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mouvemens, envoya l'ordre de commencer le feu. Il se promenoit seul, les bras croisés sur la poitrine, en avant et à une petite distance de son état-major, groupé et aligné derrière lui.

Vers midi, les premiers coups de canon partirent des lignes françaises; après une heure de combat, les Anglais parurent se retirer un peu, et l'armée française resserra ses approches : l'artillerie se porta en avant sur toute la ligne, et les colonnes la suivirent. Sur tous les points on luttoit l'un contre l'autre avec la même ardeur; l'artillerie faisoit un ravage affreux. L'armée française passa le ravin et se rapprocha des positions qui vomissoient sur elle un déluge de mitraille et de boulets. Trois fois la position est sur le point d'être forcée; et trois fois, après des prodiges de valeur, les Français sont arrêtés.

Il y eut alors dans l'armée française de l'hésitation et de vives inquiétudes : quelques batteries démontées se retirèrent; de nombreux blessés se détachoient des colonnes et répandoient l'alarme sur l'issue de la bataille. On voyoit, à l'exception de l'infanterie de la garde, toutes les troupes engagées et exposées au feu le plus meurtrier : l'action se prolongeoit toujours avec la même violence, et cependant elle n'amenoit aucun résultat.

Il étoit près de sept heures: Buonaparte, qui étoit resté sur le plateau, contemploit avec un regard féroce le hideux spectacle d'une aussi effroyable boucherie. Plusieurs fois on lui fit dire de divers points que l'affaire étoit mauvaise, que les troupes paroissoient ébranlées : En avant! répondoit-il, en avant!

Un général le fit prévenir qu'il se trouvoit dans une position à ne pouvoir tenir, parce qu'il étoit écrasé par une batterie; il lui demandoit en même temps ce qu'il avoit à faire pour se soustraire au feu meurtrier de cette batterie: S'en emparer, répondit-il; et il tourna le dos à l'aide-de-camp. Rien n'ayant pu le faire changer de résolution, Buonaparte forma une quatrième colonne d'attaque, presque entière'ment composée de la garde, et se dirigea au pas de charge sur le Mont-Saint-Jean. Ces vieux guerriers abordèrent le plateau avec l'intrépidité qu'on devoit en attendre: toute l'armée reprend vigueur; le combat se rallume sur toute la ligne. La garde charge à diverses reprises, mais elle est constamment repoussée : des masses énormes d'infanterie, soutenues par une immense cavalerie, à laquelle nous ne pouvions plus en opposer, puisque la nôtre étoit entièrement détruite, fondent sur eux avec fureur, et les entourent de tous côtés, les ment de se rendre : La garde ne se rend pas,

som

elle meurt, répondent-ils. Alors on ne leur fait plus de quartier presque tous tombent, en se battant en désespérés, sous le tranchant des sabres et des baionnettes.

Pendant que les choses se passoient ainsi vers le centre, les colonnes prussiennes, arrivées sur notre droite, continuoient à s'avancer et à presser avec impétuosité sur le peu de troupes françaises qui se trouvoient sur ce point. Une épouvante générale se répandit dans l'armée, qui se débanda sur tous les points et se déborda

comme un torrent.

Les cannoniers abandonnent leurs pièces, les soldats du train coupent les traits de leurs chevaux; l'infanterie, la cavalerie, toutes les armes, mêlées et confondues, ne présentent plus qu'une masse informe que rien ne peut arrêter et qui se sauve vers la route et à travers champs. Une foule d'équipages suivent le mouvement avec précipitation, s'y jettent tous ensemble, et l'encombrent au point que l'on ne peut plus y circuler.

L'ennemi, qui s'aperçoit du bouleversement de notre armée, détache sur-le-champ une nombreuse cavalerie pour la poursuivre.

Pendant que des escadrons lancés sur la route tombent à l'improviste sur les ambulances, qui n'ont pas le temps d'être prévenues, et s'en emparent, des colonnes formidables

s'avancent sur nos flancs. Les équipages de la maison de Buonaparte, arrêtés aux environs de la ferme où il avoit logé, sont pris par les Prussiens, ainsi qu'une multitude d'autres bagages. Tous les canons, ainsi que les caissons, tombèrent au pouvoir de l'ennemi.

En moins d'une demi-heure tout le matériel avoit disparu, ainsi que Buonaparte, qui, pour la cinquième fois, déserta et abandonna son armée!... Ainsi finit cette tragédie sanglante, qui a sacrifié cinquante mille Français. La perte des alliés, dans les journées des 15, 16, 17 et 18, peut monter à quarante mille hommes. L'armée anglaise a fait une perte considérable en officiers supérieurs. Plusieurs princes ont été blessés. »

20 JUIN. Lettre particulière du prince Blucher, datée de Gosselies: « Je me suis remis de ma chute, mais j'ai encore perdu un cheval; je ne crois pas que de sitôt, ou jamais, je pourrai livrer une bataille. Notre victoire. est la plus complète qui ait été jamais`gagnée. Napoléon s'est échappé pendant l'obscurité de la nuit, en abandonnant son chapeau et son épée. Je les envoie au roi. J'ai pris son grand manteau de couronnement parsemé d'abeilles d'or, et sa voiture de gala. Je possède aussi le télescope avec lequel il nous a examinés le jour de la bataille. Nos troupes se

sont emparées de ses bijoux et de tout ce qu'il possédoit de précieux. Il ne lui est pas resté la moindre chose de ses équipages. Tel soldat a 20 et 24,000 francs. Napoléon s'était jeté dans sa voiture pour se sauver, lorsqu'il fut surpris par nos troupes. Il en sortit précipitamment, et se jeta sur un cheval, sans épée, et en laissant tomber son chapeau. Les suites de cette journée sont incalculables; la perte de Napoléon est assurée. » Les gazettes de Londres disent qu'on a trouvé dans la voiture de Buonaparte la liste des espions et agens qu'il avoit dans les pays étrangers; et dans une autre voiture, un service complet en or.

30 JUIN. Extrait de la gazette de Berlin. Aujourd'hui le lieutenant de Pless est arrivé avec les diamans de Napoléon', que le 15o régiment de ligne a pris le 18 à Génappe. Le régiment, gorgé de richesses, résolut de mettre ce trésor aux pieds de S. M., à laquelle il fut présenté à Hanau; mais le roi ordonna de le transporter à Berlin. Il renferme des diamans bruts de la plus grande valeur.

21.

Arrivée à Paris de Napoléon avec son frère Joseph. Son intention est de demander 500 mille hommes, et deux cent millions. Mais la perte de la bataille du 18 ayant compromis le salut de la patrie, le retour du général, déserteur pour la cinquième fois de son

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