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une somme supérieure; on en eût émis pour 300 millions qu'on eût trouvé, on pouvait l'assurer, pour plus encore de preneurs.

Telles étaient, au moment où parlait M. de Villèle, la véritable situation du crédit et les ressources à la disposition du pays.

Quant à la richesse contributive du pays, jamais l'impôt direct et indirect n'avait été mieux payé, jamais les frais n'avaient été moindres, jamais la France n'avait accusé plus d'aisance et de confiance, quelque troublée que fût la situation politique. M. de Villèle le prouvait, en homme pratique, par les curieux tableaux qu'il présentait à l'appui, tableaux qui établissaient la comparaison des recettes et des dépenses opérées de 1821 à 1827, ainsi que les chiffres des dégrèvements obtenus de 1821 à 1827, c'est-à-dire depuis son entrée au ministère.

Voici ces documents: Recettes : les recettes avaient été augmentées dans ces six ans de 70 millions dans les branches suivantes : 1° les domaines, 15 millions; 2° les bois, 7 millions; 3° les douanes, 16 millions; 4° les sels, 1 million; 5° les contributions indirectes, 19 millions; 6° les postes, 4 millions; 7° la loterie, 2 millions; 8° les patentes, 3 millions; par divers, 3 millions. Ensemble 70 millions.

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Par contre, si l'on analysait les différents dégrèvements accordés à la contribution foncière, on trouvait qu'elle avait été soulagée d'un poids de 45 millions, ainsi : 1° moitié du dégrèvement accordé par la loi de 1821, 13 millions; 2° dégrèvement de 1826 et

1827 y compris les centimes de perception, 27 millions; 3° abandon des retenues sur les traitements, 4 millions; 4° diminution du produit de l'Inde, 1 million. Ensemble 45 millions.

D'où on tirait le résultat que, le budget des recettes de 1827 étant estimé à 916 millions, tandis que celui de 1821 avait donné 891 millions, il y avait encore en 1827, et malgré le dégrèvement de 45 millions, un excédant de recettes de 25 millions comparativement à 1821.

Les dépenses publiques avaient suivi les mêmes phases de progrès. On avait, d'un côté, augmenté la dotation de certains services, et diminué, d'un autre, ceux qui étaient trop rétribués. 59 millions avaient été accordés en plus aux services généraux, 5 millions aux frais de régie. Ensemble 64 millions. En même temps, 28 millions avaient été économisés, ce qui, balance faite, ne donnait aux dépenses publiques de 1827, comparées à celles de 1821, qu'une augmentation, en ces sept années, de 36 millions.

Il ressortait alors, de ces diverses opérations, diminutions ou augmentations entre les recettes et les dépenses de 1821 à 1827, la situation suivante au moment où M. de Villèle présentait son budget:

Le budget des recettes avait été, en 1821, de 891 millions; celui de 1827 était de 916 millions:-augmentation, 25 millions.

Le budget des dépenses avait été, en 1821, de 880 millions; celui de 1827 était de 916 millions: augmentation, 36 millions.

Enfin, en tenant compte de l'ensemble des recettes et des dépenses comparées de 1821 à 1827, il ressortait, entre ces deux périodes, une simple différence de 10 millions.

De semblables résultats étaient assurément le titre le plus incontestable d'un sérieux ministre des finances à la confiance des Chambres; cependant la discussion de ce budget de 1827, continuée pendant vingt-six jours avec une sévérité stérile, on le sait d'avance, témoigna une fois de plus de l'aveuglement politique qui égare parfois les meilleurs et les plus honnêtes esprits.

La discussion générale, comme toutes les discussions sans limites, s'égara dans une multitude de systèmes, de propositions, de critiques et de projets qui eussent bouleversé de fond en comble l'économie de nos finances, et remis tout en question: impôts, taxes, administration, armée, gouvernement même. Sortir ainsi du rôle constitutionnellement attribué aux Chambres n'était point la discussion du budget présenté on y revint donc par les articles spéciaux à chaque ministère.

La justice passa sans difficulté. Une simple augmentation de 135,000 fr. était demandée, elle fut accordée.

Les affaires étrangères réclamaient 600,000 fr. pour deux légations nouvelles au Brésil et à Lucques, et la création d'un agent consulaire à Haïti, suite de notre reconnaissance de l'indépendance de Saint-Domingue. Il n'y fut point contredit, pas plus qu'aux frais de ser

vice des agents politiques et consulaires faisant partie du même crédit.

L'attention publique se porta plus particulièrement sur une proposition incidente de M. Alexis de Noailles qui eut son importance. Elle était comme le prélude de notre expédition de Morée.

M. de Noailles demandait qu'une somme de 300,000 fr. fùt ajoutée au budget des affaires étrangères, afin d'ouvrir aux consuls français en Orient un crédit pour le rachat des esclaves chrétiens.

Après les désastres de la Morée, 60,000 chrétiens étaient répandus, sans pain, à Constantinople, à Andrinople, dans les échelles du Levant, en Égypte, où ils étaient vendus à vil prix, pour cinq pièces d'argent. Il semblait digne du Roi et de la France de venir au secours de ces nobles infortunes.

A cette ouverture, M. de Villèle ne put que répondre avec une extrême réserve. La question de l'indépendance hellénique n'était point encore, à cette époque, assez dégagée des éléments révolutionnaires qui avaient présidé à son origine pour que la France pût ouvertement prendre un parti. Il y avait à se concerter auparavant avec deux redoutables puissances, pour rallier à l'intérêt français l'ambition de la Russie et les susceptibilités de l'Angleterre. Tout n'était donc pas encore prêt. Il y avait ensuite à ne point irriter les vengeances de la Porte par un acte public qui eût amené inévitablement le massacre de nouvelles victimes. Toutes ces considérations déterminèrent donc M. de Villèle à une circonspection notable de paroles. Ce

qu'il put seulement dire, après avoir rappelé que l'escadre française commandée par l'amiral de Rigny avait arraché sept mille Grecs au sabre turc, fut ceci : « Nous verrons bientôt, nous en avons l'espérance, le terme des maux qu'on regrette et la pacification qu'on désire. »

C'était presque un engagement d'intervenir. C'était aussi répondre aux sympathies publiques, car déjà, aux poétiques souvenirs de l'antique Argos, aux cris des Souliotes mourant sur les remparts de Missolonghi une croix à la main, la cause des Grecs était gagnée; elle était celle de la religion, de la jeunesse et de la liberté !

Ainsi satisfaite dans une espérance prochaine, la Chambre rejeta la proposition de M. de Noailles.

Le ministère des affaires ecclésiastiques, voté au chiffre présenté avec une augmentation de 2,500,000 fr., ne révéla que cette physionomie déjà très-prononcée de l'ardente animadversion du pays contre la congrégation dont le joug pesait de tout son poids sur le ministère : « Brisez, disait-on à M. de Villèle, cette puissance occulte, elle ne tardera pas à vous renverser. » M. de Villèle ne tint point assez compte de cette prédiction, qui ne devait se réaliser que trop tôt.

Le ministère de l'intérieur, si considérable alors par les différents et nombreux services qu'il administrait, demandait 91 millions. Ils lui furent accordés, il lui fut même accordé, en sus de ses demandes, une somme de 101,400 fr. destinée à porter à 1,200 fr. les ministres protestants de 4 classe. Ce fut M. de

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