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me défère le serment, je puis retourner la question et lui demander, à lui, de jurer qu'il n'a pas été payé. Le serment ne pourrait pas être référé, si le fait qui en est l'objet était personnel à celui auquel il avait été déféré : je ne pourrai plus, comme précédemment, retourner la question si la dette m'est réclamée par les héritiers de mon créancier au lieu de l'être par celui-ci lui-même.

Le jugement de la cause est sous la dépendance absolue du serment décisoire, de là son nom : « Celui auquel le serment (décisoire) est déféré qui le refuse ou ne consent pas à le référer à son adversaire, ou l'adversaire à qui il a été référé et qui le refuse, doit succomber dans sa demande ou dans son exception » (C. civ., art. 1361). Ce qui est affirmé par ce serment est donc tenu pour vrai et la partie contre laquelle ce serment a été fait n'est point recevable à en prouver la fausseté.

Le serment décisoire a le caractère d'une convention entre les parties. Il en résulte, d'abord, que la partie qui a déféré ou référé le serment ne peut plus se rétracter lorsque l'adversaire a déclaré qu'il est prêt à faire ce serment: il y a proposition acceptée, et par conséquent contrat. En second lieu, sauf exception (111), le serment prêté ne forme preuve qu'au profit de celui qui l'a déféré ou contre lui et au profit de ses héritiers et ayants cause ou contre eux.

145. Le juge peut déférer le serment d'office dans deux buts distincts ou bien pour en faire dépendre le jugement de la cause, c'est-à-dire pour savoir si le motif de la demande est fondé, ou bien seulement pour déterminer le montant de la condamnation. Mais il faut, pour que le juge en ait le droit, que ces deux conditions se trouvent réunies: 1° Que la demande ou l'exception (1) ne soit pas pleinement justifiée; 2o Qu'elle ne soit pas totalement dénuée de preuves. De là le nom de serment supplétif: il ne fait pas preuve par lui-même, mais peut seulement compléter des preuves. Si la demande ou l'exception est pleinement justifiée, le juge doit l'admettre sans recourir au serment; s'il n'existe à son profit aucun autre élément de preuve, il doit la rejeter.

Le serment d'office a le caractère d'une simple mesure d'instruction et non celui d'une convention. Conséquences : 1o celui

(1) Il faut entendre par exception le moyen de défense opposé au demandeur par le défendeur, ou, d'une manière générale, opposé à une argumentation quelconque.

auquel il a été déféré ne peut en aucun cas le référer à son adversaire; 2o le tribunal qui l'a ordonné n'est pas lié et peut toujours rapporter sa première décision. Enfin, il est admis aussi très généralement que le tribunal n'est pas lié, même lorsque le serment d'office a été prêté et que le jugement peut être rendu en contradiction avec les affirmations ainsi produites (1).

Exceptions relatives au commerce.

146. En matière commerciale, les règles de la preuve sont fort différentes. Ainsi qu'il a été dit plus haut, la règle générale est que, d'une part, tous les modes de preuve sont admis, y compris la preuve testimoniale et les présomptions de l'homme, pour quelque valeur que ce soit. D'autre part, les actes sous seings privés font foi par eux-mêmes de leur date non seulement entre les parties, mais encore à l'égard des tiers. Cette règle ne cesse d'ètre appliquée que dans deux séries d'actes différents, savoir: 1° ceux pour la validité desquels le Code civil exige un écrit authentique, comme pour la constitution d'hypothèque; 2o ceux pour lesquels le Code de commerce luimême exige un écrit comme moyen de preuve; dans ce cas, l'écrit est soumis, en ce qui concerne la certitude de sa date, aux règles du droit commun (2).

V. DES PERSONNES.

147. Sous le nom de personnes, on désigne les individualités que la loi reconnaît comme titulaires de droits et comme susceptibles d'obligations jouir de la personnalité au point de vue légal, c'est donc avoir la faculté de posséder ou recueillir des droits, de contracter des obligations.

(1) En sens contraire sur ce point, Planiol, t. II, no 33 et note. (2) Les contrats pour lesquels le Code de commerce exige un écrit comme moyen de preuve sont les sociétés autres que celles en participation, les ventes de navires, l'affrètement, le prêt à la grosse, l'assurance maritime.

:

Personnes réelles et personnes morales.

148. La loi distingue deux sortes de personnes. D'une part, à tout être humain né viable, considéré individuellement, elle accorde la qualité de personne réelle et, d'autre part, elle reconnaît sous le nom de personnes civiles des personnalités fictives, constituées par des associations de personnes réelles.

149. Les personnes civiles, connues encore sous le nom de personnes morales, sont ou privées ou publiques. Les premières représentent des associations dues à l'initiative privée, comme un syndicat professionnel, les secondes des associations créées par l'autorité publique, comme celle que forment les habitants d'une commune.

150. Parmi les associations privées, on distingue deux espèces d'une manière générale. Sous le nom de sociétés, on désigne celles qui consistent dans la réunion des moyens de toute sorte nécessaires pour la constitution d'une entreprise industrielle en vue de partager entre les sociétaires les bénéfices qui peuvent en résulter. Ces sociétés, qui peuvent être civiles ou commerciales suivant la nature des entreprises auxquelles elles se livrent, possèdent la personnalité civile. A côté d'elles on distingue, en leur réservant plus particulièrement le nom d'associations, celles qui s'organisent dans un but moins directement industriel et qui visent surtout à procurer à leurs adhérents des avantages d'ordre plutôt moral, soit en leur assurant des moyens de défense pour leur industrie (syndicats professionnels), ou exerçant en commun une certaine propagande dans le domaine de la pensée (associations politiques ou religieuses) ou bien encore en effectuant certains travaux dans un intérêt commun (associations syndicales).

