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devait s'attendre à voir se réunir à Paris une nombreuse jeunesse disposée à voler aux frontières. Terrier, ministre de l'intérieur, avait encore enlevé cette ressource à la France; il avait écrit à la fin de juin à tous les départements pour leur recommander de n'envoyer à Paris aucuns fédérés, et de dissoudre tous les rassemblements qui se formaient cet ordre ne fut que trop bien exécuté.

» Le ministre de la guerre avait donné sa démission le 10 en déclarant qu'il ne pouvait plus être utile à la nation: Louis lui laissa le portefeuille jusqu'au 23 juillet, et, croyant alors n'avoir plus aucun motif de dissimuler ses desseins, il confia le département de la guerre à Dabancourt, neveu de Calonne. Le résultat de tant de perfidies fut que Longwy, Verdun furent livrés au roi de Prusse, qui en prit possession au nom de Louis, et que pour arrêter ses rapides progrès on ne put lui opposer pendant quinze jours qu'une armée de seize mille hommes; que la nation, trahie et perdue, était livrée à ses ennemis sans pouvoir rendre le combat; qu'il fallait des prodiges pour la sauver; qu'elle en fit, et qu'elle fut victorieuse.

» Il était aussi entré dans le plan du pouvoir exécutif d'anéantir la marine: les officiers de ce corps étaient émigrés; il n'en restait pas un nombre suffisant pour faire le service ordinaire des ports.

» Cependant Bertrand, ministre de la marine, délivrait encore des passe-ports et des congés aux officiers pour voyager à Malte, en Hollande lorsque le corps législatif exposa le 8 mars à Louis la conduite coupable du ministre de la marine, Louis déclara qu'il était satisfait de ses services. » Il donna quelque temps après sa démission. Lacoste, qui avait été envoyé en qualité de commissaire civil aux îles du Vent, en était revenu pour se rendre l'accusateur des chefs de l'administration civile et militaire, et remettre au pouvoir exécutif et à l'Assemblée nationale les preuves multipliées

de leur incivisme.

» Louis lui offrit le portefeuille de la marine; Lacoste l'accepta. Il devint le juge de ceux qu'il était venu accuser; mais il oublia ce qu'il devait à la nation; il laissa l'autorité entre les mains de ceux qu'il avait vu en abuser de la manière la plus criminelle.

» Chargé d'envoyer aux colonies des forces suffisantes pour réprimer les troubles et faire reconnaître la souveraineté nationale, il n'envoya que de faibles secours, dont les rebelles se sont rendus les maîtres.

» Docile aux influences du trône, il conserva sa place jusqu'à l'époque des démis

sions combinées du mois de juillet; mais il a sacrifié les intérêts de la nation, et la colonie de la Guadeloupe, qui est maintenant au pouvoir des rebelles.

» Les troubles de l'intérieur exigeaient des mesures répressives d'une grande sévérité : l'Assemblée nationale porta un décret le 29 novembre 1791 contre les prêtres factieux ou fanatiques; Louis en suspendit l'exécution.

» Les troubles croissaient; tous les départements étaient dans la plus violente agitation; les corps administratifs étaient réduits à la nécessité d'employer des mesures arbitraires pour prévenir les plus grands désordres: le ministre déclara qu'il engagerait sa responsabilité s'il laissait subsister les arrêtés des corps administratifs, mais qu'il perdrait la chose publique s'il les cassait; il demanda au corps législatif une loi expresse, parce que les lois existantes ne fournissaient aucun moyen d'atteindre les coupables et de réprimer leurs délits.

» Le corps législatif porta ce décret, si essentiel à la sûreté publique, si longtemps attendu, et si vivement demandé par le ministère le roi en suspendit l'exécution.

» Louis s'est persévéramment refusé à concourir aux mesures qui pouvaient assurer la tranquillité de l'intérieur.

» Arles était dans un état de contre-révolution; elle se coalisait avec l'aristocratie d'Avignon. Marseille envoie ses gardes nationaux pour prévenir les suites d'une révolte déclarée.

