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occupés à leurs travaux; mais pour réussir il faut en remuer le limon.

Des compagnies de tirailleurs, de fédérés, de partisans s'organisent; et, pour en imposer à la garde nationale, qui représente la masse des bons citoyens, amis de la paix et de l'ordre, vingt mille individus, sans domicile, et des mouchards, sont incorporés; des habits et des armes sont distribués, on donne des repas de corps, on établit des clubs, où l'on vocifère contre la famille des Bourbons. Les instrumens du régime de 1793 sortent de dessous le pavé ; on parcourt les rues en portant le buste du tyran, aux cris de vive Buonaparte, vive le roi de Rome; aux armes pour défendre l'indépendance nationale.

On force toas les citoyens à travailler aux fortifications sous Paris. Les lazzaronis de Carnot disent hautement que le moment n'est pas éloigné d'égorger tous les royalistes et les anciens nobles; que déjà la liste de ceux de Paris est faite, et que le nombre est de plus de trente mille.

Des généraux, des militaires à demi-solde publient qu'ils ont fait un pacte, au nombre de quinze à dix-huit mille, pour assassiner les souverains alliés dans leurs camps!

On publioit que Buonaparte vouloit rendre au peuple français ses droits et lui donner une

constitution libérale, moyen pour tromper la multitude. Néanmoins, tous les partis s'observoient; la guerre civile étoit prête d'éclater; un parti espéroit un gouvernement républicain; les conventionnels et tous les jacobins et terroristes vouloient mettre sur le trône, et sans son aveu, le duc d'Orléans, ce prince trop attaché au Roi, et trop prudent pour vouloir réguer par la puissance des factieux qui ont perdu la France.

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La nouvelle noblesse, et tous ceux qui sont devenus riches par les prodigalités de Buonaparte, désiroient la régence, espérant, sous ce gouvernement, pouvoir jouir en paix de leurs fortunes, de leurs titres de noblesse, et partager les abus et les vices de ceux qui auroient composé le conseil de régence.

Les purs royalistes soupiroient après le retour › des Bourbons; dans ce conflit d'opinions, personne ne vouloit de Buonaparte, même les maréchaux de France, à l'exception des officiers inférieurs, qui vouloient arriver aux premiers grades Buonaparte continuant de suivre son système de guerre.

Cette anarchie d'idées et de volontés pouvoit dans un instant exposer la France au plus grand

malheur.

Le ministre de la police (Fouché) étoit calme au milieu de ces désordres effrayans.

Son ami le plus intime n'auroit pu deviner dans quel sens il administroit la police; il a eu l'adresse, en homme de génie dans cette machiavélique administration, de contenir toutes les factions, en faisant espérer particulièrement à chaque parti qu'il obtiendroit l'ordre de choses qu'il désiroft. Aucun individu n'a été arrêté par ses ordres. Réal a souvent contrarié ses intentions. Ce ministre adroit peut se flatter avoir tenu, sous sa tutelle, tous les partis, même Buonaparte.

Les clubs étoient dirigés par des hommes qui lui étoient dévoués; son système étoit qu'il falloit entretenir l'anarchie pour gagner du temps.

Buonaparte lui a reproché plusieurs fois qu'il ne faisoit pas arrêter les royalistes: Sire, le nombre est trop considerable. Une autre fois Buonaparte lui dit : M. le duc d'Otrante, vous fates mal la police. Sire, une preuve que je fais mon devoir, c'est que vous n'êtes pas as

sassiné,

Les ennemis de Fouché, et nous sommes du nombre, ne peuvent refuser de convenir qu'il a sauvé la France d'une guerre civile, et que sa conduite a été celle d'un ministre qui vouloi rester en place sous l'un ou sous l'autre gouvernement. Voilà les motifs de sa protection pour la famille Buonaparte.

On assure que le duc d'Otrante (Fouché) a dit à un maréchal de France, lors du départ du Roi : « Le connois votre fidélité et votre attachement pour Sa Majesté; répondez de sa personne; pour moi, je réponds de la monarchie; » et il a tenu parole.

Nous ferons une dernière remarque en faveur des hommes de lettres dignes de ce nom; c'est qu'il n'y en a eu aucun qui ait voulu déshonorer sa plume pour prodiguer des éloges au tyran usurpateur.

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Les menaces n'ont point intimidé les célèbres chansonniers du Cayeau et du Rocher de Cancale; plusieurs ont préféré s'expatrier. Nous eiterons avec plaisir, comme un hommage que nous leur devons, MM. Désaugiers, Gentil-deChavagnac, Théaulon, d'Artois, etc.

24 MARS. Joseph Buonaparte arrive à Paris et va occuper le palais de l'Elysée-Bourbon, ensuite l'hôtel du comte Maison, gouverneur de Paris, qui avoit suivi le Roi. La garde nationale a l'humiliation d'être forcée de faire un service. militaire chez le frèrè de l'usurpateur.

Buonaparte, voulant prouver aux Français qu'il ne redoute pas la vérité, et donner toute latitude à la pensée, rend un décret qui supprime la censure et les censeurs; mais le nombre des mouchards est augmenté. La di

rection générale de la librairie et de l'imprimerie est aussi supprimée.

2 AVRIL. Buonaparte reçoit des adresses de félicitations du conseil d'état, des ministres et de la cour de cassation. Cette dernière est signée de la presque totalité des membres; on remarque ce passage : « Sire, la profession de sentimens dont votre cour de cassation vous apporte l'hommage, ne peut être aujourd'hui que la profession des principes qu'elle s'honore de proclamer en vous saluant comme seul, véritable souverain légitime de l'empire. Votre majesté a acquis des droits immuables à la reconnoissance, non-seulement de la France, mais de toutes les nations civilisées, pour avoir sauvées de la subversion de tous les droits et de la rétrogradation de la raison universelle, etc. »

les

La postérité ne croira pas que les premiers magistrats de France se soient parjurés d'une manière aussi infamante. Quoi! des magistrats qui, un mois avant, avoient prêté serment de fidélité à leur légitime souverain! Honneur au petit nombre qui n'a pas voulu signer cet acte d'iniquité, plus coupable que la trahison des généraux.

la cour de cassa

Au retour de Louis XVIII, tion, présidée par un homme digne d'une si haute fonction, a obligé les membres de se ré

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