'aveu écrit. L'aveu extra-judiciaire purement verbal n'a de force probante que dans le cas où la preuve par témoins est admise (C. civ., 1355). Dans ce cas, en effet, sa valeur est essentiellement subordonnée à celle du témoignage. Pour que l'aveu judiciaire et l'aveu écrit eux-mêmes méritent pleine foi, il faut qu'ils aient été faits librement et ne portent point sur des faits qui, désavantageux à certains égards pour celui qui les reconnaît, lui procurent par ailleurs des avantages plus grands, car le caractère de l'aveu disparaît dans ce cas. L'aveu ne peut pas être divisé contre celui qui l'a fait (C. civ., 1356), ce qui veut dire que le juge ne peut pas retenir de l'aveu ce qui serait défavorable à son auteur et rejeter ce qui lui serait favorable, à moins cependant que les faits infirmés par l'aveu ne soient démontrés sans son secours.

L'aveu ne peut pas être révoqué sous prétexte d'une erreur de droit (C. civ., 1356): celui qui a fait un aveu sans en entrevoir les conséquences fâcheuses à son préjudice n'est point admis à se rétracter, ce qu'il allèguerail en sens contraire serait tenu pour inexact. Mais l'aveu peut être révoqué s'il a été la conséquence d'une erreur de fait croyant avoir reçu de Pierre une certaine somme, j'en ai fait l'aveu; mais il se trouve que je me suis trompé et que c'est de Paul que je la tiens. Si j'en puis fournir la preuve, je serai admis à révoquer mon aveu.

Preuve testimoniale.

136. Les témoins ne méritent pas une confiance illimitée. Le passé a maintes fois démontré qu'un faux témoignage s'obtient assez facilement de certaines personnes et que c'est surtout une question de prix. Aussi, pour éviter la fraude, la loi a-t-elle fixé à une limite assez basse la valeur jusqu'à concurrence de laquelle la preuve testimoniale est admise.

C. civ., ART. 1341.

Il doit être passé acte devant notaire ou sous signature privée, de toutes choses qui excèdent la somme ou la valeur de 150 francs.... ;

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La règle ci-dessus s'applique au cas où l'action
Législation rurale.

contient, outre la demande du capital, une demande d'intérêts qui, réunis au capital, excèdent la somme de 150 francs;

ART. 1343.

Celui qui a formé une demande excédant 150 francs, ne peut plus être admis à la preuve testimoniale, même en restreignant sa demande primitive.

ART. 1344. · La preuve testimoniale sur la demande d'une somme même moindre de 150 francs, ne peut être admise lorsque cette somme est déclarée être le restant ou faire partie d'une créance plus forte qui n'est point prouvée par écrit.

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ART. 1345. Si dans la même instance une partie fait plusieurs demandes dont il n'y ait point de titre par écrit, et que, jointes ensemble, elles excèdent la somme de 150 francs, la preuve par témoins n'en peut être admise, encore que la partie allègue que ces créances proviennent de différentes causes, et qu'elles se soient formées en différents temps, si ce n'était que ces droits procédassent, par succession, donation ou autrement (1).

ART. 1346. - Toutes les demandes, à quelque titre que ce soit, qui ne seront pas entièrement justifiées par écrit, seront formées par un même exploit, après lequel les autres demandes dont il n'y aura point de preuves par écrit, ne seront pas reçues.

...

A cela il faut ajouter (( il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une valeur moindre de 150 francs (C. civ., 1341). La preuve par témoins n'est donc jamais admise contre les actes pour en établir la modification, même si l'objet de ceux-ci avait une valeur moindre de 150 francs. Mais elle serait admise pour établir le payement d'une dette inférieure à 150 francs qui serait prouvée par écrit : j'emprunte 100 francs et je souscris un billet pour en faire la preuve, je ne serai point admis à prouver par témoins que c'est seulement 90 francs qui m'ont été prêtés, pas plus que mon créancier ne le serait à prouver de la même façon que c'est 120 francs que je lui dois. Mais si je paye sans retirer quittance, je serai admis à faire la preuve par témoins, car l'acte qu'il s'agit de prouver n'est pas modificatif du premier, c'est un acte distinct.

(1) Conclusion: le débiteur doit donner un titre écrit ou être poursuivi avant que l'ensemble des créances d'une même personne contre lui atteigne la somme de 150 francs.

137. Telles sont les règles générales. Il y a exception: 1o en malière de commerce où la preuve par écrit n'est nécessaire que pour les cas où elle a été formellement prescrite; 2o lorsqu'il y a un commencement de preuve par écrit : par là, il faut entendre tout acte par écrit qui émane de celui contre lequel la preuve est dirigée ou de celui qu'il représente et qui rend vraisemblable le fait allégué; dans ce cas, la preuve peut être complétée par tout autre moyen (C. civ., 1347); 3° toutes les fois qu'il n'a pas été possible de se procurer une preuve par écrit. Cette exception régit un grand nombre de cas que nous retrouverons sous les noms de délits et de quasi-délits, elle régit aussi le dépôt nécessaire, les obligations contractées en cas d'accidents imprévus, où l'on ne pourrait pas avoir fait des actes par écrit, et enfin le cas où le créancier a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d'un cas fortuit, imprévu et résultant d'une force majeure (C. civ., 1348).

Présomptions.