» Le ministre envoie des troupes dans le midi contre les citoyens de Marseille. On s'aperçoit bien tard que la ville d'Arles est un foyer de contre-révolution, où les commissaires civils avaient entretenu l'esprit de parti, et oublié la patrie pour servir la royauté.

»Le fanatisme et la politique mêlent et confondent leurs querelles; la religion et la royauté sont les mots de ralliement, et servent de prétexte aux ambitieux qui se sont voués au service du trône, et qui commencent la guerre civile pour asservir leur patrie.

» L'entreprise de Dusaillant dévoile le secret d'une grande conspiration: il est revêtu de pouvoirs et de commissions donnés. par les frères de Louis au nom du roi; il forme de grands rassemblements; il ose combattre; sa défaite, sa punition ont préservé la France des calamités dont le pouvoir exécutif n'aurait voulu ni prévenir ni arrêter les

suites.

» A la fin de juin 1792 l'Assemblée nationale demanda compte au ministre de la

situation de l'intérieur, et des moyens et des ressources sur lesquels il comptait pour répondre de la tranquillité publique: il ne pouvait dissimuler l'existence des troubles et l'agitation de tous les départements; il n'avait dans les lois existantes aucun moyen de réprimer ces désordres, et de préserver l'Etat d'une guerre civile.

» Que pouvait-on espérer du gouvernement pour le rétablissement de l'ordre, lorsque les fonds de la liste civile étaient employés à payer des libelles, à les répandre dans Paris et dans les départements, à attaquer les sociétés populaires, à irriter une partie du peuple contre l'autre, et à relever l'autorité royale, à avilir les représentants du peuple, et à substituer l'esprit de. faction, les haines et les vengeances aux sentiments de fraternité?

» Le ministère se coalisa, et écrivit le 10 juillet deux lettres à Louis: la première annonce la démission des ministres; la seconde explique au roi le motif de ces démissions. Les ministres disent que plusieurs d'entre eux se trouvent exposés à des décrets d'accusation; que dans les circonstances graves de l'Etat leur démission, donnée en même temps, rendra les députés odieux, et les fera envisager comme des désorganisa

teurs...

>> Louis abandonne jusqu'au 23 juillet les départements du ministère à ces hommes qu'il avait choisis dans les restes de la corruption de la cour et de la ville, et qu'il ne conservait que parce que leur inutilité avançait le succès de ses desseins autant qu'un ministère bien composé les aurait retardés.

» Le peuple, trahi, demandait la déchéance du roi. Louis méditait un autre attentat dont le plan et le jour de l'exécution étaient connus à Milan, dans plusieurs villes étrangères et dans les départements: des lettres adressées à Laporte annoncent cet événe

ment.

» L'incivisme de sa garde en avait nécessité le licenciement: il retenait à son service personnel les ci-devant gardes suisses; la Constitution le lui défendait, et deux décrets chargeaient le pouvoir exécutif de faire sortir les Suisses de Paris et de les employer à la défense des frontières.

» Il avait des compagnies particulières entretenues pour un service secret.

» Gilles était chargé de l'organisation d'une compagnie de soixante hommes; et dans les mois de mai et de juin il a reçu pour cette troupe une somme de 12,000 livres, qui lui a été payée par le trésorier général de la liste civile.

» On enrôlait secrètement pour le roi : on ne trouve de preuves littérales que pour une seule compagnie; mais une foule de déclarations reçues par des officiers de police constatent qu'il existait plusieurs compagnies et un grand nombre d'enrôlés : le nombre de ceux-ci est porté dans les déclarations faites. au nom de la section des Gravilliers à sept ou huit cents.

» La cour provoque la journée du 10 août, journée prévue longtemps auparavant. Le 9 les appartements du château se trouvent remplis d'hommes armés qui y passent la nuit.

Le 10 le roi fait la revue des Suisses à cinq heures du matin dans le jardin des Tuileries.

» Les citoyens de Paris, les fédérés s'avancent avec confiance vers le château, et c'est du château que l'on tire sur eux; ils souffrent plusieurs décharges meurtrières. Il s'engage un sanglant combat entre les conspirateurs du château et les citoyens; la tyrannie est enfin vaincue, le trône renversé, tandis que Louis était allé chercher un asile dans le sein des représentants du peuple.

