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<< La ligne franco-espagnole, ainsi << l'avons dit, était mal formée

que nous l'espace «< compris entre le Neptune et le Bucentaure << n'était pas suffisant pour les dix vaisseaux << qui devaient s'y placer : quelques-uns se << doublaient; d'autres se trouvaient sous le << vent de leur poste, qui demeurait vide sans << qu'ils pussent s'y placer. Le Dugay-Trouin <<< était dans ce même cas, ainsi que les deux <<< vaisseaux le San-Francisco de Assis et le « San-Augustino. Le Héros, la Santissima« Trinidad et le Bucentaure étaient parfaite << ment formés. Le Neptune, matclot d'arrière << du vaisseau amiral dans l'ordre de bataille

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« renversé, était sous le vent de son poste; « le San-Leandro, placé alors dans les eaux « du Neptune, était également hors de la ligne. Le Redoutable était exactement à << son poste : en arrière de ce vaisseau, il « existait un grand vide; le San-Justo et l'Indomptable qui devaient le remplir, << étaient non-seulement accalés, mais un «peu sous le vent de la ligne. Depuis la « Santa-Anna jusques et compris l'Argo« naute, l'ordre était assez bien établi; le « Montaguès et l'Argonauta se trouvaient << sous le vent de leur poste; le reste des vais«seaux, quoiqu'un peu sous le vent aussi, ❝ présentait une ligne régulièrement formée, « à l'exception de l'Achille dont on n'avait « pas laissé la place vide, et qui doublait le «San-Ildefonso. Les frégates et les bricks << étaient à une distance considérable sous le << vent; les premières surtout, à cause de << l'état du temps, se trouvaient par là dans <<< l'impossibilité de rendre à la flotte les ser« vices 'qu'elle avait droit d'en attendre, « d'après les instructions de l'amiral. »

Nous suspendons pour un instant la narration que nous avons adoptée, afin de placer ici une observation critique, faite par l'auteur lui-même, et qu'il nous a paru essentiel de mettre sous les yeux de nos lecteurs, parce qu'elle explique la différence des dispositions faites par les deux amiraux, et la principale cause de la victoire de Nelson et de la défaite de Villeneuve."

L'amiral français négligea de donner aux amiraux et contre-amiraux sous ses ordres des instructions particulières relativement à la position où pouvait se trouver la flotte combinée dans les deux cas d'attaque et de défense, selon les desseins et la manœuvre de l'ennemi. Après avoir réglé l'ordre de bataille sur une seule ligne, tel que nous l'avons rapporté, il se référa aux instructions générales qu'il avait données à sa sortie de Toulon; en voici la substance: Si l'ennemi est sous le vent à nous, maîtres de notre manœuvre, nous formerons notre ordre de bataille, et nous arriverons sur lui tous à la fois; chacun de nos vaisseaux combat celui

qui lui est opposé dans la ligne ennemie, et ne doit pas hésiter à l'aborder, si la circonstance lui est favorable; je vous ferai trèspeu de signaux, mais j'attends tout du courage de chaque capitaine..... Celui qui ne serait pas dans le feu ne serait pas à son poste, et un signal pour l'y appeler serait une táche déshonorante pour lui..... Si l'en-. nemi, au contraire, se présente au vent à nous, et témoigne l'intention de nous attaquer, nous devons l'attendre sur une ligne de bataille bien serrée.... L'ennemi ne se bornera pas à se former sur une ligne de bataille parallèle à la nôtre, et à venir nous livrer un combat d'artillerie, dont le succès appartient souvent au plus habile, mais toujours au plus heureux ; il cherchera à entourer notre arrière-garde, à nous traverser, et à porter sur ceux de nos vaisseaux qu'il aurait désunis des pelotons des siens pour les envelopper et les réduire. Dans ce cas, c'est bien plus de son courage et de son amour de la gloire qu'un capitaine-commandant doit prendre conseil, que des signaux de

l'amiral qui, engagé lui-même dans le combat, et enveloppé dans la fumée, n'a peutétre plus la facilité d'en faire.

On ne peut s'empêcher, dit avec raison M. Parisot, de remarquer, en lisant cette instruction de l'amiral Villeneuve, la différence qui existe entre la manière d'attaquer qu'il recommande à ses capitaines, et celle dont il suppose que l'ennemi l'attaquera lui-même; et en effet, on se demande pourquoi la tactique navale des Français, si perfectionnée pendant la précédente guerre maritime par les Dupavillion, les Borda, était à ce point oubliée. Pourquoi, après de funestes épreuves, après les succès des amiraux anglais Rodney, Hood et Nelson, dus à leurs diverses manoeuvres pour couper la ligne et en mettre une seule partie entre deux feux, on persistait à établir, l'ordre de bataille sur une ligne parallèle à celle de l'ennemi?

Si l'on compare maintenant à cette disposition routinière celle prescrite. par l'amiral Nelson dans son ordre du 10 octobre, on jugera de l'immense avantage que cette

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