138. Les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu (C. civ., 1349). On dit encore que ce sont des preuves déduites de simples indices. C'est ainsi, par exemple, que pour une personne le fait connu de jouir d'un champ, sera en sa faveur l'indice d'un droit de propriété sur ce champ, ce que l'on traduit en disant qu'il y a dans la possession présomption de propriété en faveur du possesseur.

139. Les présomptions sont de deux sortes. En général, les faits étant constatés, la loi laisse le juge libre de tirer les indications qui en découlent : elle abandonne aux lumières et à la prudence du magistrat le soin de découvrir la vérité avec l'aide des indices qu'il possède ; elle lui recommande seulement de n'admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et de les admettre seulement dans les cas où la loi admet la preuve testimoniale. Ces présomptions sont dites présomptions de fait ou présomptions de l'homme. Mais dans quelques cas particuliers, c'est la loi elle-même qui dicte au juge les conclusions qu'il doit tirer de la constatation des faits, c'est elle-même qui établit la présomption qui, dans ce cas, est dite légale telle est la présomption de vérité que la loi établit

en faveur de la chose jugée. Ce qui a été proclamé vrai par un jugement régulièrement rendu est tenu pour vrai, jusqu'à revision du jugement, et il n'est point permis au juge de le tenir pour faux en s'autorisant d'indices contraires (1).

140. Dans les présomptions légales elles-mêmes, il y a une distinction nécessaire. En général, la présomption légale a simplement pour effet de dispenser de toute preuve celui au profit de qui elle existe, mais elle n'entraîne point l'interdiction pour la partie adverse, de faire la preuve du contraire, ce que l'on exprime en disant qu'en général la présomption légale n'est pas irrefragable. Mais dans certains cas particuliers, au contraire, aucune preuve n'est admise contre elle: on la dit alors irréfragable. Il en est ainsi d'une manière limitative lorsque sur le fondement de la présomption légale la loi : 1o annule certains actes; ou 2o dénie l'action en justice; sauf cependant les cas particuliers qui se rattachent à ces deux espèces et pour lesquels le bénéfice de la preuve contraire a été réservé, ce qui les fait rentrer dans la règle générale. Enfin, contre la présomption irréfragable, l'adversaire aura toujours comme ressources l'aveu et le serment décisoire: celui auquel est opposée une présomption légale pourra toujours demander à son adversaire d'affirmer que la vérité est bien conforme à ce qui est présumé par la loi, sauf, cependant, le cas où la présomption combattue serait fondée sur des motifs d'ordre public, comme la présomption de vérité attachée à la chose jugée.

Serment.

141. Le serment est une variété de l'aveu dont la production est entourée de garanties particulières et auquel on accorde pour cette raison des effets plus étendus. Tandis que dans l'aveu les affirmations sont produites de la manière la plus

(1) « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement: il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée pas elles et contre elles en la même qualité ». C'est là ce que l'on exprime en disant que l'autorité des jugements est relative et non pas absolue. En outre, il faut noter que l'autorité, ou présomption de vérité, est établie en faveur du dispositif du jugement, mais non en faveur des motifs.

simple, sans qu'aucun formalisme soit exigé, le serment revêt une forme solennelle qui permet d'éviter le mensonge. Pour cette raison, les faits simplement avoués par une partie ne sont en principe tenus pour vrais que s'ils vont à l'encontre de ses intérêts, tandis qu'il est accordé une créance parfois absolue aux affirmations produites par serment, même lorsqu'elles sont entièrement favorables à leur auteur.

142. Il y a deux espèces de serment judiciaire fort différentes quant à leurs effets. Il se peut que dénué de tout autre moyen de prouver sa prétention, le demandeur propose à son adversaire d'affirmer par serment que celle-ci n'est pas fondée, ou bien, réciproquement, que le défendeur invite le demandeur à affirmer de la même façon que ses prétentions sont sincères; on appelle serment décisoire, celui qui est ainsi déféré par une partie, à l'autre partie. Mais il se peut également que le juge, insuffisamment renseigné, défère le serment de sa propre autorité, c'est-à-dire demande lui-même à l'un des plaideurs, d'affirmer sous serment l'exactitude de ce qu'il avance : dans ce cas, le serment est dit d'office, ou encore supplétif ou supplétoire.

143. Le serment décisoire peut être déféré sur quelque espèce de contestation que ce soit, mais seulement sur un fait personnel à celui à qui on le défère, afin que celui-ci soit en état de savoir si le fait sur lequel il doit se prononcer est exact ou non je puis certifier que j'ai payé telle somme que l'on réclame de moi, mais je ne possède plus le même degré de certitude au sujet d'une somme qui aurait été payée par une tierce personne et qui me serait réclamée en qualité d'ayant cause (héritier) de celle-ci. Le serment décisoire peut être déféré en tout état de cause, c'est-à-dire quelque avancée que soit l'instruction de l'affaire qu'il concerne; il peut l'être même s'il n'existe aucun commencement de preuve de la demande ou de l'exception sur laquelle il est provoqué.

144. Celui auquel est déféré le serment décisoire peut se trouver dans l'incertitude au sujet du fait qu'on lui demande d'affirmer; il peut alors référer le serment à son adversaire pourvu que le fait qui en est l'objet soit celui des deux parties. Ainsi, une dette que je crois avoir payée m'étant réclamée en justice, je puis hésiter à faire serment que j'ai payé, si mes souvenirs ne sont pas précis. Dans ce cas, si mon adversaire

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