» Louis est coupable d'un attentat dont il a conçu le dessein dès le commencement de la révolution, dont il a tenté plusieurs fois l'exécution. Tous ses pas, toutes ses démarches ont été constamment dirigés vers le mème but, qui était de reconquérir le sceptre du despotisme, et d'immoler tout ce qui résisterait à ses efforts. Plus fort, plus affermi dans ses desseins que tout son conseil, il n'a jamais été influencé par ses ministres; il ne peut rejeter ses crimes sur eux, puisqu'il les à au contraire constamment dirigés ou renvoyés à son gré. La coalition des souverains, la guerre étrangère, les étincelles de guerre civile, la désolation des colonies, les troubles de l'intérieur, qu'il a fait naître, qu'il a entretenus et augmentés, ont été les moyens qu'il a employés pour relever son trône, ou s'ensevelir sous ses débris. »>

Le lendemain Barbaroux, au nom de la même commission, présente l'acte énonciatif. Plusieurs membres prétendent que cet acte est trop étendu, et demandent qu'on le réduise à un petit nombre de chefs, afin que prouvés n'affaiblissent pas ceux qu'appuient les faits qui ne seraient pas très-clairement des preuves victorieuses; d'autres membres pensent au contraire qu'il doit renfermer tous les griefs contre Louis; ils proposent des additions, dont quelques-unes sont adoptées, et insérées dans l'acte qui suit.

ACTE ENONCIATIF DES CRIMES DE LOUIS

(décrété le 11 décembre 1792).

<«<Louis, le peuple français vous accuse d'avoir commis une multitude de crimes pour établir votre tyrannie en détruisant sa liberté.

» Vous avez le 20 juin 1789 attenté à la souveraineté du peuple en suspendant les Assemblées de ses représentants, et en les repoussant par la violence du lieu de leurs séances. La preuve en est dans le procès-verbal dressé au jeu de paume de Versailles par les membres de l'Assemblée constituante.

» Le 23 juin vous avez voulu dicter des lois à la nation; vous avez entouré de troupes ses représentants; vous leur avez présenté deux déclarations royales éversives de toute liberté, et vous leur avez ordonné de se séparer. Vos déclarations et les procèsverbaux de l'Assemblée constatent ces at

tentats.

>> Vous avez fait marcher une armée contre les citoyens de Paris; vos satellites ont fait couler leur sang, et vous n'avez éloigné cette armée que lorsque la prise de la Bastille et l'insurrection générale vous ont appris que le peuple était victorieux. Les discours que vous avez tenus les 9, 12 et 14 juillet aux diverses députations de l'Assemblée constituante font connaître quelles étaient vos intentions, et les massacres des Tuileries déposent contre vous.

» Après ces événements, et malgré les promesses que vous aviez fait le 15 dans l'Assemblée constituante, et le 17 dans l'Hôtel de Ville de Paris, vous avez persisté dans vos projets contre la liberté nationale.

» Vous avez longtemps éludé de faire exécuter les décrets du 11 août concernant l'abolition de la servitude personnelle, du régime féodal et de la dîme; vous avez longtemps refusé de reconnaître la Déclaration des Droits de l'homme; vous avez augmenté du double le nombre de vos gardes du corps, et appelé le régiment de Flandres à Versailles; vous avez permis que dans des orgies faites sous vos yeux la cocarde nationale fût foulée aux pieds, la cocarde blanche arborée, et la nation blasphémée; enfin vous avez nécessité une nouvelle insurrection, occasionné la mort de plusieurs citoyens; et ce n'est qu'après la défaite de vos gardes que vous avez changé de langage et renouvelé des promesses perfides. Les preuves de ces faits sont dans vos observations du 18 septembre sur les décrets du 11 août,

dans les procès-verbaux de l'Assemblée constituante, dans les événements de Versailles des 5 et 6 octobre, et dans le discours que vous avez tenu le même jour à une députation de l'Assemblée constituante, lorsque vous lui dites que vous vouliez vous éclairer de ses conseils, et ne jamais vous séparer d'elle.

