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belle position. Il n'y avait pas moins de vingtcinq mille hommes formés sur deux lignes d'infanterie, soutenus par une nombreuse cavalerie. La division française était composée d'un régiment d'infanterie légère, de deux d'infanterie de ligne, d'un régiment de hussards, et de deux régimens de dragons, en tout six mille combattans. Le prince Ferdinand prit cette division pour l'avant-garde du corps d'armée du maréchal Ney, et ne doulant pas que le reste ne la suivît de près, il fit ses dispositions pour recevoir la bataille. Le général Dupont, dans cette situation périlleuse, après avoir bien reconnu la supériorité de forces de l'ennemi, prit le parti le plus audacieux et toujours le plus sûr dans une semblable occurrence. S'il se fût retiré, l'ennemi détrompé l'aurait promptement enveloppé avec sa cavalerie, aurait coupé sa retraite, et eût infailliblement détruit sa division: le général n'hésita pas et se disposa au combat; il plaça un régiment (le 32 de ligne) au hameau d'Hasslach, couvrant la grande route; il fit déployer les

deux autres à sa droite, dans la plaine, et occupa par des postes quelques bouquets de bois qui se trouvaient sur son front et sur son flanc droit; il mit sur ses ailes et en réserve, selon le terrain, ce qu'il avait de troupes à cheval.

L'ennemi, voyant que ce corps s'arrêtait et prenait poste à Hasslach, s'ébranla pour engager le combat; plusieurs régimens se détachèrent de sa première ligne, et vinrent se mettre en bataille à une petite portée de mousqueterie; en même temps, la nombreuse cavalerie autrichienne se porta en avant et s'étendit pour envelopper, par ses deux ailes, la division française : le géneral Dupont ne voulant pas laisser à l'ennemi le temps de déployes ses colonnes et de développer son feu, se décida à l'aborder à la baïonnette pour rendre le combat moins inégal et plus décisif; il fit charger par les 9 et 96 régimens, les premiers bataillons autrichiens déjà formés; ils furent renversés avec tant de vigueur, que toute cette première ligne se retira en désordre, et laissa

quinze cents prisonniers entre les mains des Français.

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Ce premier succès donna aux soldats du général Dupont une telle confiance, que des jeunes conscrits qui combattaient pour la première fois, fiers d'égaler les anciens braves, firent des prodiges de valeur de nouvelles colonnes se présentèrent comme les premières, et furent chargées à la baïonnette avec le même avantage. Ne pouvant forcer la position du front, le prince Ferdinand manoeuvra par sa gauche, et s'empara du village de Jungingen, où s'appuyait la droite de la division française; les mêmes régimens combattant toujours à la baïonnette, s'en rendirent maîtres, et ne purent s'y maintenir que par des efforts continus et des charges successives sur les points où l'ennemi parvenait à se rétablir le sort de la division dépendait de l'issue de ces combats. Le village de Jungingen fut pris et repris jusqu'à cinq fois : comme il était fort étendu, l'ennemi perdait beaucoup de prisonniers chaque fois qu'il était forcé de l'évacuer. Ces prisonniers

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étaient envoyés à Hasslach, où le 32° régiment, malgré des attaques réitérées, conserva sa position; le nombre des prisonniers s'éleva à la fin de la journée à plus de quatre mille.

Pendant les combats multipliés du village de Jungingen, les deux régimens de dragons qui gardaient l'intervalle de ce point à Hasslach, chargés et accablés par la cavalerie autrichienne, furent forcés de quitter le champ de bataille et se retirèrent à Albeck. Cette cavalerie ne voyant plus rien devant elle, continua son mouvement et tomba sur le parc et les bagages qui étaient placés en arrière d'Hasslach; elle les enleva, les conduisit à Ulm, et ne prit aucune autre part à l'action générale : l'abandon de ce vain trophée servit bien le général Dupont, qui, en présence d'une armée, attaqué par des forces très-supérieures, en plaine et dans une position découverte, conserva jusqu'à la nuit son champ de bataille : il dut le salut de sa division et la victoire à sa belle résolution, et à l'intrépidité de ses troupes.

Nous avons rapporté avec plus de détails

que les bornes de cet ouvrage ne nous permettent de le faire, ceux de l'affaire d'Albeck, premièrement, parce que c'est un des plus remarquables combats d'infanterie, à cause de l'inégalité des forces; et secondement, parce que son résultat, et l'impression qu'en reçut l'ennemi, eurent une grande influence sur les opérations de la campagne. Quels soldats, quels officiers que ceux avec lesquels on peut achever de tels faits d'armes! Les généraux Rouger et Marchand commandaient chacun une brigade : les colonels qui commandaient les trois régimens de cette division, Meunier le 9° léger, Darricau le 32o, Barrois le 96, sont tous les trois parvenus, sur les champs de bataille, au grade de lieutenant-général.

Le général Dupont, prévoyant que le lendemain l'ennemi ferait de plus grands efforts, et ne pouvant d'ailleurs, après la pertė de sou parc et de ses bagages, remplacer ses consommations, profita de la nuit pour emmener ses prisonniers, presque aussi nom

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