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garde du général Heudelet, se répandirent en tirailleurs sur les flancs de la colonne autrichienne qui, surprise, harcelée, de plus en plus pressée dans ce long défilé, ne pouvait prendre position; le général Meerfeldt ne continua sa marche qu'au prix des plus rudes sacrifices. Dès qu'il put joindre la grande route, au lieu de marcher sur Annaberg, il tourna vers Mariazell, et tenta vainement de s'y rallier; ses troupes le suivirent en désordre sur la route de Brück, jusqu'à l'auberge de Wegsheide, à environ trois lieues de Mariazell, où il quitta encore cette route pour prendre le chemin de montagne qui, par Mursteig et Neuberg, retombe à Mürzüschlag sur la route de Vienne à Brück; le reste de son artillerie, et ses voitures d'équipages, n'ayant pu gravir la montagne appelée WildeAlpen, furent prises à une lieue de Wegsheide. Le résultat de ce combat de Mariazell fut la destruction du corps du général Meerfeldt, puisque outre le nombre de morts et de blessés sur un espace de cinq lieues, il perdit trois drapeaux, seize pièces de canon et quatre

mille prisonniers. M. de Meerfeldt ne dut imputer son malheur qu'à la mauvaise fortune, car il avait manoeuvré très-militairement en abandonnant la route de Léoben, et se jetant sursa gauche avant d'être atteint par le général Marmont. Il ne pouvait pas supposer que le corps du maréchal Davoust, tout entier avec son artillerie, eût en si peu de temps franchi, malgré les neiges et les glaces, la haute mon tagne entre Waydhoffen et Saint-Gaming, et qu'il fût en mesure de le couper de la route de Lilienfeld. Il est plus difficile qu'on ne le croit communément, d'être informé d'une manière sûre des mouvemens de l'ennemi assez à temps pour régler les siens; le plus habile est celui qui se détermine d'après les conjectures les plus raisonnables, et le plus prudent est celui qui ne prête jamais à l'ennemi les fautes qu'à sa place il se gar derait de commettre.

Napoléon l'éprouva dans cette circonstance. Il apprit, en arrivant à l'abbaye de Moelk, que sa belle disposition pour livrer bataille à Saint-Poelten n'avait plus d'objet;

toute l'armée russe avait repassé le Danube au pont de Krems, qu'elle avait détruit; les troupes autrichiennes s'étaient retirées sur Vienne; le prince Murat, qui avait poussé son avant-garde au-delà de Saint-Poelten, n'avait plus devant lui que des troupes légères qui se repliaient sans combattre, maudissaient leurs alliés, et ne parlaient que d'armistice et de bonne harmonie avec les Français. Le général Kutusow avait reçu de son souverain l'ordre positif de ne point livrer bataille avant la jonction des deux armées russes; cette jonction ne pouvait plus s'opérer sur la rive droite du Danube, endeçà de Vienne, puisque à cette époque, 10 novembre, les premières colonnes de la seconde armée, sous les ordres du général Buxhowden, n'avaient pas encore atteint la frontière de la Moravie. Les mêmes motifs qui avaient déterminé Kutusow à ne pas défendre la frontière de la Haute-Autriche, le décidèrent à abandonner la position de Saint-Poelten, et à découvrir Vienne. Il avait aussi les mêmes prétextes à alléguer vis-à-vis

l'empereur d'Autriche; la faiblesse des secours qui lui étaient annoncés et la dispersion de l'armée autrichienne. L'empereur Napoléon s'était donc flatté d'un espoir qui ne pouvait être réalisé que par la plus grande imprudence que pût commettre le général ennemi. Pour le forcer à recevoir la bataille sur le plateau de Saint-Poelten, il aurait fallu que le corps d'armée du maréchal Mortier, qui éclairait la rive gauche du fleuve, eût deux marches d'avance sur les autres corps, et qu'il pût s'emparer de Krems, et empêcher le passage de l'armée russe. L'événement contraire arriva, et le général Kutusow, ayant eu le temps de mettre le Danube entre le gros de l'armée française et lui, se trouva sur la rive gauche avec des forces très-supérieures à celles du maréchal Mortier.

Nota. C'est à regret que nous coupons ici ce Chapitre pour en reporter la suite au texte du volume suivant (le xive de cet ouvrage). Nous nous étions flattés de pouvoir comprendre dans celui-ci tout le reste du précis historique de la campagne de 1805

sur le continent; mais nous ne pouvions le faire qu'en dérobant à nos lecteurs la partie la plus précieuse des pièces justificatives; les ordres et la correspondance avec les généraux en chef. Ces pièces, dans lesquelles on voit, pour ainsi dire, on entend parler les principaux acteurs, paraîtront sans doute plus intéressantes que nos récits, à ceux qui après nous et mieux que nous écriront notre histoire. Nous réservons aussi pour le xive volume la narration de la troisième et dernière période de cette prodigieuse campagne, et les documens originaux, ainsi que les notes qui s'y rapportent.

Le désir d'accélérer la publication de ce volume nous a portés à imprimer concurremment les pièces justificatives et le texte; il en est résulté une répétition et une augmentation de quatorze pages dans la pagination.

FIN DU TREIZIÈME VOLUME.

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