» Vous aviez prêté à la fédération du 14 juillet un serment que vous n'avez pas tenu. Bientôt vous avez essayé de corrompre l'esprit public à l'aide de Talon, qui agissait dans Paris, et de Mirabeau qui devait imprimer un mouvement contre-révolutionnaire aux provinces. Vous avez répandu des millions pour effectuer cette corruption, et vous avez voulu faire de la popularité même un moyen d'asservir le peuple. Ces faits résultent d'un mémoire de Talon, que vous avez apostillé de votre main, et d'une lettre que Laporte vous écrivait le 19 avril, dans laquelle, vous rapportant une conversation qu'il avait eue avec Rivarol, il vous disait que les millions qu'on vous avait engagé à répandre n'avaient rien produit.

» Dès longtemps vous avez médité un projet de fuite: il vous fut remis le 23 février un mémoire qui vous en indiquait les moyens, et vous l'apostillates. Le 28 une multitude de nobles et de militaires se répandirent dans vos appartements, au château des Tuileries, pour favoriser cette fuite. Vous voulûtes le 18 avril quitter Paris pour vous rendre à Saint-Cloud; mais la résistance des citoyens vous fit sentir que la défiance était grande: vous cherchâtes à la dissiper en communiquant à l'Assemblée constituante une lettre que vous adressiez aux agents de la nation auprès des puissances étrangères, pour leur annoncer que vous aviez accepté librement les articles constitutionnels qui vous avaient été présentés; et cependant le 21 juin vous preniez la fuite avec un faux passe-port; vous laissiez une déclaration contre ces mêmes articles constitutionnels; vous ordonniez aux ministres de ne signer aucun des actes émanés de l'Assemblée nationale, et vous défendiez à celui de la justice de remettre les sceaux de l'Etat. L'argent du peuple était prodigué pour assurer le succès de cette trahison; la force publique devait la protéger sous les ordres de Bouillé, qui naguère avait été chargé de diriger le massacre de Nancy, et à qui vous aviez écrit à ce sujet de soigner sa popularité, parce qu'elle pouvait vous être bien utile. Ces faits sont prouvés par le mémoire du 23 février, apostillé de votre main; par votre déclaration du 20 juin, tout entière de votre écriture; par votre lettre du 4 septembre 1790 à Bouillé, et par une note de

celui-ci dans laquelle il vous rend compte de l'emploi des 993,000 livres données par vous, et employées en partie à la corruption des troupes qui devaient vous escorter.

Après votre arrestation à Varennes l'exercice du pouvoir exécutif fut un moment suspendu dans vos mains, et vous conspirâtes encore. Le 17 juillet le sang des citoyens fut versé au Champ de Mars. Une lettre de votre main, écrite en 1790 à Lafayette, prouve qu'il existait une coalition criminelle entre vous et Lafayette, à laquelle Mirabeau avait accédé. La révision commença sous ces auspices cruels. Tous les genres de corruption furent employés. Vous avez payé des libelles, des pamphlets, des journaux destinés à pervertir l'opinion publique, à discréditer les assignats, et à soutenir la cause des émigrés. Les registres de Septeuil indiquent quelles sommes énormes ont été employées à ces manoeuvres liberticides.

» Vous avez paru accepter la Constitution le 14 septembre; vos discours annonçaient la volonté de la maintenir, et vous travailliez à la renverser avant même qu'elle fût achevée.

>> Une convention avait été faite à Pilnitz le 24 juillet entre Léopold d'Autriche et Frédéric-Guillaume de Brandebourg, qui s'étaient engagés à relever en France le trône de la monarchie absolue, et vous vous êtes tu sur cette convention jusqu'au moment où elle a été connue de l'Europe entière.

» Arles avait levé l'étendard de la révolte; vous l'avez favorisée par l'envoi de trois commissaires civils qui se sont occupés non à réprimer les contre-révolutionnaires, mais à justifier leurs attentats.