151. Sauf des régimes particuliers établis pour les associations syndicales, les syndicats professionnels et les associations religieuses, les associations sont soumises aux mêmes règles. Elles peuvent se former librement, sans être astreintes à aucune espèce de déclaration (L. 1er juillet 1901, art. 1er). Mais elles n'ont point, par le seul fait de leur formation, la personnalité civile. Pour en posséder le bénéfice, elles

doivent être déclarées à la sous-préfecture (L. 1901, art. 5). Faute d'avoir fait la déclaration prescrite, l'association ne posséderait rien en propre, les biens qu'elle aurait réunis resteraient la propriété de ceux de ses membres qui les auraient fournis. Les effets de la déclaration sont d'ailleurs limités. L'association simplement déclarée ne peut pas s'enrichir, la loi lui interdit de posséder autre chose que le produit des cotisations de ses membres et fixe à un maximum de 500 francs le rachat de ces cotisations, c'est-à-dire le versement unique au moyen duquel tout sociétaire peut être dispensé de payer une cotisation annuelle. Si l'association veut jouir plus largement de la personnalité civile, et acquérir le droit de recueillir des dons ou legs, il ne lui suffit pas d'être déclarée à la sous-préfecture, elle doit obtenir la déclaration d'utilité publique, faveur qu'elle doit solliciter de l'administration et qui lui peut être accordée par un décret rendu sur l'avis du Conseil d'État.

152. Les personnes morales publiques sont de plusieurs sortes. On y établit tout d'abord une distinction fondée sur ce fait que les unes correspondent à une certaine division administrative du territoire et les autres, connues sous le nom d'établissements publics, à la gestion d'un service public déterminé. Les circonscriptions territoriales auxquelles a été accordée la personnalité civile sont l'État, le département, le syndicat de communes, la commune et la section de commune. En outre, chacune de nos colonies possède également des biens propres et doit, dès lors, être considérée comme jouissant de la personnalité civile. Les établissements publics sont nombreux. Ils sont religieux ou laïques. Parmi ces derniers, nous citerons comme ayant un caractère agricole, les Chambres consultatives d'agriculture et l'Institut national agronomique.

153. Attributs de la personnalité. Outre la faculté de recueillir des droits et de contracter des engagements, la personnalité possède divers attributs: un nom, un commencement et une fin, un état juridique, un domicile et un patrimoine sur lesquels quelques notions sont nécessaires en raison des particularités qu'ils engendrent quant à l'exercice des droits reconnus aux personnes.

154. Le nom sert à distinguer les personnes. Sauf quelques exceptions, il est héréditaire et tiré de celui du père pour les personnes réelles. Pour les personnes morales, il est en général constitué de façon à rappeler leur origine ou le but qu'elles poursuivent et même les deux à la fois.

155. Le commencement de la personnalité date du moment où l'enfant est né s'il s'agit d'une personne réelle, de celui où les formalités légales de sa constitution ont été accomplies s'il s'agit d'une personne morale. Cependant, la personnalité peut conférer des droits par rétroactivité, avant la naissance, sous deux conditions: c'est que l'enfant naisse vivant et viable. Ces deux conditions, la dernière surtout, résultent de faits purs et simples (conformation anatomique) dont bien souvent le médecin est seul à pouvoir affirmer la réalité.

156. La personnalité se perd avec la vie pour les personnes réelles, c'est-à-dire par l'effet de la mort naturelle. La mort civile, à laquelle étaient attachés les mêmes effets, a été abolie (L. 8 juin 1850 et 31 mai 1854). Pour les personnes morales, la fin résultera d'une décision de l'autorité qui les a constituées ou dont elles dépendent. C'est ainsi qu'un établissement public peut disparaître comme il a pris naissance, par l'effet d'un acte législatif. S'il s'agit d'associations privées, cet effet se produira par l'arrivée d'un terme extinctif prévu, ou un vote de dissolution émané des sociétaires, ou le retrait d'autorisation, ou l'annulation dans le cas où l'association se serait constituée en dehors des prescriptions légales.

157. On entend par état juridique d'une personne un certain nombre de qualités, inhérentes à la personne, ou qu'elle tient de ses rapports avec d'autres personnes, et desquelles la loi fait découler des droits et des obligations: telles sont les qualités de citoyen français, d'époux, de fils légitime, etc. Une même personne peut réunir plusieurs qualités d'où se déduit son état. Ainsi elle peut être française et majeure, ou bien française et mineure, avoir la qualité de français et d'époux, etc. On exprime ces particularités en disant que l'état d'une personne est multiple. Il en résulte que pour apprécier cet état, il faut se placer à de multiples points de vue. On en peut considérer quatre que nous allons examiner successivement.

158. 1o Point de vue politique. On en déduit la nationalité, la qualité de citoyen et celle de condamné ou de failli. Cette distinction présente un certain intérêt en ce qu'elle règle

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