» Avignon et le comtat Venaissin avaient été réunis à la France: vous n'avez fait exécuter le décret qu'après un mois, et pendant ce temps la guerre civile a désolé ce pays; les commissaires que vous y avez successivement envoyés ont achevé de le dévaster.

» Nîmes, Montauban, Mende, Jalès avaient éprouvé de grandes agitations dès les premiers jours de la liberté; vous n'avez rien fait pour étouffer ce germe de contre-révolution jusqu'au moment où la conspiration de Dusaillant a éclaté.

» Vous avez envoyé vingt-deux bataillons contre les Marseillais qui marchaient pour réduire les contre-révolutionnaires arlésiens.

» Vous avez donné le commandement du midi à Wigenstein, qui vous écrivait, le 21 avril 1792, après qu'il eut été rappelé : Quelques instants de plus, et je rappelais

» à toujours autour du trône de Votre Ma»jesté des milliers de Français redevenus » dignes des vœux qu'elle forme pour leur >> bonheur. >>

« Vous avez payé vos ci-devant gardes du corps à Coblentz; les registres de Septeuil en font foi, et plusieurs ordres signés de vous constatent que vous avez fait passer des sommes considérables à Bouillé, Rochefort, Lavauguyon, Choiseul-Beaupré, Hamilton, et à la femme Polignac.

» Vos frères, ennemis de l'Etat, ont rallié les émigrés sous leurs drapeaux, ils ont levé des régiments, fait des emprunts et contracté des alliances en votre nom: vous ne les avez désavoués qu'au moment où vous avez été bien certain que vous ne pouviez plus nuire à leurs projets. Votre intelligence avec eux est prouvée par un billet écrit de la main de Louis-Stanislas-Xavier, souscrit par vos deux frères, et ainsi conçu:

« Je vous ai écrit, mais c'était par la » poste, et je n'ai rien pu dire. Nous » sommes ici deux qui n'en font qu'un; » mêmes sentiments, mêmes principes, » même ardeur pour vous servir. Nous gar>> dons le silence; mais c'est qu'en le rom» pant trop tôt nous vous commettrions : >> mais nous parlerons dès que nous se>> rons sûrs de l'appui général, et ce mo>>ment est proche. Si l'on nous parle de la » part de ces gens-là nous n'écouterons »rien; si c'est de la vôtre nous écouterons, >> mais nous irons droit notre chemin : ainsi » si l'on veut que vous nous fassiez dire » quelque chose, ne vous gênez pas. Soyez » tranquille sur votre sûreté; nous n'exis» tons que pour vous servir; nous y tra» vaillons avec ardeur, et tout va bien; nos »> ennemis mêmes ont trop d'intérêt à votre >> conservation pour commettre un crime » inutile, et qui achèverait de les perdre. » Adieu. Louis-Stanislas-Xavier, et Charles» Philippe. »>

» L'armée de ligne, qui devait être portée au pied de guerre, n'était forte que de cent mille hommes à la fin de décembre vous aviez ainsi négligé de pourvoir à la sûreté extérieure de l'Etat. Narbonne, votre agent, avait demandé une levée de cinquante mille hommes, mais il arrêta le recrutement à vingt-six mille, en assurant que tout était prêt; rien ne l'était pourtant. Après lui Servan proposa de former auprès de Paris un camp de vingt mille hommes; l'Assemblée législative le décréta : vous refusàtes votre sanction. Un élan de patriotisme fit partir de tous côtés des citoyens pour Paris : vous arrêter dans leur marche. Cependant uos fites une proclamation qui tendait à les

armées étaient dépourvues de soldats; Dumouriez, successeur de Servan, avait déclaré que la nation n'avait ni armes, ni munitions, ni subsistances, et que les places étaient hors de défense.

>> Vous avez donné mission aux commandants des troupes de désorganiser l'armée, de pousser des régiments entiers à la désertion, et de leur faire passer le Rhin pour les mettre à la disposition de vos frères et de Léopold d'Autriche: ce fait est prouvé par une lettre de Toulongeon, commandant de la Franche-Comté.

» Vous avez chargé vos agents diplomatiques de favoriser la coalition des puissances étrangères et de vos frères contre la France, particulièrement de cimenter la paix entre la Turquie et l'Autriche, pour dispenser celle-ci de garnir ses frontières du côté de la Turquie et lui procurer par là un plus grand nombre de troupes contre la France. Une lettre de Choiseul-Gouffier, ci-devant ambassadeur à Constantinople, établit ce fait.

>> Vous avez attendu d'être pressé par une réquisition faite au ministre Lajarre, à qui l'Assemblée législative demandait d'indiquer quels étaient ses moyens de pourvoir à la sûreté extérieure de l'Etat, pour proposer par un message la levée de quarante-deux bataillons.

» Les Prussiens s'avançaient vers nos frontières on interpella votre ministre de rendre compte de l'état de nos relations politiques avec la Prusse : vous répondites le 6 juillet que cinquante mille Prussiens marchaient contre nous, et que vous donniez avis au corps législatif des actes formels de ces hostilités imminentes, aux termes de la Constitution.

» Vous avez confié le département de la guerre à Dabancourt, neveu de Calonne et tel a été le succès de votre conspiration que les places de Longwy et de Verdun ont été livrées ausitôt que les ennemis ont

paru.

>> Vous avez détruit notre marine : une foule d'officiers de ce corps étaient émigrés; à peine en restait-il pour faire le service des ports; cependant Bertrand accordait toujours des passe-ports, et lorsque le corps législatif vous exposa le 8 mars sa conduite coupable vous répondîtes que vous étiez satisfait de ses services.

>> Vous avez favorisé dans les colonies le maintien du gouvernement absolu; vos agents y ont partout fomenté le trouble et la contrerévolution, qui s'y est opérée à la même époque où elle devait s'effectuer en France, ce qui indique assez que votre main condui

sait cette trame.

» L'intérieur de l'Etat était agité par les fanatiques : vous vous en êtes déclaré le protecteur en manifestant l'intention évidente de recouvrer par eux votre ancienne puis

sance.

>> Le corps législatif avait rendu le 29 novembre un décret contre les prètres factieux vous en avez suspendu l'exécution.

>> Les troubles s'étaient accrus : le ministre déclara qu'il ne connaissait dans les lois existantes aucun moyen d'atteindre les coupables. Le corps législatif rendit un nouveau décret vous en suspendîtes encore l'exécution.

» L'incivisme de la garde que la Constitution vous avait donnée en avait nécessité le licenciement. Le lendemain vous lui avez écrit une lettre de satisfaction; vous avez continué de la solder. Ce fait est prouvé par les comptes du trésorier de la liste civile.

>> Vous avez retenu auprès de vous les gardes suisses: la Constitution vous le défendait, et l'Assemblée législative en avait expressément ordonné le départ.

» Vous avez eu dans Paris des compagnies particulières chargées d'y opérer des mouvements utiles à vos projets de contrerévolution Dangremont et Gilles étaient deux de vos agents; ils étaient salariés par la liste civile. Les quittances de Gilles, chargé de l'organisation d'une compagnie de soixante hommes, vous seront présentées.

» Vous avez voulu par des sommes considérables suborner plusieurs membres des Assemblées constituante et législative : des lettres de Dufresne Saint-Léon et plusieurs autres, qui vous seront présentées, établissent ce fait.

>> Vous avez laissé avilir la nation francaise en Allemagne, en Italie, en Espagne, puisque vous n'avez rien fait pour exiger la réparation des mauvais traitements que les Français ont éprouvés dans ces pays.

>> Vous avez fait le 10 août la revue des Suisses à cinq heures du matin, et les Suisses ont tiré les premiers sur les citoyens; vous avez fait couler le sang des Français.

>> Voilà les crimes qui vous sont imputés. Répondez aux questions que la Convention nationale me charge de vous faire. »

Pendant la discussion de cet acte Manuel avait pris la parole; et dit :

« Ces discussions sont oiseuses! La journée s'avance vous savez qu'il importe que Louis XVI retourne au Temple avant la fin du jour; je demande donc que vous donniez des ordres pour qu'il soit amené sur-le-champ.

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